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08/03/2018 | FRANCE | N°16BX03283,16BX03284

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 08 mars 2018, 16BX03283,16BX03284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 4 juin 2015 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion (CCIR) a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1500693 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cette décision et mis à la charge de la CCIR une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I) Sous le n°

16BX03283, par une requête et un mémoire enregistrés les 4 octobre 2016 et 29 décembre 2016, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 4 juin 2015 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion (CCIR) a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1500693 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cette décision et mis à la charge de la CCIR une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I) Sous le n° 16BX03283, par une requête et un mémoire enregistrés les 4 octobre 2016 et 29 décembre 2016, la CCIR, représentée par Me Avril, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de La Réunion ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour soutenir qu'elle n'a pas eu accès à son entier dossier, Mme B...se fonde sur l'attestation de remise des pièces qui indique par erreur que le rapport d'enquête interne comporte 14 pages ; son dossier comportait l'intégralité de ce document ; en tout état de cause, la page 15 du rapport en cause est consacrée à la conclusion des enquêteurs, et se borne à résumer les griefs exposés dans les pages précédentes ;

- Mme B...a disposé du temps suffisant pour consulter son dossier ; le courrier l'invitant à consulter son dossier date du 6 mars 2015, et non du 18 mars 2015 ; elle a attendu le 16 mars 2015 pour en prendre connaissance ; elle a donc disposé du temps nécessaire pour préparer sa défense avant l'entretien préalable du 16 mars 2015 et avant sa rencontre avec le président de la commission paritaire régionale le 2 avril 2015 ;

- l'enquête interne a été menée par des personne indépendantes et le rapport comporte les explications fournies par MmeB... ;

- l'absence de mention de la qualité de représentante syndicale de Mme B...est sans incidence et ne lui confère aucune immunité ; l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé concerne les agents du secteur privé ;

- les faits reprochés sont établis, notamment par les témoignages concordants des agents ayant travaillé sous les ordres de MmeB... ;

- le tribunal a apprécié le caractère proportionné de la sanction sans prendre en compte l'ensemble des griefs retenus à l'encontre de MmeB..., et a sous-estimé la gravité des griefs retenus à l'encontre de l'intimée.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2016 et 30 janvier 2017, Mme B..., représentée par Me Akhoun, avocate, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la CCIR d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la sanction a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; en effet, elle n'a pas eu accès à son dossier après son entretien préalable avec M. A...le 2 avril 2015 ; de plus, la pièce n° 8 du dossier d'enquête interne ne lui a pas été communiquée, alors pourtant qu'elle était essentielle puisqu'elle comportait les conclusions tirées par les auteurs de l'enquête ; une partie des conclusions des enquêteurs a été masquée en noir ;

- les modalités de déroulement de cette enquête interne ne sont pas précisées, notamment la teneur des questions posées aux agents ; ses droits de la défense ont par suite été méconnus ;

- cette enquête a été menée à charge et n'a pas été individualisée, puisqu'elle concernait également Mme Akhoun ; elle n'a pas été menée par des personnes indépendantes ; l'administration ne saurait se constituer une preuve à soi-même ;

- sa qualité de déléguée syndicale et de conseiller du salarié n'a pas été mentionnée ; elle n'a pas bénéficié de la procédure prévue en faveur des salariés protégés ;

- la décision de révocation n'est pas motivée en droit et en fait ; les motifs sont énoncés de manière vague ;

- la décision est fondée sur des griefs vagues et invérifiables ; aucune preuve n'est apportée par l'employeur ; les faits de harcèlement à l'encontre de deux agents, qui n'ont pas porté plainte, ne sont pas établis ; aucune intervention de sa part n'est nécessaire pour qu'il soit porté à atteinte à l'image de la CCIR, ainsi qu'en témoignent les articles de presse versés au dossier ;

- la décision de révocation repose sur une erreur d'appréciation ;

- la décision de révocation est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- la décision de suspension conservatoire du 9 février 2015 est entachée d'un vice d'incompétence.

Par une ordonnance du 21 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 avril 2017 à 12h00.

II) Par une requête enregistrée le 4 octobre 2016, la CCIR, représentée par Me Avril, avocat, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce même jugement du tribunal administratif de La Réunion et de mettre à la charge de Mme B...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'extrême gravité des fautes reprochées à Mme B...justifiait la mesure de révocation prononcée à son encontre.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2016, MmeB..., représentée par Me Akhoun, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la CCIR une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la CCIR ne sont pas sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet de sa demande de première instance.

Par une ordonnance du 21 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 avril 2017 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, de commerce et des métiers ;

- le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., agent titulaire de la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion (CCIR) depuis le 1er avril 1990, a été affectée à partir du 23 septembre 2013 au poste de directrice du port de plaisance de Saint-Gilles. Le lundi 9 février 2015, date de sa reprise de fonctions après un congé de maladie, les agents du port ont manifesté auprès de la direction de la CCIR leur volonté d'exercer leur droit de retrait, faisant état de graves difficultés à travailler avec Mme B...et son adjointe. Mme B...a fait l'objet, le jour même, d'une mesure de suspension à titre conservatoire sur le fondement de l'article 37 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie. La CCIR a diligenté une enquête interne, confiée à la directrice du pôle Formation et à la responsable des ressources humaines de la Chambre, et une procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de MmeB.... Par une décision du 4 juin 2015, le président de la CCIR a infligé à Mme B...la sanction de la révocation. Le tribunal administratif de La Réunion a, par un jugement du 30 juin 2016, annulé cette sanction au motif qu'elle reposait sur une erreur d'appréciation. La CCIR relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.

2. Les deux requêtes de la CCIR sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. L'article 36 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie dispose qu'une mesure disciplinaire doit être adaptée à la nature des fautes et proportionnée à sa gravité et prévoit les sanctions de l'avertissement, du blâme, de l'exclusion temporaire, de la rétrogradation et de la révocation. Il précise aussi que " dans toute la mesure du possible, un principe de progressivité est appliqué ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il est reproché à Mme B...par la décision litigieuse d'avoir " outrepassé ses pouvoirs " en signant des courriers sans bénéficier d'une délégation de signature à cet effet, d'avoir manqué à son obligation de réserve et de discrétion, d'avoir porté atteinte à l'image de l'institution, notamment en entretenant des relations partiales avec les amodiataires et en faisant paraître dans la presse locale des articles mettant en cause le président de la CCIR, et enfin divers " manquements mettant en danger la sécurité et la santé au travail " consistant en des propos dénigrants, humiliants et agressifs envers le personnel, l'absence de concertation, ainsi que le fait de propager des rumeurs sur les agents du port s'accompagnant de propos diffamatoires et d'allusions à caractère sexuel.

5. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des témoignages précis et concordants de l'ensemble des agents du port de Saint-Gilles, recueillis au cours de l'enquête interne mentionnée au point 1, que Mme B...a tenu à de nombreuses reprises, à leur égard ou concernant d'autres membres du personnel de la CCIR, des propos insultants et outrageants, adopté une attitude de dénigrement systématique, et a également colporté des rumeurs attentatoires à leur vie privée. Ce comportement a conduit à une détérioration de l'atmosphère de travail au sein du port, au point que, le 9 février 2015, l'ensemble des agents ont décidé de faire valoir leur droit de retrait. L'enquête interne a ainsi mis en lumière les difficultés liées à ce comportement inadapté, l'ensemble des agents du port faisant état du caractère humiliant et agressif de ces propos, générant une forte tension au sein du service, ainsi que cela ressort notamment du courrier du médecin du travail adressé le 18 février 2015 au président de la CCIR pour l'alerter de l'état de " malaise et de mal-être " au travail de l'ensemble des agents du port de Saint-Gilles. Il ressort également des pièces du dossier qu'à la suite de sa suspension à titre conservatoire, la requérante s'est exprimée à deux reprises dans la presse locale pour dénoncer, sans aucun commencement de preuve, un " putsch orchestré par la direction de la CCIR " reposant sur des motifs à caractère " sexiste ", pour avoir " résisté au droit de cuissage ", propos portant gravement atteinte à l'image de l'institution. Ces faits, dont la matérialité est établie, présentent un caractère fautif justifiant l'infliction d'une sanction disciplinaire.

6. En revanche, la matérialité des autres griefs fondant la sanction litigieuse, consistant notamment en des relations partiales avec les amodiataires, griefs dont la réalité ne saurait résulter des seules déclarations des agents du port de Saint-Gilles, n'est pas établie par les pièces versées au dossier. Compte tenu des griefs que le présent arrêt considère comme ayant été légalement retenus, et eu égard au fait que Mme B...n'avait jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire depuis sa titularisation intervenue en 1990, le président de la CCIR a fait une inexacte application des dispositions précitées en infligeant à l'intéressée la sanction de révocation, qui est la sanction la plus lourde prévue par lesdites dispositions.

7. Il résulte de ce qui précède que la CCIR n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision en litige.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

8. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de la CCIR, ses conclusions tendant au sursis à exécution du jugement attaqué ont perdu leur objet.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n' y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par MmeB....

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer de statuer sur la requête de la CCIR enregistrée sous le n° 16BX03284.

Article 2 : La requête de la CCIR enregistrée sous le n° 16BX03283 est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et à la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion (CCIR). Copie en sera adressée au Préfet de La Réunion et à la ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03283, 16BX03284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03283,16BX03284
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : AVRIL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-08;16bx03283.16bx03284 ?
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