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24/05/2018 | FRANCE | N°16BX00521

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 24 mai 2018, 16BX00521


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SARL La Mouette Rieuse a demandé au tribunal administratif de Poitiers de lui accorder la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1300141 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a constaté un non-lieu à statuer à haut

eur de 7 361 euros, a déchargé la SARL La Mouette Rieuse de l'amende qui lui a été inflig...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SARL La Mouette Rieuse a demandé au tribunal administratif de Poitiers de lui accorder la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1300141 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de 7 361 euros, a déchargé la SARL La Mouette Rieuse de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'année 2010 sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2016 et un mémoire enregistré le 20 octobre 2016, la SARL La Mouette Rieuse, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il ne fait pas intégralement droit à sa demande de décharge ;

2°) de lui accorder la décharge intégrale des rappels d'impôt en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les avis de mise en recouvrement sont irréguliers en ce qu'ils ne mentionnent pas le fondement légal des rappels et mentionnent à tort une proposition de rectification du 30 juin 2011 ;

- l'administration n'a pas respecté le délai de vérification fixé par l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales ; en effet, le caractère non sincère et non probant de la comptabilité n'est pas établi ;

- en l'informant de l'abandon des redressements par un courrier du 16 septembre 2011 pour finalement poursuivre ensuite ceux-ci, puis en ne répondant pas à son courrier du 20 février 2012, l'administration a méconnu le principe de loyauté qui s'impose à l'administration ;

- elle n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés mais relève de l'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

- la non-conservation des bandes de caisses sur la période vérifiée ne peut suffire à faire regarder sa comptabilité comme non sincère et non probante dès lors que le vérificateur a pu relever l'intégralité des tickets de caisse et qu'il n'a pas contesté que les documents comptables on été présentés, notamment l'inventaire ; l'enregistrement global en fin de journée avec ventilation par moyens de paiement était régulier ;

- sa marge commerciale état tout à fait conforme à ce qui est constaté habituellement dans le secteur de la restauration ;

- la méthode de reconstitution opérée par le vérificateur est confuse et incompréhensible ; les taux de perte retenus sont très insuffisants, compte tenu de l'utilisation de produits frais périssables ; il convient d'appliquer aux ventes de vins un taux de pertes de 10 % ; une politique d'offerts permettait de fidéliser une clientèle en début d'activité.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 juillet 2016 et 23 mai 2017, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle tend à la décharge d'impositions déjà dégrevées et excédant la somme de 73 359 euros ;

- si l'avis de mise en recouvrement du 12 avril 2012 comporte une erreur de plume sur la date de la proposition de rectification qu'il vise, il comporte néanmoins toutes les mentions utiles et cette erreur est sans incidence sur les garanties dont doit bénéficier le contribuable ;

- en cas d'erreur matérielle dans le déroulement d'une procédure, aucune disposition législative n'interdit à l'administration de la réparer ; la lettre 3926 du 9 janvier 2012 s'inscrit dans le cadre de la procédure contradictoire et a offert au contribuable la possibilité de saisir la commission départementale des impôts ; l'envoi plus de 60 jours après la réponse aux observations du contribuable ne constitue pas une irrégularité, la comptabilité étant dépourvue de valeur probante ;

- l'administration a informé le contribuable de son erreur et a rétabli l'acte de procédure en cause en préservant toutes les garanties du contribuable ; la société a d'ailleurs clairement manifesté sa volonté de ne pas saisir la commission départementale des impôts ;

- à l'issue de la vérification de comptabilité, il a été constaté l'absence de présentation des documents obligatoires, la répartition des recettes journalières par moyens de paiement, une conservation lacunaire des bandes de caisse enregistreuse, présentant des horaires et nombres de ventes limités et un nombre anormalement élevé d'ouverture de tiroir sans paiement ni ticket, une discordance entre les paiements en espèces apparaissant sur les tickets et ceux apparaissant sur les relevés de fins de journées, et un montant d'achats de boissons relevant du taux normal supérieur au montant du chiffre d'affaires hors taxe soumis au taux normal sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ; le service en a conclu que l'entreprise procédait à un enregistrement global des recettes en fin de journée sans justificatifs ; une telle comptabilisation, si elle est autorisée, ne dispense pas le contribuable de l'obligation de produire les justificatifs de recettes ;

- si la société requérante justifie ses recettes par référence à d'autres entreprises du secteur et a présenté des feuilles volantes qui récapitulent au jour le jour les recettes ventilées, ces documents ne sont pas des justificatifs probants opposables à l'administration ;

- la reconstitution des bases d'imposition est fondée sur les données propres à l'entreprise, appréciées en fonction de la catégorie des produits ; cette méthode est précise et pertinente ; elle est également cohérente et exempte de vice, le vérificateur s'étant attaché à raisonner par période ; la société ne propose pas de méthode plus pertinente ;

- les taux de pertes et d'offertes retenus sont raisonnables ; les résultats de la reconstitution ne sont pas exagérés.

Par une ordonnance du 26 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 juin 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL La Mouette Rieuse, qui exploite un restaurant-bar à La Rochelle, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2010. La comptabilité ayant été regardée comme non probante, le vérificateur a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise. Il en est résulté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, selon la procédure de taxation d'office, et des rappels d'impôt sur les sociétés, notifiés le 30 juin 2011 après mise en oeuvre de la procédure de rectification contradictoire. La SARL La Mouette Rieuse, qui a contesté l'ensemble de ces rappels devant le tribunal administratif de Poitiers, relève appel du jugement de ce tribunal en date du 3 décembre 2015, en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande de décharge des impositions litigieuses.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Et aux termes de l'article L. 57 A du même livre : " En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 euros s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 euros, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable. / Le délai de réponse mentionné au premier alinéa ne s'applique pas en cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité ".

3. Il résulte de l'instruction qu'à la suite des rectifications qui lui ont été notifiées le 12 juillet 2011 en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010, et en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2010, la SARL La Mouette Rieuse a présenté des observations par un courrier du 29 juillet 2011, reçu par l'administration le 4 août suivant. Par une première lettre n° 3926 en date du 16 septembre suivant, le service a écarté l'ensemble des arguments du contribuable tout en faisant état en première page, de manière contradictoire, d'un abandon des rectifications. Les rehaussements, en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, ont été mis en recouvrement le 16 novembre 2011 mais dégrevés d'office immédiatement, compte tenu de l'incohérence entachant le courrier du 16 septembre 2011. Puis, par une seconde réponse aux observations de la société en date du 9 janvier 2012, remplaçant et annulant le courrier du 16 septembre 2011, l'administration a confirmé le maintien en totalité des rectifications.

4. La société requérante soutient qu'en maintenant les rectifications par sa réponse aux observations du contribuable du 9 janvier 2012, alors qu'elle l'avait informée de leur abandon par son courrier antérieur du 26 septembre 2011, l'administration a perturbé le débat contradictoire et a méconnu le devoir de loyauté qui s'impose à elle. Elle ajoute qu'en tout état de cause, la seconde réponse aux observations du contribuable annulant et remplaçant la première est tardive, compte tenu du délai de réponse de soixante jours imparti à l'administration par les dispositions de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales. Cependant, d'une part, le courrier initial du 26 septembre 2011 était entaché d'une contrariété flagrante entre la motivation des réponses apportées aux différentes observations du contribuable, réfutant systématiquement celles-ci, et le sens de la décision énoncée en première page de ce courrier. La SARL La Mouette Rieuse n'a donc pu ignorer que ledit courrier comportait une erreur, mais n'a pour autant pas interrogé l'administration sur le sens de celle-ci. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l'administration corrige les erreurs entachant les pièces de procédure, dans la mesure où cette correction intervient dans le délai de reprise et qu'il n'en résulte aucune atteinte aux garanties accordées au contribuable. En l'occurrence, il est constant que la réponse adressée à la société requérante le 9 janvier 2012, dans le délai de reprise, préservait la possibilité pour celle-ci d'adresser à l'administration des observations complémentaires dans le délai de trente jours, ainsi que la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Dans ces conditions, l'erreur entachant le courrier du 26 septembre 2011 n'a pas affecté les garanties de la SARL La Mouette Rieuse, tenant notamment au caractère contradictoire de la procédure, et ne révèle aucun manquement de l'administration à son devoir de loyauté. Enfin, ainsi qu'il sera indiqué au point 10, c'est à bon droit que le vérificateur a constaté que la comptabilité de la société était entachée de graves irrégularités la privant de valeur probante. Par conséquent, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 57 A précité du livre des procédures fiscales, la société requérante ne peut opposer à l'administration le délai de droit commun de soixante jours prescrit à l'administration par le premier alinéa de ce même article pour apporter une réponse aux observations du contribuable.

Sur la régularité des avis de mise en recouvrement :

5. Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification contradictoire, il fait référence soit à la proposition de rectification prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications... ".

6. Les avis de mise en recouvrement du 30 mars 2012, dont il n'est pas contesté qu'ils détaillent les montants des suppléments d'impôt sur les sociétés, des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités dus par la SARL La Mouette Rieuse, comportent il est vrai, ainsi que le fait valoir la société requérante, une erreur quant à la date de la proposition de rectification qu'ils visent, puisqu'ils se réfèrent improprement à une proposition de rectification du 30 juin 2011. Cette erreur, à juste titre qualifiée d'erreur de plume par le tribunal, n'a toutefois pas été de nature à induire le contribuable en erreur sur l'origine des créances fiscales en cause, dès lors qu'il est constant qu'aucune autre proposition de rectification que celle du 12 juillet 2012 n'a été adressée à la société, que les sommes mentionnées par les avis correspondent à celles figurant dans le tableau des conséquences financières joint à cette proposition, et que la réponse du 9 janvier 2012 aux observations formulées par la société le 29 juillet 2011 sur ladite proposition de rectification était également visée par les avis de mise en recouvrement. Il ne découle par conséquent de l'erreur matérielle considérée aucune incidence sur la régularité de ces avis au regard des exigences de motivation prévues par l'article R. 256-1 précité du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le régime d'imposition applicable :

7. En vertu des dispositions du 1. de l'article 206 du code général des impôts, les sociétés à responsabilité limitée sont soumises de plein droit à l'impôt sur les sociétés, sauf si elles ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes visées à l'article 8 du même code. Aux termes de l'article 46 terdecies A de l'annexe III au même code : " Les sociétés à responsabilité limitée exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole et formées uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et soeurs, ainsi que les conjoints qui, en application de l'article 239 bis AA du code général des impôts, désirent opter à compter d'un exercice déterminé pour le régime fiscal des sociétés de personnes doivent notifier leur option avant la date d'ouverture de cet exercice au service des impôts auprès duquel doit être souscrite la déclaration de résultats " et aux termes de l'article 46 terdecies D de cette même annexe : " Les notifications effectuées par les sociétés au service des impôts en application des articles 46 terdecies A et 46 terdecies C doivent être signées par l'ensemble des associés. Elles comportent l'indication de la raison sociale, du lieu du siège et, s'il est différent, du principal établissement. Elles mentionnent également la répartition du capital, les noms, prénoms, adresse et lien de parenté des associés. ".

8. La société requérante fait valoir qu'elle relevait non pas de l'impôt sur les sociétés mais du régime fiscal applicable aux sociétés de personnes dès lors qu'elle avait déposé une option en ce sens auprès du centre de formalité des entreprises. Elle ne conteste toutefois pas que cette option n'a été formulée que le 7 mai 2009, soit postérieurement à la date d'ouverture de son premier exercice d'activité, le 1er mai 2009. L'option, exprimée ainsi tardivement au regard des prescriptions précitées de l'article 46 terdecies A de l'annexe III au code général des impôts, et sans qu'il soit au demeurant justifié de l'accord de tous les associés, n'a par conséquent pu être validée au titre de la période d'imposition en litige, et la société a d'ailleurs déposé le 23 février 2011 une déclaration d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en avril 2010. Par ailleurs, la lettre d'accueil adressée à la société le 3 août 2009 par le service des impôts des entreprises, lui communiquant les éléments d'identification de son activité, les coordonnées des interlocuteurs fiscaux, et prenant acte de son option pour une imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, ne saurait constituer une prise de position formelle de l'administration sur sa situation de fait, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

9. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe (...) à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ". Et aux termes de l'article 286-I-3° du code général des impôts : " (...) les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois ".

10. Il est constant que les recettes de l'activité de la SARL La Mouette Rieuse ne faisaient pas l'objet d'un enregistrement détaillé mais étaient globalisées en fin de journée. La société requérante fait valoir qu'elle était en droit de procéder ainsi en application des dispositions précitées de l'article 286-I-3° du code général des impôts. Toutefois, la circonstance que ces dispositions, qui ne sont d'ailleurs applicables qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, autorisent une inscription globale en fin de journée pour les opérations de vente au détail de moins de 76 euros au comptant, ne dispense pas le contribuable d'apporter en contrepartie par tout moyen la preuve du détail et de la consistance des recettes portées en comptabilité. Or, la société requérante n'a pas été en mesure de produire de justificatifs probants des recettes globalisées. Ainsi, il résulte de l'instruction qu'alors même qu'elle disposait d'une caisse enregistreuse, elle n'a pas conservé de manière exhaustive les bandes de caisse sur la période vérifiée, et que l'examen des bandes présentées, qui portent sur de brèves périodes d'activité, a révélé un enregistrement en caisse seulement très partiel des opérations de vente effectuées. Le dépouillement des tickets de caisse produits a également permis de constater des discordances avec le pourcentage des paiements en espèces figurant sur les relevés de fins de journée produits, ainsi qu'avec les montants indiqués d'achats de boissons relevant du taux normal de taxe sur la valeur ajoutées. La proposition de rectification du 12 juillet 2011 indique par ailleurs qu'aucun brouillard ou journal de caisse n'a pu être présenté. Ces anomalies dans la tenue de la comptabilité ne sauraient être compensées par la circonstance que la société conservait des fichiers informatiques ventilant les encaissements réalisés selon les différents modes de paiement. Enfin, si la société requérante invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 40 de la doctrine administrative BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50 qui admet, pour tenir compte des conditions d'exercice du commerce de détail, " lorsque la multiplicité et le rythme élevé des ventes de faible montant font pratiquement obstacle à la tenue d'une main courante, que l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffise à lui seul à faire écarter la comptabilité présentée à condition toutefois que celle-ci soit, par ailleurs, bien tenue et que les résultats-et notamment le bénéfice brut qu'elle accuse - soient en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise ", elle n'est en tout état de cause pas fondée à s'en prévaloir dès lors qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que sa comptabilité n'était pas bien tenue. C'est donc à juste titre que le vérificateur a estimé que cette comptabilité était irrégulière et non probante et a procédé à la reconstitution extracomptable des recettes de la société.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

11. En l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve du bien-fondé des rectifications notifiées selon la procédure contradictoire en matière d'impôt sur les sociétés incombe à l'administration fiscale, en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. En vertu de l'article L. 193 du même livre, cette charge incombe en revanche à la société requérante s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui lui ont été assignés selon la procédure de taxation d'office.

12. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a reconstitué les recettes de boissons à partir des achats de liquides, puis les ventes de plats solides à partir des consommations de vins. La société requérante, en se bornant à soutenir que cette méthode serait confuse et incompréhensible, n'en fait pas une critique utile, alors que le vérificateur s'est attaché à utiliser les données propres à l'entreprise dont il a pu disposer, dépouillant notamment de manière exhaustive les factures d'achats de boissons et faisant usage des prix mentionnés sur la carte, puis se référant aux notes de restaurant présentées pour déterminer les parts moyennes respectives des vins et des solides.

13. La SARL La Mouette Rieuse fait enfin valoir qu'elle a apporté des éléments utiles de référence à d'autres entreprises comparables du même secteur d'activité, c'est-à-dire utilisant notamment des denrées périssables à court terme, telles que des produits frais de la mer, et non des produits surgelés. Elle en tire la conclusion que les taux de pertes retenus par le vérificateur sont insuffisants, d'autant que l'incertitude sur le nombre de couverts réalisés obligeait l'exploitant à s'approvisionner au-delà des besoins réels. Elle ajoute que le contrôle a porté sur la période de début d'activité, au cours de laquelle elle a largement recouru aux offerts afin de fidéliser sa clientèle. Cependant, la société requérante n'appuie ses allégations d'aucune donnée précise ni d'aucun justificatif, alors qu'il résulte de l'instruction que les taux de pertes, de consommation du personnel et d'offerts retenus et défalqués par le vérificateur pour la détermination du chiffre d'affaires sont ceux qui ont été indiqués par la société au cours des opérations de contrôle. Les bases d'impositions fixées par l'administration n'apparaissent donc pas exagérées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL La Mouette Rieuse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions restant en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en l'espèce au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL La Mouette Rieuse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Delphine Raymond mandataire de la SARL La Mouette Rieuse et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique le 24 mai 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt..

8

N° 16BX00521


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00521
Date de la décision : 24/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL JURICA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-24;16bx00521 ?
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