Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 mars 2017 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1702133 du 24 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 novembre 2017, M.A..., représenté par
MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702133 du tribunal administratif de Toulouse en date du 24 mai 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 13 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A...soutient que :
- l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté en litige ne répond pas aux exigences de motivation et de respect de la procédure contradictoire imposées par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration ;
- la mesure d'éloignement est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- sa situation est très particulière : il est entré en France en 2008 avec sa mère et sa soeur alors qu'il était mineur, après avoir vécu cinq ans en France. Ses attaches avec le Cameroun sont désormais inexistantes et il ne bénéficie plus d'un droit au séjour en France. Il a bénéficié de titres de séjour étudiant en France entre 2008 et mai 2013 et a toujours poursuivi ses études avec sérieux dans le but d'obtenir un diplôme d'ingénieur agronome. Il est parfaitement intégré en France et est inconnu de l'autorité judiciaire. Sa mère est installée régulièrement en France et effectue de fréquents allers-retours en France pour le voir ainsi que sa soeur, qui dispose d'un titre de séjour français. Une de ses tantes possède la nationalité française. Dans ces conditions, son admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le motif retenu par le préfet tiré du manque de sérieux dans ses études ne peut lui être opposé dans le cadre d'une demande d'admission au séjour à titre exceptionnel. Ce motif n'est pas fondé en fait dès lors qu'il démontre que la majorité des difficultés qu'il a rencontrées dans son parcours cohérent sont dues à des problématiques extérieures à sa personne : le manque de moyens financiers ou la précarité de sa situation administrative ;
- contrairement à ce qu'affirme le préfet du Tarn, il produit des éléments permettant de considérer que sa situation revêt un caractère exceptionnel, ce qui aurait dû conduire l'administration à répondre favorablement à sa demande et à user de son pouvoir de régularisation. L'arrêté litigieux est par suite entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, s'agissant des conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle ;
- compte tenu de l'ancienneté de son séjour et des fortes attaches personnelles et familiales dont il dispose sur le territoire, le refus de séjour contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a porté une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale et a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la mesure d'éloignement est entachée d'un vice de procédure, le préfet n'ayant manifestement pas examiné sa situation. Cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne précitée, dans la mesure où il démontre que le centre de ses intérêts privés se trouve sur le territoire national et il est incontestable que le préfet du Tarn a commis, en l'espèce, une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui accordant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit et, en tout état de cause, dépourvue de base légale. Le préfet s'est placé en situation de compétence liée. Il justifie qu'un délai supérieur à un mois devait lui être accordé pour exécuter la mesure d'éloignement.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2017, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête. Le préfet fait valoir que :
- l'arrêté en litige est suffisamment motivé en droit comme en fait et n'a méconnu ni le principe du contradictoire ni le droit de M. A...à être entendu avant l'édiction de la mesure d'éloignement, alors que celui-ci n'a pas produit d'observations sur ce point pendant l'instruction de sa demande de titre de séjour ;
- l'intéressé a fait l'objet d'un examen attentif de sa situation personnelle et familiale. Depuis son entrée en France en 2008, il n'a obtenu que le seul diplôme de brevet de technicien supérieur en " technologies végétales " en 2011 et n'a pas déféré à une obligation de quitter le territoire français signifiée concomitamment à un refus de séjour en 2013. Il vit avec sa soeur également étudiante, laquelle n'a donc pas vocation à s'établir durablement sur le territoire français, et n'a aucune perspective professionnelle. Il ne s'est prévalu d'aucune circonstance humanitaire ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte qu'il ne peut utilement soutenir que le préfet aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation. Compte tenu de ce qui précède et alors que sa mère réside régulièrement en Espagne, le refus de séjour en litige n'a ni porté atteinte au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale, ni méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- M. A...n'a fait valoir aucun élément de sa situation personnelle démontrant que le délai de départ volontaire de trente jours serait insuffisant pour assurer l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre.
Par ordonnance du 12 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2018 à 12 heures.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-camerounais relatif à la circulation et au séjour des personnes signé à Yaoundé le 24 janvier 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Claude Pauziès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant camerounais né en 1990, est entré en France selon ses déclarations en 2008 avec sa mère et sa soeur en provenance d'Espagne. Il a bénéficié de titres de séjour portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelés et dont le dernier expirait le 30 novembre 2012. Il a fait l'objet le 17 mai 2013 d'un refus de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée. M. A...a sollicité le 4 octobre 2016 son admission au séjour à titre exceptionnel. Le préfet du Tarn, par un arrêté du 13 mars 2017, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...a été placé en rétention administrative par un arrêté du même préfet du 19 mai 2017, puis assigné à résidence par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du 21 mai 2017. M. A...relève appel du jugement du 24 mai 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 mars 2017.
Sur la légalité externe de l'arrêté dans son ensemble :
2. En l'absence d'éléments nouveaux en appel venant au soutien de ses moyens soulevés devant le tribunal tirés de l'insuffisance de motivation des décisions contenues dans l'arrêté du 13 mars 2017 et de l'absence de respect du principe du contradictoire, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.
Sur l'exception d'illégalité du refus de séjour :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers prévoit que : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial et dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. " Enfin, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
5. M. A...fait valoir qu'il est entré en France en 2008, à l'âge de 17 ans, accompagné de sa mère et de sa soeur, après avoir séjourné en Espagne pendant cinq ans, et que l'ensemble de ses attaches personnelles et familiales se trouvent sur le territoire français, où il a en outre poursuivi ses études avec sérieux. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier que, depuis son entrée en France, M. A...a obtenu en 2011 un brevet de technicien supérieur agricole " Technologies végétales " et que les autres formations suivies depuis cette date n'ont débouché sur aucun diplôme. Par ailleurs, s'il se prévaut de la présence en France de sa soeur, cette dernière bénéficie d'une carte de séjour temporaire " étudiant ", et il ne démontre pas l'intensité des relations qu'il entretiendrait avec sa tante de nationalité française. Il est par ailleurs constant que M.A..., qui a fait l'objet d'une précédente décision de refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français notifiée le 17 mai 2013, a vécu en Espagne, pays où réside régulièrement sa mère, pendant cinq ans avant son entrée en France, qu'il est célibataire sans enfant à charge et qu'il ne fait état d'aucune perspective d'insertion professionnelle, son inscription pour ordre dans une formation à Albi alors qu'il réside à Toulouse n'ayant pu aboutir. Dans ces conditions, et nonobstant la durée de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et le préfet du Tarn n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le refus de titre de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, et alors que M. A...ne se prévaut d'aucune considération humanitaire ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité lui permettant d'être admis au séjour en France, le préfet n'a pas manifestement mal apprécié la situation de M. A... en refusant d'exercer son pouvoir de régularisation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que le préfet n'était pas tenu d'indiquer de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M.A..., que l'administration n'aurait pas procédé à un examen suffisamment circonstancié de la situation de l'intéressé avant de prononcer la mesure d'éloignement en litige, laquelle en outre, n'a, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
Sur le délai de départ volontaire :
8. Compte tenu de ce qui précède, la décision fixant le délai de départ volontaire n'est pas privée de base légale en raison de l'illégalité alléguée de la mesure d'éloignement. Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le premier juge, M. A...n'a pas fait état, à la date de la décision attaquée ni même dans le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire français, de circonstances particulières propres à justifier la prolongation du délai légal de départ volontaire. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru à tort en situation de compétence liée pour fixer le délai de départ volontaire.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 8 février 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
17BX03469 7