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27/04/2018 | FRANCE | N°18BX00044

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 27 avril 2018, 18BX00044


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 3 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler le certificat de résidence algérien d'un an qui lui avait été délivré en qualité de conjointe de ressortissant français et de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701395 du 28 décembre 2017, l

e tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 3 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler le certificat de résidence algérien d'un an qui lui avait été délivré en qualité de conjointe de ressortissant français et de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701395 du 28 décembre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2018 et rectifiée le 7 février 2018, Mme A... B..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2017 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2017 du préfet de la Haute-Vienne susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans les deux cas sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 13 euros correspondant au droit de plaidoirie.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'elle ne comporte pas les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ;

- l'autorité administrative n'a pas fait usage de son pouvoir d'appréciation et s'est estimée à tort liée par les stipulations de l'accord franco-algérien en estimant qu'elle ne pouvait pas bénéficier des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sur le fond, c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle n'avait pas droit à la délivrance du titre de séjour sollicité en indiquant qu'elle n'apportait pas la preuve des violences conjugales qu'elle a subies de la part de son époux, alors que celles-ci sont graves et avérées, ainsi qu'en attestent de nombreux documents qu'elle produit, y compris pour la première fois en appel, et, tout particulièrement, l'assignation de son mari en divorce pour faute et un courrier adressé au procureur pour connaître les suites données à sa plainte ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle procède d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale ;

- elle est entachée des mêmes illégalités que celles soulevées à l'encontre de la décision de refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle est entachée des mêmes vices de légalité externe et interne que ceux développés à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'elle ne vise pas les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle ne pourra bénéficier d'aucun droit en Algérie alors qu'en restant en France, elle pourra faire valoir ses droits ;

- elle reprend également les moyens invoqués en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- l'arrêt du Conseil d'Etat, n° 352878, 12 février 2014, M.C... ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Axel Basset a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante algérienne, née le 4 mai 1975 à Sidi Lakhdar (Algérie), est entrée sur le territoire français le 10 octobre 2013, après avoir épousé un ressortissant français le 8 octobre 2012 en Algérie. Admise à séjourner en cette qualité sous couvert d'un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an délivré le 19 avril 2014 et valable jusqu'au 13 avril 2015, l'intéressée a sollicité, le 24 juillet 2015, le renouvellement de ce titre de séjour et la délivrance d'une carte de résident algérien d'une validité de dix ans en qualité de conjointe de français, en se prévalant, le 18 janvier 2017, de ce qu'elle avait été victime de violences conjugales de la part de son époux. Par un arrêté du 3 mai 2017, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 28 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, l'intéressée reprend en appel le moyen, déjà soulevé en première instance, et tiré du caractère insuffisamment motivé des décisions portant refus de séjour et fixant le pays de renvoi au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Elle ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux ". Aux termes de l'article 7 bis du même accord : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un ans avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article ; / (...) ". Ces stipulations régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.

4. D'une part, MmeB..., qui n'établit ni même n'allègue en appel qu'elle remplirait les conditions requises pour se voir délivrer un certificat de résidence d'une validité de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé, soutient qu'elle a fait l'objet de violences conjugales de la part de son époux, qui l'ont contrainte à quitter son foyer le 15 janvier 2016. Toutefois, tant sa lettre de demande d'un titre de séjour en qualité de victime de violences conjugales en date du 18 janvier 2017, que la fiche de l'entretien conduit avec Mme B...dans les services de la préfecture le 11 avril 2017, le récépissé de déclaration de main courante du 19 janvier 2016 ainsi que le dépôt de plainte du 26 janvier 2016 pour violences volontaires avec ITT inférieure à 8 jours, ne font que relater les propres dires de la requérante selon lesquels elle a quitté son époux au motif qu'il aurait tenté de la tuer au cours de la nuit du 15 janvier 2016, en proférant des insultes à son encontre et en l'agressant avec un couteau. En outre, les deux attestations rédigées par son frère et sa belle-soeur le 20 juillet 2017, au demeurant postérieures à la décision contestée, ne comportent aucune description directe des faits de violence allégués et se bornent à mentionner que Mme B...a déclaré avoir été victime de violences conjugales de son mari cette nuit-là. Si l'intéressée produit également un certificat " descriptif " établi par un médecin du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges, faisant état de ce qu'elle a été admise au service des urgences le 15 janvier 2016 consécutivement, selon ses déclarations, à une agression, et de ce que l'examen clinique a identifié, chez l'intéressée, des hématomes aux membres supérieurs et inférieurs ainsi qu'une éraflure superficielle d'un centimètre constatée au niveau de l'abdomen et une coupure superficielle de deux centimètres au niveau de la pulpe de son pouce droit, ce certificat ne suffit pas à établir que ces lésions résulteraient de violences exercées par son époux. Il en est de même de la fiche de bilan des premiers secours du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Vienne datée du 14 janvier 2016, qui fait seulement état d'un " différend conjugal " ou, encore, des divers compte-rendu médicaux, établis par des gynécologues au cours des années 2013 à 2016, relevant que Mme B...a fait l'objet de fausses couches spontanées précoces et a été prise en charge pour infertilité. Par ailleurs, et ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, l'ordonnance de non-conciliation du 28 septembre 2017 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Limoges a été rendue sans que de tels griefs de violence conjugale aient été constatés ou même invoqués à l'encontre de son mari. Si l'intéressée produit enfin, pour la première fois en appel, une assignation en divorce pour faute et violences conjugales devant ce même juge aux affaires familiales, ce document ne comporte là encore que sa propre description des faits survenus selon elle le 15 janvier 2016 et n'est assorti d'aucune attestation de témoins directs, notamment des voisins présents alors dans l'immeuble, ni, davantage, d'un procès-verbal d'intervention de la police comportant une description objective et circonstanciée des faits survenus. Ainsi, l'intéressée n'établit pas que la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales perpétrées par son époux. D'autre part, Mme B..., qui résidait en France depuis trois ans à la date de l'arrêté contesté, ne justifie d'aucune attache familiale ou affective particulière en France, ni d'une insertion professionnelle. En outre, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et sept de ses frères et soeurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente huit ans. Dès lors, en refusant de renouveler à Mme B...le titre de séjour sollicité, le préfet de la Haute-Vienne qui, contrairement à ce qu'elle soutient, a examiné l'opportunité d'une régularisation de sa situation, n'a pas entaché son appréciation d'une erreur manifeste.

5. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de renouvellement du titre de séjour de Mme B...n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

6. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux que l'autorité préfectorale a examiné la situation personnelle et familiale de l'intéressée avant de prononcer son éloignement du territoire. Dès lors, la décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle, en vertu des dispositions de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision de refus de séjour qu'elle assortit, n'est pas entachée d'erreur de droit.

7. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Il s'ensuit que contrairement à ce que soutient MmeB..., la décision fixant le pays de renvoi n'est pas privée de base légale.

8. En sixième et dernier lieu, en se bornant à soutenir qu'elle " ne pourra bénéficier d'aucun droit en Algérie alors qu'en restant en France elle pourra faire valoir ses droits ", Mme B... n'établit pas que la décision fixant le pays de renvoi serait entachée d'illégalité.

Sur les autres conclusions :

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Dès lors, et par voie de conséquence, ses conclusions aux fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice doivent être rejetées. De même, ses conclusions tendant au remboursement du droit de plaidoirie d'un montant de 13 euros, prévu au premier alinéa de l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale, doivent être rejetées, dès lors que s'il est au nombre des dépens en vertu du 7° de l'article 695 du code de procédure civile, le droit de plaidoirie ne figure pas sur la liste limitative des dépens telle qu'elle résulte de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2018.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 18BX00044


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX00044
Date de la décision : 27/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU GREZE AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-27;18bx00044 ?
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