Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 3 février 2017 par lequel le préfet de la Creuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et l'a astreint à se présenter deux fois par semaine en gendarmerie.
Par un jugement n° 1700659 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 décembre 2017, complétée de pièces produites le 29 janvier 2018, M. C...A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 21 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Creuse de lui délivrer un titre de séjour lui permettant de travailler dans un délai de trois mois ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande de titre dans un même délai en lui remettant une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de sommes de 1 800 euros et de 2 400 euros au titre de la première instance et de l'instance d'appel, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision de rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile fait l'objet d'un pourvoi devant le Conseil d'Etat et n'est pas définitive ; sa demande d'aide juridictionnelle dans le cadre de cette démarche a été acceptée ;
- le rejet de la demande de titre de séjour salarié est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, tant en ce qui concerne les critères d'application de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'en ce qui concerne les critères d'application de l'article L. 313-14 du même code ; aucune mention de l'arrêté ne permet de considérer que sa demande à cet égard aurait été réellement et sérieusement prise en considération ;
- il a fait état non seulement d'une promesse d'embauche, mais également d'un contrat à durée indéterminée dans le secteur de la sylviculture, qui connaît des difficultés de recrutement ; il donne entière satisfaction à son employeur ;
- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il appartient à une minorité ethnique et souffre d'un stress post-traumatique ; il apprend le français et est parfaitement intégré ; il bénéficie, ainsi qu'il a été dit, d'un contrat de travail à durée indéterminée ;
- l'obligation de quitter le territoire français, la mesure de pointage et la décision fixant le pays de renvoi sont donc dépourvues de base légale ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît en outre l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'il est originaire d'une ville qui a connu de violents combats entre les forces kurdes et " l'Etat islamique ", puis entre les peshmergas et les milices chiites, et où les attentats se multiplient ; il a personnellement pris part à des combats et est vraisemblablement recherché.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2018, le préfet de la Creuse conclut au rejet de la requête de M. C...A.... Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 9 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de M. F...E..., directeur de la préfecture de la Creuse.
Une note en délibéré a été présentée le 15 février 2018 pour M. C...A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A..., de nationalité irakienne, est entré en France au cours de l'année 2015. Il a présenté une demande d'asile, rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile. M. C...A...a sollicité le 20 octobre 2016 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 février 2017, le préfet de la Creuse lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, avec obligation de se présenter deux fois par semaine en gendarmerie. M. C...A...relève appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 février 2017.
Sur la légalité de l'arrêté du 3 février 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Il résulte de l'instruction que M. C...A...a déposé le 20 octobre 2016 une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, au titre de la vie privée et familiale, faisant état des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, de l'impact de sa situation sur son état de santé, et indiquant disposer d'une promesse d'embauche. Eu égard notamment aux termes de cette demande, l'arrêté du 3 février 2017 du préfet de la Creuse, qui vise les textes applicables à la situation de M. C...A...et qui mentionne que celui-ci est célibataire et sans enfant, qu'il est entré récemment en France, qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans en Irak, où vit sa famille, que la promesse d'embauche dont il dispose ne constitue pas à elle seule une circonstance exceptionnelle, et qui tire de ces constats que l'intéressé ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel permettant d'envisager sa régularisation à titre exceptionnel, n'est pas insuffisamment motivé, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges.
3. Il ne ressort ni de la décision en litige ni des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen sérieux et attentif de la situation personnelle de M. C...A...en fonction des éléments dont il avait connaissance.
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (... ) ".
5. M. C...A...fait valoir qu'il est irakien et qu'il se trouve dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine en raison du conflit armé qui s'y déroule, qu'il a été admis à l'aide juridictionnelle pour former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande d'asile, et qu'il bénéficie depuis le mois d'avril 2017 d'un contrat de travail à durée indéterminée comme ouvrier agricole et sylvicole, alors que le secteur considéré connait d'importantes difficultés de recrutement et que son employeur lui accorde toutes sa confiance. Toutefois, en estimant que ces éléments n'étaient pas de nature à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant une admission exceptionnelle au séjour, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation. Il ne ressort pas des éléments du dossier, et en particulier des mentions de la décision litigieuse, que le préfet de la Creuse se serait estimé lié par la circonstance que M. C...n'a pas obtenu l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail. Si le requérant soutient, par ailleurs, qu'il souffre d'un état de stress post-traumatique lié à des évènements vécus en Irak, il se borne à produire à cet égard un certificat médical peu circonstancié. Par suite, et alors que M. C... A...ne peut invoquer utilement les orientations générales de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C...A...est célibataire, sans charge de famille en France, qu'il n'est entré en France qu'en septembre 2015 et à vécu jusqu'à l'âge de 33 ans en Irak, où il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales. Il n'établit pas, ainsi qu'il a été dit, souffrir d'un état de stress post-traumatique en lien avec des évènements vécus dans son pays d'origine. S'il allègue être originaire de la ville de Touz Khormatou au Kurdistan irakien, dans une zone qui continue à faire l'objet de combats entre diverses factions armées, il n'en justifie pas par les pièces qu'il produit. Aussi, alors même que le requérant a fait des efforts d'insertion, notamment en prenant des cours de français, et bénéficie du soutien de son employeur et de la population locale, le préfet de la Creuse n'a pas porté une atteinte excessive à son droit à une vie privée et familiale normale et n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le Préambule de la Constitution. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C...A....
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Si M. C...A...soutient qu'il encourrait des risques personnels en cas de retour au Kurdistan irakien, un tel moyen est inopérant à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, qui ne détermine pas, en soi, le pays vers lequel il pourrait être éloigné.
En ce qui concerne le pays de renvoi :
9. Il est constant que l'arrêté contesté du 3 février 2017 ne fixe pas le pays de renvoi. Par suite, les conclusions soulevées par M. C...A...à l'encontre d'une telle décision et au soutien desquelles il soulève un moyen tiré des risques qu'il encourrait en cas de retour au Kurdistan irakien, ne peuvent qu'être rejetées.
10. Il résulte de ce qui précède que M. C...A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Creuse.
Délibéré après l'audience du 7 février 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 8 mars 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03834