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27/04/2018 | FRANCE | N°16BX02407

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 27 avril 2018, 16BX02407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

1°) d'annuler la décision du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Aquitaine (DREAL) du 3 juillet 2012 prononçant son changement d'affectation sur le poste de chargée de mission auprès du directeur-adjoint chargé des missions transversales, afin d'assurer notamment, sous l'autorité fonctionnelle de la cheffe de mission, le suivi des dossiers " Caravane Rio 21 " et " déclinaisons régionales de la conf

rence environnementale " ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de son ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

1°) d'annuler la décision du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Aquitaine (DREAL) du 3 juillet 2012 prononçant son changement d'affectation sur le poste de chargée de mission auprès du directeur-adjoint chargé des missions transversales, afin d'assurer notamment, sous l'autorité fonctionnelle de la cheffe de mission, le suivi des dossiers " Caravane Rio 21 " et " déclinaisons régionales de la conférence environnementale " ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux, formulé par lettre en date du 6 janvier 2014, tendant à la contestation de cette décision du 3 juillet 2012, de l'arrêté du 1er août 2012 mettant fin au versement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) mensuelle de 30 points qui lui avait été attribuée en qualité de responsable du Pôle gestion des ressources humaines, de l'absence de versement de la deuxième tranche de l'indemnité temporaire (ITM) prévue par le décret n° 2008-369 du 17 avril 2008 à laquelle elle avait été reconnue éligible sur ce poste ainsi que le montant de la prime de fonction et de résultat (PFR) allouée au titre de l'année 2012 ;

3°) dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 35 797,36 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la décision du 3 juillet 2012 et de divers agissements de sa hiérarchie, caractérisant un harcèlement moral au regard des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

4°) d'enjoindre au directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Aquitaine de réexaminer sa situation afin qu'elle puisse être nommée à Bordeaux sur un poste de niveau hiérarchique comparable à celui dont elle a été évincée, dans le délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1401759 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision contestée du 3 juillet 2012, (article 1er), enjoint au directeur de la DREAL de procéder au réexamen de la situation administrative de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir (article 2) et rejeté le surplus de sa demande (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 22 juillet 2016 et 5 juillet 2017, Mme C...A..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du 26 mai 2016 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 30 402 euros en réparation de préjudice, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais de justice exposés en première instance et la même somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens exposés en appel, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal, après avoir annulé la décision du 3 juillet 2012 pour vice de procédure, a jugé que cette irrégularité de forme n'emportait pas de conséquences préjudiciables pour elle et rejeté ses demandes indemnitaires, dès lors qu'il ressort de la jurisprudence que toute illégalité est fautive et doit entraîner, si le lien de causalité est établi, l'indemnisation des préjudices subis ;

- à cet égard, la suppression de la NBI (30 points) attachée au poste de responsable RH en août 2012 (à raison de 138,90 euros par mois) et la baisse significative de la part " résultats " de sa PFR attribuée au titre de l'année 2012 (de 3,89 à 3,00 points) sont la conséquence directe de la décision litigieuse et occasionnent pour elle un préjudice financier de 12 402 euros ;

- cette même décision est à l'origine d'un préjudice de carrière qu'elle évalue à la somme de 3 000 euros, correspondant à la baisse considérable de son niveau de responsabilité et la perte de ses fonctions de chef de service ;

- depuis cinq ans, elle demeure en réalité dépourvue de fonctions, exécutant des missions temporaires au gré des besoins des services en qualité de chargée de mission auprès de la direction de la DREAL Aquitaine et présente désormais un profil peu propice au rebond professionnel ;

- la mise à l'écart dont elle a fait l'objet, qui l'a conduite à être placée en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel aboutissant à un congé de longue durée, a occasionné pour elle un préjudice moral évaluable à la somme de 15 000 euros ;

- c'est également à tort que le tribunal a considéré qu'elle n'avait pas subi de harcèlement moral et que la décision contestée ne constituait pas une sanction déguisée ou n'était pas entachée de détournement de pouvoir dès lors que, d'une part, son changement d'affectation n'a pas été pris dans son propre intérêt ni dans l'intérêt du service mais afin de sanctionner des fautes qui lui étaient imputées et que, d'autre part, elle a été victime d'une pression permanente de la part de sa hiérarchie dès le mois de mai 2011, qui n'a cessé de chercher à la pousser à la faute en lui donnant des ordres contradictoires ;

- il ressort d'un courriel du 31 mars 2014 établi par la direction des affaires juridiques du ministère sollicitée par la DREAL Aquitaine que son changement d'affectation fait suite à une demande de sa hiérarchie qui estimait qu'elle ne convenait pas sur ce poste ;

- la décision du 18 novembre 2015 qui lui a été notifiée le 23 septembre 2016, portant affectation sur un poste de chargée de mission transversal et des supports à compter du 3 décembre 2012 ne constitue pas l'exécution adéquate du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 mai 2016.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que :

- non seulement les éléments produits par la requérante ne permettent pas d'établir que la décision du 3 juillet 2012 constituerait une sanction disciplinaire mais, au contraire, cette décision a été prise avec son accord et est fondée sur l'intérêt de l'agent et l'intérêt du service sans aucune volonté de sanction ;

- la décision du 3 juillet 2012 a été prise dans l'intérêt de Mme A...dès lors que c'est pour tenir compte de son état de santé, qui l'avait conduite à être placée en congés de maladie du 10 au 25 novembre 2011 puis du 7 décembre 2011 au 3 février 2012, que sa supérieure hiérarchique a organisé rapidement, après la reprise de son travail, une réunion avec le médecin de prévention, le 10 février 2012, afin d'examiner les possibilités d'adaptation des conditions d'exercice de ses fonctions afin de limiter son stress, entretien à l'issue duquel l'intéressée a décidé d'opter pour le deuxième des trois options d'organisation qui lui avaient été proposées à cette occasion, à savoir de lui laisser le pilotage des dossiers transversaux et de transférer les dossiers courants à son adjoint, ce dernier suivant également les domaines formation, gestion collective, accident et retraite ;

- en outre, comme prévu lors de cet entretien, un bilan de la mise en oeuvre de l'aménagement des fonctions de Mme A...a été réalisé après un mois de reprise, qui a permis de conclure à une situation en progrès mais restant fragile et à consolider, compte tenu notamment des difficultés rencontrées par Mme A...pour, d'une part, relayer auprès de son équipe la démarche impulsée par la direction et, d'autre part, recadrer certains agents de son équipe ayant refusé de participer à une formation ;

- la décision du 3 juillet 2012 a également été prise dans l'intérêt du service dès lors que, d'une part, cette nouvelle affectation répondait à la nécessité de renforcer la mission Partenariats et promotion du développement durable du fait de l'importance accordée aux problématiques liées au développement durable et que, d'autre part, dans un contexte de récente réorganisation des services avec toutes les conséquences sur le repositionnement des agents et l'évolution de leur mission, il était indispensable pour la DREAL d'avoir à la tête du Pôle ressources humaines un agent opérationnel et apte à se positionner tant dans la chaine hiérarchique que par rapport à son équipe ;

- si la requérante a fait état de l'envoi, au directeur de la DREAL, d'une lettre du 27 juin 2012 signée par plusieurs agents du pôle ressources humaines pour tenter d'établir l'existence d'une sanction déguisée, cette lettre ne fait que mettre en lumière les difficultés rencontrées par Mme A...dans ses fonctions de chef d'équipe, mais ne démontre aucunement une volonté de l'administration de la sanctionner ;

- par ailleurs, si la requérante fait valoir qu'elle a fait l'objet d'un contrôle hiérarchique extrême et d'une mise sous tutelle de la part de sa hiérarchie, la communication assumée directement par le chef du PSI, son supérieur hiérarchique, entrait pleinement dans l'exercice normal de ses fonctions, et ne saurait être regardée comme ayant eu pour objet, ni même pour effet de démettre cette dernière de ses responsabilités ;

- si des courriels ont été envoyés à Mme A...par sa supérieure hiérarchique, en dehors des plages horaires de travail, d'une part, il s'agissait d'un choix d'organisation personnel de cette dernière, motivé par la charge de travail considérable sur la période et le souci permanent de se rendre disponible pour ses équipes durant les heures de bureau et, d'autre part, ces courriels, qui n'exigeaient aucune réponse immédiate ou dans un délai qui ne soit pas raisonnable et ne portaient que sur le suivi courant des dossiers relatifs aux ressources humaines, n'outrepassaient pas les attributions de sa supérieure hiérarchique ;

- en réalité, aucun des faits allégués par Mme A...n'est de nature à faire présumer qu'elle aurait été victime de harcèlement moral ;

- la hiérarchie de Mme A...a toujours été bienveillante à son égard, eu égard à ses problèmes de santé, n'hésitant pas à chercher des solutions en lien tant avec le médecin de prévention, qu'avec la requérante elle-même ;

- si l'État a commis une faute en s'abstenant de consulter la CAP avant l'intervention de la décision du 3 juillet 2012 portant changement de fonctions de MmeA..., il résulte de tout ce qui précède que cette décision était fondée et qu'en tout état de cause, l'administration aurait adopté la même décision si elle avait préalablement consulté la CAP, dès lors que cette décision était favorable à la requérante et au service ;

- si Mme A...soutient qu'elle a subi un préjudice financier du fait de la cessation de versement de sa NBI et de la baisse de la part résultats de la PFR, ces éléments ne présentent aucun lien avec la faute commise par l'administration dès lors que, d'une part, elle n'avait plus aucun droit à percevoir la NBI après avoir quitté, avec son propre accord, le poste ouvrant à cet avantage indemnitaire et que, d'autre part, la part résultats de la PFR est modulée en fonction de la manière de servir de l'intéressé, appréciée et mesurée notamment dans le cadre de la procédure d'évaluation ;

- en outre, l'intéressée n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité du préjudice de carrière qu'elle invoque, dès lors que ses changements de poste n'apparaissent pas comme étant constitutifs d'un préjudice de carrière ou d'un amoindrissement de ses perspectives professionnelles ;

- en particulier, elle ne démontre pas en quoi un poste de chargé de mission directement rattaché au directeur adjoint de la DREAL, responsable de la déclinaison régionale de politiques nationales prioritaires et stratégiques pour le ministère chargé de l'écologie dans le domaine du développement durable, qui se traduit notamment par l'animation d'un réseau de partenaires extérieurs, devrait être regardé comme une régression dans le déroulement de sa carrière.

- enfin, si Mme A...a effectivement subi des troubles psychologiques, elle n'apporte aucun élément de nature à établir un lien de causalité entre ces troubles et une faute commise par l'administration.

Par ordonnance du 13 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la mise en place de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Aquitaine, créée en janvier 2010, MmeA..., fonctionnaire titulaire du grade d'attachée principale d'administration de l'équipement affectée depuis septembre 2009 à la Direction régionale de l'environnement en qualité de secrétaire adjointe, a été nommée contrôleur de gestion au sein du secrétariat général de la DREAL puis affectée, par arrêté ministériel du 15 avril 2011, sur le poste de responsable de Pôle des ressources humaines au sein du Pôle support intégré (PSI) de la DREAL à compter du 1er mai 2011. Par une décision du 3 juillet 2012, le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Aquitaine a prononcé le changement d'affectation de Mme A... sur le poste de chargée de mission auprès du directeur-adjoint chargé des missions transversales au sein de la mission partenariats et promotion du développement durable (MPPDD). Par lettre en date du 6 janvier 2014 valant recours gracieux et réclamation préalable indemnitaire, Mme A...a contesté cette décision du 3 juillet 2012, l'arrêté du 1er août 2012 mettant fin au versement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) mensuelle de 30 points qui lui avait été attribuée en qualité de responsable du Pôle gestion des ressources humaines, l'absence de versement de la deuxième tranche de l'indemnité temporaire (ITM) prévue par le décret n° 2008-369 du 17 avril 2008 à laquelle elle avait été reconnue éligible sur ce poste ainsi que le montant de la prime de fonction et de résultat (PFR) allouée au titre de l'année 2012. S'étant vu opposer un refus implicite né du silence gardé par l'administration pendant deux mois, Mme A...a saisi, le 5 mai 2014, le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision du 3 juillet 2012 portant changement d'affectation et la décision rejetant implicitement ses réclamations formulées par la lettre du 6 janvier 2014, en deuxième lieu, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 35 797,36 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la décision du 3 juillet 2012 ainsi que divers agissements de sa hiérarchie, caractérisant selon elle un harcèlement moral, et, en troisième lieu, à ce qu'il soit enjoint au directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Aquitaine de réexaminer sa situation afin qu'elle puisse être nommée à Bordeaux sur un poste de niveau hiérarchique comparable à celui dont elle a été évincée. Par un jugement du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 3 juillet 2012, enjoint au directeur de la DREAL de réexaminer la situation administrative de Mme A...et rejeté le surplus de sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires et demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 30 402 euros.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Pour solliciter la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme de 30 402 euros, Mme A...se prévaut, d'une part, de l'illégalité fautive de la décision du 3 juillet 2012 du directeur de la DREAL portant changement d'affectation et, d'autre part, de ce qu'elle a été victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral contraire aux dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983.

En ce qui concerne l'illégalité fautive de la décision du 3 juillet 2012 portant changement d'affectation de MmeA... :

3. Pour prononcer l'annulation de la décision du 3 juillet 2012 portant changement d'affectation de Mme A...sur le poste de chargée de mission auprès du directeur-adjoint chargé des missions transversales, au sein de la mission partenariats et promotion du développement durable, les premiers juges ont relevé, par un motif qui n'est pas contesté en appel par l'administration intimée, qu'alors que l'intéressée était chargée dans son ancien poste de l'encadrement de l'équipe du pôle des ressources humaines du PSI et qu'elle percevait à ce titre la nouvelle bonification indiciaire, sa nouvelle affectation avait entraîné pour elle une diminution de ses responsabilités et une baisse de sa rémunération et comportait, ainsi, une modification de sa situation au sens de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, de sorte que le directeur de la DREAL n'avait pas compétence, au vu de la délégation qui lui avait été consentie dans le cadre du décret du 6 mars 1986 portant déconcentration en matière de gestion des personnels relevant du ministre chargé de l'urbanisme, du logement et des transports, pour signer cette décision sans avoir saisi au préalable la commission administrative paritaire compétente.

4. Ainsi que le soutient MmeA..., l'illégalité de cette décision du 3 juillet 2012 est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'État à son égard. Toutefois, d'une part, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, d'une décision administrative et plus particulièrement - comme c'est le cas en l'espèce - d'une décision de changement d'affectation, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité, la même décision aurait pu être légalement prise par l'autorité administrative compétente dans le cadre d'une procédure régulière, au vu des éléments dont elle disposait à la date de la décision litigieuse. D'autre part, la mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.

5. Il résulte de l'instruction que dans le cadre de l'objectif général de consolidation du périmètre d'intervention et de légitimité du Pôle support intégré (PSI) de la DREAL Aquitaine, créée au début de l'année 2010, le Pôle Ressources humaines du PSI, où Mme A... a été affectée en tant que responsable à compter du 1er mai 2011, s'est vu confier les missions de prise en charge de manière centralisée de la gestion de la paye administrative individuelle et collective, de l'organisation des formations et des concours, ainsi que la gestion des dossiers d'accidents, de maladie et de retraite de l'ensemble des agents relevant des ministères chargés de l'écologie et du logement affectés dans les services employeurs de la zone de gouvernance couvrant la région Aquitaine. Mme A...était notamment chargée, à ce titre, d'encadrer au quotidien une équipe de trente deux agents. Quelques semaines après sa prise de fonctions, MmeA..., qui - ainsi qu'elle l'a reconnu elle-même - a éprouvé des difficultés à gérer la charge de travail correspondante et à prendre du recul sur son nouveau poste, a été placée, à compter du 10 novembre 2011, en arrêt de travail pour syndrome anxiodépressif réactionnel, en considération duquel sa hiérarchie directe a entrepris, lors d'un entretien organisé le 10 février 2012 avec le médecin de prévention, d'aménager progressivement la reprise de ses fonctions, à compter du 6 février 2012, afin de limiter au maximum son stress. C'est ainsi qu'avec son accord, Mme A... a conservé le pilotage des dossiers transversaux et que les dossiers courants ont été transférés à son adjoint, qui suivait également les domaines formation, gestion collective, accident et retraite. Il résulte également de l'instruction, et notamment d'un compte-rendu de la réunion de reprise du 23 mars 2012 établi par la supérieure hiérarchique directe de MmeA..., d'une lettre du 27 juin 2012 cosignée par quatre agents du service et de deux attestations en date des 20 mai et 25 juin 2015 produites par l'intéressée elle-même, que Mme A... n'a pas adhéré à la démarche qualité, initiée par la direction de la DREAL, qu'elle était pourtant chargée de relayer auprès des agents placés sous sa responsabilité, allant même jusqu'à contester l'utilité de cette démarche lors de réunions de travail. En outre, Mme A...a failli à procéder au recadrage, sollicité par sa hiérarchie, de certains agents gestionnaires de paye qui refusaient de participer à des formations et des réunions d'unité. Dès lors, compte tenu de ces difficultés d'organisation et carences managériales de Mme A... dans l'exercice de ses fonctions de responsable du Pôle Ressources humaines du Pôle support intégré de la DREAL, lesquelles, ainsi qu'il a été dit, revêtaient un caractère stratégique dans le cadre de la réorganisation des services en cours, le changement d'affectation de l'intéressée, prononcé par la décision litigieuse du 3 juillet 2012, était justifié en l'espèce par un motif tiré de l'intérêt du service, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, dont l'appelante se prévaut, qu'elle avait bénéficié d'appréciations très favorables lors de précédentes affectations, notamment à l'Office national des forêts. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et il n'est pas sérieusement contesté par l'appelante, que sa nouvelle affectation sur le poste de chargée de mission auprès du directeur-adjoint chargé des missions transversales, afin d'assurer notamment, sous l'autorité fonctionnelle de la cheffe de mission, le suivi des dossiers " Caravane Rio 21 " et " déclinaisons régionales de la conférence environnementale ", répondait à la nécessité de renforcer la mission Partenariats et promotion du développement durable (MPPDD) du fait de l'importance accordée aux problématiques liées au développement durable. Ces nouvelles fonctions, qui impliquaient notamment l'animation d'un réseau de partenaires extérieurs, étaient conformes au grade d'attaché principal d'administration de MmeA..., lequel n'implique pas nécessairement l'exercice de fonctions d'encadrement. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'elle soutient, la décision litigieuse du 3 juillet 2012 ne peut davantage être regardée comme une sanction déguisée ou entachée de détournement de pouvoir, alors même que son nouvel emploi ne donnait pas lieu au versement de la nouvelle bonification indiciaire, ni au même régime indemnitaire que celui dont elle bénéficiait précédemment.

6. Il résulte de tout ce qui précède que dès lors que la même décision de changement d'affectation aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière, les préjudices financiers, de carrière et moral dont Mme A...entend obtenir la réparation ne peuvent être regardés comme la conséquence de l'illégalité procédurale, relevées au point 3, dont la décision du 3 juillet 2012 se trouve entachée. Par suite, l'illégalité fautive de ladite décision n'est pas, en l'espèce, de nature à lui ouvrir droit à indemnité.

En ce qui concerne les agissements constitutifs d'un harcèlement moral :

7. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...). ". D'une part, il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration, dont il relève, à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se déterminant au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. D'autre part, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels agissements répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas de telles limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées. A cet égard, une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral, qui se définit également par l'existence d'agissements répétés de harcèlement et d'un lien entre ces souffrances et ces agissements.

8. Aux termes de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 susvisé : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". Aux termes de l'article 15 de ce décret : " Le médecin de prévention est le conseiller de l'administration, des agents et de leurs représentants en ce qui concerne : (...) 3° L'adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la physiologie humaine ; / 4° La protection des agents contre l'ensemble des nuisances et les risques d'accidents de service ou de maladie professionnelle ou à caractère professionnel ; (...) ". Aux termes de l'article 26 dudit décret : " Le médecin de prévention est habilité à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents. ".

9. Mme A...soutient que ses conditions de travail n'ont cessé de se dégrader à compter de sa prise de poste au mois de mai 2011 et qu'elle a subi, plus particulièrement, de la part de sa supérieure hiérarchique directe, exerçant les fonctions de chef du PSI, un contrôle hiérarchique extrême et une mise sous tutelle qui l'a dépossédée de tout pouvoir décisionnel, tout en faisant régulièrement l'objet de remarques vexatoires et désobligeantes, ce qui l'a conduite à une forme d'épuisement et à sa mise en congé de maladie. Toutefois, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges par un motif qui n'est pas utilement critiqué en appel par des éléments nouveaux de fait ou de droit et qu'il y a dès lors lieu d'adopter, " le préfet de la région Aquitaine fait valoir que le contrôle hiérarchique que Mme A...estime excessif de la part du chef du PSI était justifié par l'attention particulière que ce dernier devait porter, dans le cadre du processus de mutualisation en cours de finalisation du PSI, à la communication avec les autres services et à l'organisation du pôle ressources humaines ; que l'intéressée ne produit aucun élément qui démontrerait qu'elle a été dessaisie de tout pouvoir décisionnel, et que les sollicitations par courriers électroniques de sa supérieure hiérarchique qu'elle estime excessives ne portaient en réalité que sur le suivi des dossiers relatifs aux ressources humaines et n'appelaient pas de réponse immédiate de sa part quelle que soit l'heure à laquelle ils ont été envoyés ". En outre, si, ainsi que l'a fait valoir MmeA..., une note du 6 mai 2014 de la directrice de la DREAL qui lui avait été adressée met en exergue que la décision du 3 juillet 2012 prononçant son changement d'affectation a été prise non sur sa demande mais unilatéralement par sa hiérarchie, en raison de son comportement inapproprié en tant que responsable du Pôle ressources humaines, il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que cette mesure était justifiée en l'espèce par un motif tiré de l'intérêt du service, dont le bon fonctionnement avait été perturbé, et que MmeA..., qui a continué d'exercer des fonctions conformes à son grade, ne peut être regardée comme ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire déguisée. Enfin, l'appelante ne saurait sérieusement soutenir que sa hiérarchie aurait sciemment tenté de porter atteinte à sa santé physique et mentale alors qu'ainsi qu'il a également été dit, sa supérieure directe a entrepris, lors d'une réunion du 10 février 2012, d'aménager son poste de travail, en accord avec les préconisations du médecin de prévention, pour limiter au maximum son stress à son retour d'arrêt de travail pour syndrome anxiodépressif réactionnel. Dans ces conditions, l'intéressée n'apporte pas, à l'appui de ses dires, un faisceau d'indices suffisamment probants susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement contraire à l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, et en l'absence d'agissements fautifs de nature à engager la responsabilité de l'Etat, Mme A...ne saurait davantage réclamer une quelconque indemnité à ce titre.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme à verser à MmeA..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires. Copie en sera transmise au préfet de la région Nouvelle Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2018.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 16BX02407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX02407
Date de la décision : 27/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DREVET BARON

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-27;16bx02407 ?
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