Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de la Guyane, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2013 par lequel le ministre de l'intérieur l'a radié du tableau d'avancement au grade de brigadier de police au titre de 2013, ensemble l'engagement de renonciation à l'avancement signé le 31 mai 2013 et le procès-verbal du 30 août 2013 l'installant dans les fonctions de gardien de la paix à la direction départementale de police aux frontières de Saint-Laurent-du-Maroni, et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de l'installer dans les fonctions de brigadier de police à la direction départementale de police aux frontières de Saint-Laurent-du-Maroni.
Par un jugement n° 1400226 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande au fond.
Par un arrêt n° 15BX01163 du 25 avril 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et a rejeté comme irrecevable la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Par une décision n° 400952 du 10 août 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour du 25 avril 2016 en tant qu'il statue sur les conclusions de M. A...dirigées contre l'engagement du 31 mai 2013 et l'arrêté du 30 juillet 2013, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et il a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 30 mars et le 11 mai 2015, M.A..., représenté par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 29 janvier 2015 ;
2°) d'annuler les décisions précitées ;
3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité, les premiers juges ayant relevé d'office l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation du procès-verbal, sans en avoir préalablement informé les parties et alors que le ministre n'avait pas opposé de fin de non-recevoir en défense ; le tribunal a ainsi méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- en tout état de cause, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les conclusions tendant à l'annulation du procès-verbal en litige étaient irrecevables ; la signature dudit procès-verbal impliquait en effet implicitement mais nécessairement le retrait de la mesure qui l'avait initialement affecté sur des fonctions de brigadier de police ; ce procès-verbal, qui avait ainsi pour effet de le priver de son droit à l'avancement, lui faisait donc grief ;
- ledit procès-verbal d'installation ainsi que les autres décisions, notamment celle par laquelle le ministre l'a radié du tableau d'avancement, ont été prises en méconnaissance des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, car elles sont entachées d'une insuffisance de motivation ; en effet, l'arrêté du 27 juin 2013, par lequel le ministre a décidé de l'affecter sur un emploi inférieur de gardien de la paix, a retiré la décision de nomination au grade de brigadier qui avait été prise les 3 et 7 juin précédents ; or, ces décisions étaient pour lui créatrices de droit et ne pouvaient être rapportées que dans le délai de quatre mois et à condition que la décision de retrait fasse l'objet d'une motivation en fait et en droit au sens de la loi du 11 juillet 1979 ;
- les décisions attaquées sont également irrégulières au fond, au regard de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 12 du décret n° 2000-1439 du 23 décembre 2004 ; en effet, il s'en déduit que le ministre ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, décider de le radier du tableau d'avancement au seul motif qu'il avait demandé sa mutation, un tel motif n'était pas au nombre de ceux en vertu desquels l'administration peut écarter l'avancement d'un agent au tableau d'avancement ; ce n'est que si, au moment où on lui avait présenté une proposition d'affectation pour l'obtention de sa promotion, il l'avait refusée, qu'il pouvait être radié du tableau d'avancement, condition non remplie ; s'il avait bien effectué une demande de mutation, lorsque l'emploi lui a finalement été présenté dans le cadre de l'arrêté du 3 juin 2013, il n'a exprimé aucun refus de cette nouvelle affectation ; il ne pouvait donc être regardé comme ayant refusé son affectation et ne pouvait ainsi être radié du tableau d'avancement sur le fondement de l'article 58 ; de plus, il n'apparaît pas qu'il ne remplissait plus, à la date de sa radiation du tableau d'avancement, l'une des conditions posées par l'article 12 du décret du 23 décembre 2004 ;
- il n'apparaît pas non plus que les décisions créatrices de droit, qui étaient pour lui une inscription au tableau d'avancement et une nomination au grade de brigadier, aient été rapportées en raison de ce qu'elles étaient illégales ; partant, les décisions de retrait de l'inscription au tableau d'avancement et de retrait de la mesure de nomination au grade de brigadier sont, pour ce motif, entachées d'erreur de droit.
Le ministre de l'intérieur a présenté un mémoire le 11 mars 2016, par lequel il conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par un courrier en date du 8 janvier 2018, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever d'office un moyen d'ordre public.
M. A...a présenté ses observations sur ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 19 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La commission administrative paritaire a donné, le 10 avril 2013, un avis favorable à la promotion au grade de brigadier de police de M.A..., gardien de la paix affecté en Guyane. Le 31 mai 2013, l'intéressé a informé l'administration qu'il renonçait à cet avancement au titre de l'année 2013, déclarant préférer conserver le bénéfice de sa mutation au service administratif et technique de la Guyane, au grade de gardien de la paix. Le document n'étant pas parvenu à temps au ministère, il a néanmoins été promu brigadier au 1er échelon à compter du 1er juin 2013 pour une affectation à Pointe-à-Pitre au 1er juillet 2013, par l'effet d'un arrêté du ministre de l'intérieur du 3 juin 2013. Le 7 juin 2013, le préfet de la région Guadeloupe a pris un arrêté portant nomination de M. A...au 2ème échelon du grade de brigadier à compter du 1err janvier 2013. Cependant, prenant acte du renoncement de l'intéressé à son avancement, le ministre de l'intérieur a pris, le 27 juin 2013, un arrêté portant mutation de M. A...en qualité de gardien de la paix à la direction départementale de la police aux frontières de Saint-Laurent-du-Maroni à compter du 1er août 2013. Par un arrêté du même ministre du 3 juillet 2013, M. A... a ensuite été radié du tableau d'avancement au grade de brigadier de police au titre de l'année 2013 et, par procès-verbal du 30 août 2013, il a été installé dans ses fonctions de gardien de la paix à Saint-Laurent-du-Maroni. M. A...a interjeté appel du jugement du 29 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de La Guyane a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2013 du ministre de l'intérieur le radiant du tableau d'avancement au grade de brigadier de police au titre de 2013, ensemble l'engagement de renonciation à l'avancement signé le 31 mai 2013 et le procès-verbal du 30 août 2013 l'installant dans les fonctions de gardien de la paix à de Saint-Laurent-du-Maroni, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de l'installer dans les fonctions de brigadier de police à la direction départementale de la police aux frontières de Saint-Laurent-du-Maroni. Par un arrêt n° 15BX01163, la cour a annulé le jugement et a rejeté comme irrecevable la demande présentée devant le tribunal par M.A.affectés, pendant une durée minimale de trois ans, dans la région et, en Ile-de-France Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux par une décision n° 400952 du 10 août 2017, a annulé cet arrêt de la cour en tant qu'il statuait sur les conclusions de M. A...dirigées contre l'engagement du 31 mai 2013 et contre l'arrêté ministériel du 3 juillet 2013 et il a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la cour.
2. M.A..., par les conclusions dont la cour est ainsi ressaisie, doit être regardé comme recherchant, en contestant notamment la portée de l'acte du 31 mai 2013 par lequel il renonçait à sa promotion, l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2013 du ministre de l'intérieur prononçant sa radiation du tableau d'avancement au grade de brigadier de police.
3. D'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article 58 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " (...) tout fonctionnaire bénéficiant d'un avancement de grade est tenu d'accepter l'emploi qui lui est assigné dans son nouveau grade. Sous réserve de l'application des dispositions de l'article 60, son refus peut entraîner la radiation du tableau d'avancement ou, à défaut, de la liste de classement. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 13 du décret du 23 décembre 2004 susvisé : " Les gardiens de la paix sont promus au grade de brigadier de police dans leur emploi. Ils sont classés à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils percevaient en dernier lieu dans leur précédent grade. / Ils conservent, le cas échéant, leur ancienneté d'échelon dans les conditions et limites fixées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 8. Toutefois les gardiens de la paix promus au grade de brigadier de police alors qu'ils avaient atteint l'échelon exceptionnel de leur grade conservent leur ancienneté d'échelon dans la limite de la durée d'un échelon ". Et selon l'article 14 du même décret : " Les fonctionnaires promus au grade de brigadier de police demeurent..., dans la zone de compétence de commission administrative paritaire où ils sont nommés lors de leur promotion. (...) Les gardiens de la paix qui refusent leur avancement au grade de brigadier de police ne peuvent bénéficier d'une nouvelle inscription au tableau d'avancement avant un délai de trois ans ".
5. M. A...soutient que son engagement en date du 31 mai 2013 ne saurait être regardé comme une renonciation valide à sa promotion dans la mesure où, d'une part, cet acte constitue une dérogation contractuelle nulle et non avenue à sa situation légale et statutaire et où, d'autre part, il ignorait, à la date à laquelle il a été signé, quel emploi de brigadier lui serait proposé. Cependant, les dispositions précitées de l'article 13 du décret du 23 décembre 2004 prévoient expressément que les gardiens de la paix sont promus au grade de brigadier dans leur emploi, ce que M. A...ne pouvait dès lors ignorer, et l'acte d'engagement du 31 mai 2013 constitue ainsi l'expression claire et manifeste d'un refus de sa part d'accepter l'emploi assigné dans son nouveau grade, au sens des dispositions de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984. Le ministre a donc pu légalement tirer les conséquences de ce refus en prononçant la radiation de M. A... du tableau d'avancement au grade de brigadier, en application du 2ème alinéa de ce même article. Enfin, dès lors que l'intéressé, en refusant l'emploi auquel il était affecté, perdait tout droit au maintien de son avancement de grade, l'arrêté du 31 mai 2013 ne saurait être regardé comme retirant une décision créatrice de droit, comme le prétend le requérant. Par suite, cet arrêté n'avait pas à être motivé en application de la loi du 11 juillet 1979, et M. A...ne peut utilement invoquer une méconnaissance, par le ministre, des règles de procédure qui conditionnent les retraits d'actes créateurs de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A...dont la cour a été ressaisie sur renvoi du Conseil d'Etat doivent être rejetées, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de M. A...renvoyées à la cour par la décision n° 400952 du 10 août 2017 du Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 mai 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGETLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02773