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16/03/2018 | FRANCE | N°16BX00918

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 16 mars 2018, 16BX00918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air Ressources a demandé le 9 août 2012 au tribunal administratif de Toulouse la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 mai 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2007 et 2008, d'une retenue à la source au titre de l'exercice 2006, des pénalités dont ces impositions ont été assorties et de l'amende qui lui a été inflig

e au titre de l'article 1840 J du code général des impôts.

Par un jugement n° 1203676...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air Ressources a demandé le 9 août 2012 au tribunal administratif de Toulouse la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 mai 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2007 et 2008, d'une retenue à la source au titre de l'exercice 2006, des pénalités dont ces impositions ont été assorties et de l'amende qui lui a été infligée au titre de l'article 1840 J du code général des impôts.

Par un jugement n° 1203676 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2016, la société Air Ressources, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 janvier 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujetties au titre des exercices 2007 et 2008 ;

2°) de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contrat de crédit-bail du 1er février 2005 même en l'absence de signature du représentant du crédit-bailleur et le certificat d'immatriculation du 28 octobre 2005 de la société précitée, même postérieur à la date du contrat, qui sont produits, démontrent la réalité et la validité du crédit-bail ; elle a produit les factures d'entretien relatives aux années 2006 et 2007, le caractère tardif de cette production est ici sans incidence ; le contrat de crédit-bail s'inscrit dans l'objet social de la société et l'avion étant présent à l'aéroport Toulouse-Blagnac la mise à disposition de l'avion au bénéfice de la société est réelle ; l'absence de revenu généré par cette activité de crédit-bail est sans incidence sur le droit à déduction des charges de la société et s'explique par les travaux de réparation de l'avion qui ont été nécessaires et qui n'ont pu être réalisés par manque de trésorerie ; l'administration ne démontre pas que les redevances n'auraient pas été supportées dans l'intérêt de la société ;

- les relations commerciales entretenues avec la société Aerotransaction ne permettent pas de justifier l'absence de déductibilité des redevances ; l'absence de relance pour le paiement de loyers et de demande de restitution de l'appareil par Aerotransaction n'est pas de la responsabilité de la société ; l'absence de compensation se justifie par les relations commerciales entre les deux sociétés ; les factures relatives aux redevances ont été fournies en cours de procédure et ne sont pas dépourvues de valeur probante ; dès lors que l'extinction de la dette de la société vis-à-vis de la société Aérotransaction n'est pas démontrée par le service et ne peut être déduite de la seule absence de compensation obtenue par la société Aerotransaction, la réalité du crédit-bail doit être admise de même que le caractère réel des charges en litige ;

- les redressements relatifs à l'exercice 2008 sont prescrits car ils se rattachent en réalité à l'exercice 2006 où apparaissaient déjà les charges en litige et la proposition de rectification du 23 décembre 2009 n'a pas interrompu la prescription ;

- le retrait d'espèce de la somme de 15 000 euros par M. B...le 2 juillet 2007 correspond au paiement à la société Aerotransaction d'une partie de sa dette résultant du crédit-bail ainsi que l'atteste cette dernière ; le service ne démontre pas que M. B...a été le bénéficiaire de cette somme ;

- la déduction du prix d'achat du véhicule Porsche Cayenne et des charges d'entretien est justifiée dès lors que la preuve de la propriété du véhicule par la carte grise a été apportée et que l'activité d'achat-revente correspond à l'objet social de la société ; le prix d'acquisition ne peut être remis en cause au seul motif qu'il est identique au prix de cession réalisé deux ans avant en 2006 soit 112 500 euros ; le service n'établit pas que ce prix d'acquisition ne correspond pas au prix du marché ; le fait que ce véhicule ne soit pas un véhicule de collection ne permet pas de considérer qu'il n'entre pas dans l'objet social de la société ; elle n'a jamais donné son accord sur les redressements relatifs aux frais d'entretien du véhicule d'un montant de 6 739 euros ;

- la société n'a commis aucune omission ou dissimulation d'opérations ; l'importance des redressements ne peut justifier la pénalité pour manquement délibéré ; la mauvaise foi n'est pas établie alors que tous les justificatifs ont été fournis au service ; la motivation des majorations est en outre insuffisante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 25 octobre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Air Ressources exploite une activité de location d'avions d'affaires et, à titre accessoire, réalise des opérations de négoce de véhicules de collection et de vente d'aéronefs. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié notamment des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2006 et 2008 résultant de la remise en cause de charges de crédit-bail facturées par la société Aerotransaction, de la dette de 15 000 euros contractée à l'égard de la société Aerotransaction regardée comme un passif fictif ainsi que de la déductibilité en charge de l'achat d'une Porsche Cayenne et de factures d'entretien de ce véhicule. La société Air Ressources relève appel du jugement du 12 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, notamment, rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 238 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en Franceà des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré./ - Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. /-Les dispositions du premier alinéa s'appliquent également à tout versement effectué sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un des Etats ou territoires visés au même alinéa. ". Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Aux termes de l'article 39 du code général des impôts: " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature ".

En ce qui concerne les redevances de crédit-bail dues à la société Aerotransaction :

3. La société Air Ressources a conclu le 1er février 2005 un contrat de crédit-bail pour la mise à disposition d'un avion Jet Stat immatriculé VPBLD avec la société Aerotransaction dont le siège social est situé aux Bermudes. Le service a constaté que l'avion n'avait procuré aucun revenu d'exploitation à la société et a remis en cause le loyer annuel du crédit-bail au titre des années 2007 et 2008.

4. Il n'est pas contesté que la société Aérotransactions avait son siège aux Bermudes et bénéficiait au titre des années vérifiées d'un régime fiscal privilégié. Il appartient, donc à la société Air Ressources d'apporter la preuve que la redevance de crédit-bail en litige correspond à une opération réelle et qu'elle ne présente pas un caractère anormal ou exagéré.

5. La société Air Ressources a produit en réponse à la proposition de rectification deux factures d'Aerotransaction mentionnant le paiement d'un loyer annuel de 453 000 euros mais ces factures n'ont pas été comptabilisées. Elles ne suffisent donc pas à justifier que la société a réellement exposé ces charges de loyers au cours des deux années 2007 et 2008 en litige, alors que la société ne justifie pas non plus les raisons pour lesquelles elle aurait accepté de payer le loyer pour un avion faisant l'objet de réparations et jamais exploité pendant deux ans, la preuve du mauvais état de l'appareil n'étant d'ailleurs pas apportée. Enfin, il est constant que la société Aerotransactions n'a jamais réclamé le paiement des loyers d'un montant de 453 000 euros, ni la restitution de l'avion. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander la déduction des charges en cause dont la réalité n'est pas établie.

En ce qui concerne le passif de 453 000 euros constaté au titre de l'exercice 2008 :

6. La société Air Ressources conteste encore la remise en cause d'une dette de 453 000 euros regardée par le service comme un passif fictif de l'exercice 2008 correspondant à une année de loyer de crédit-bail pour l'utilisation de l'avion susmentionné.

7. Contrairement à ce que soutient la société, cette rectification, à la différence de celle de même nature opérée sur l'exercice 2006, n'était pas prescrite. Et la société ne justifie pas de la réalité d'avoir à payer le loyer à la demande de la société Aerotransaction, ni non plus qu'un paiement en liquide de 15 000 euros à la représentante d'Aerotransaction aurait permis de différer l'obligation de payer le solde de la dette en litige.

En ce qui concerne l'acquisition et l'entretien d'une Porsche Cayenne :

8. Le 5 mai 2008, la société Air Ressources a acheté un véhicule Porsche Cayenne pour un montant de 112 000 euros auprès d'un vendeur bulgare. Le 8 mai 2008, elle a inscrit en comptabilité la facture d'achat et a constaté un stock d'égal montant. L'administration a remis en cause le caractère déductible des frais d'achat et d'entretien dudit véhicule.

9. Toutefois la société ne justifie pas avoir payé l'achat du véhicule qui, au demeurant, ne peut pas être regardé comme un véhicule de collection acquis dans le cadre de l'activité de négoce de la société. La société ne justifie pas d'un intérêt professionnel d'une autre nature à l'acquisition du véhicule, déjà acheté deux ans plus tôt auprès du même fournisseur pour le même prix et sans tenir compte de l'ancienneté du véhicule et de son kilométrage. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a dénié tout intérêt pour la société requérante d'acquérir ce véhicule et a remis en cause le caractère déductible des charges correspondant à l'achat et à l'entretien dudit véhicule.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré... ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration qui entend appliquer les pénalités de mauvaise foi d'établir l'intention du contribuable d'éluder l'impôt.

11. L'administration a dûment constaté dans la proposition de rectification du 14 septembre 2010 que les minorations de résultat provenaient d'opérations peu courantes, toujours restées délibérément opaques car non justifiées, et révélaient une intention manifeste d'éluder l'impôt. Ce faisant, l'administration, qui a suffisamment motivé la majoration en cause, justifie l'application de la majoration prévue par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts aux redressements en litige.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Air Ressources n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la société Air Ressources la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Air Ressources est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air Ressources et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 9 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

Caroline Gaillard

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 16BX00918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00918
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Dettes.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : BIELER et FRANCK AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-16;16bx00918 ?
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