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09/05/2018 | FRANCE | N°17BX04020

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 09 mai 2018, 17BX04020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour par lequel le préfet a ordonné son assignation à résidence pour une durée de 8 jours.

Par un jugement n° 1705049 du 3 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2017, M.B..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour par lequel le préfet a ordonné son assignation à résidence pour une durée de 8 jours.

Par un jugement n° 1705049 du 3 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2017, M.B..., représenté par Me Bachet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 3 novembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 17 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle serait refusée, à lui-même sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes est insuffisamment motivé, révélant ainsi un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce que les brochures rédigées en français qui lui ont été remises contenant les informations exigées par ces dispositions ne lui ont pas été lues ou traduites en soussou, ni le 9 février 2017, date de leur remise, ni le 14 mars 2017, lors de son entretien individuel, alors qu'il ne lit pas le soussou et ne comprend pas le français ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 5 du même règlement en ce que l'interprète, qui comprenait le soussou mais ne le parlait pas, n'a pas pu assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne menant l'entretien ;

- le préfet a commis une erreur de droit en refusant d'exercer son pouvoir d'appréciation et en s'estimant à tort en situation de compétence liée pour prescrire son transfert ;

- le préfet a également commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; le préfet aurait dû mettre en oeuvre la clause discrétionnaire alors qu'il est à la recherche de son frère, que lors de son séjour en Italie il n'a pas été averti de la possibilité de formuler une demande d'asile et que l'Italie connaît des défaillances systémiques en matière d'hébergement des demandeurs d'asile ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités italiennes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mars 2018 à 12h00.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B..., ressortissant guinéen né le 10 janvier 1991, est entré selon ses déclarations irrégulièrement en France le 1er décembre 2016, et y a déposé le 9 février 2017 une demande d'asile. Après avoir constaté par la consultation du fichier Eurodac que ses empreintes avaient déjà été relevées par les autorités italiennes le 17 novembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a adressé à l'Italie, le 21 mars 2017, une demande de prise en charge de sa demande d'asile. Cette demande ayant été implicitement acceptée le 23 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne a, par un arrêté du 17 octobre 2017, décidé de transférer M. B...aux autorités italiennes et, par un arrêté du même jour, ordonné son assignation à résidence pour une durée de 8 jours. M. B...relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 janvier 2018 du tribunal de grande instance de Bordeaux. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur la légalité de l'arrêté de remise aux autorités italiennes :

3. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ".

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est vu remettre le 9 février 2017 un guide du demandeur d'asile, ainsi que les brochures A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", rédigés en langue française. Il est constant que M. B... ne sait ni lire ni écrire et ne maîtrise que la langue soussou. Il a d'ailleurs expressément sollicité l'assistance d'un interprète en langue soussou pour le déroulement de l'entretien individuel. Ainsi, la signature de l'intéressé sur ces documents, sans signature d'un interprète, ne permet pas d'établir qu'à la date de leur remise les informations lui ont été communiquées dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que lors de son entretien auprès des services de la préfecture le 14 mars 2017, alors qu'il était assisté par un interprète, les informations contenues dans ces documents lui aient été traduites, ni qu'il aurait bénéficié de tels renseignements avant notification de la décision en litige. Au demeurant, il n'est pas contredit par le préfet que ledit " interprète " comprend le soussou mais ne le parle pas. La circonstance que M. B...ait présenté le 16 mars 2017 des observations écrites en français postérieurement à l'entretien ne permet pas d'établir qu'il comprend cette langue, dès lors que le document n'est pas manuscrit et simplement signé par l'intéressé. Dès lors, M. B... ne peut être regardé comme ayant reçu les informations prescrites par les dispositions précitées, lesquelles constituent des garanties accordées aux demandeurs d'asile pour leur permettre de comprendre la procédure suivie pour la détermination de l'Etat de l'Union européenne responsable de l'examen de leur demande.

6. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes et par voie de conséquence, de la décision portant assignation à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ". Le présent arrêt implique seulement qu'il soit statué de nouveau sur le cas de M. B... et qu'il soit muni, durant cet examen, d'une attestation de demande d'asile. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans cette attente, d'une telle attestation. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bachet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à cette dernière.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M.B....

Article 2 : Le jugement du 3 novembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : Les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne en date du 17 octobre 2017 portant transfert de M. B...aux autorités italiennes et assignation à résidence sont annulés.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. B...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente de le munir d'une attestation de demande d'asile.

Article 5 : L'Etat versera à Me Bachet, avocate de M.B..., la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et à Me Bachet.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès , président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

No 17BX04020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX04020
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-09;17bx04020 ?
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