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08/03/2018 | FRANCE | N°16BX00123

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 08 mars 2018, 16BX00123


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2014 par lequel le vice-recteur de Mayotte a mis fin à ses fonctions pour abandon de poste et l'a radié, à compter du 13 janvier 2014, des cadres des instituteurs de la fonction publique de l'Etat recrutés à Mayotte.

Par un jugement n° 1400361 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2

016, et des mémoires présentés les 14 juin et 13 juillet 2017, M.A..., représenté respectivem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2014 par lequel le vice-recteur de Mayotte a mis fin à ses fonctions pour abandon de poste et l'a radié, à compter du 13 janvier 2014, des cadres des instituteurs de la fonction publique de l'Etat recrutés à Mayotte.

Par un jugement n° 1400361 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2016, et des mémoires présentés les 14 juin et 13 juillet 2017, M.A..., représenté respectivement par Me B...puis par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 5 novembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au vice-recteur de Mayotte de le réintégrer dans le département du Morbihan et de reconstituer sa carrière à compter du 1er octobre 2013 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la mesure de radiation est entachée d'un vice de procédure ; en effet, il a été placé en congé de maladie du 2 juillet 2012 au 20 août 2013 ; or, si le vice-recteur a saisi une première fois le comité médical le 5 février 2013, cet organisme a émis un avis tardif, le 5 septembre suivant, et incomplet puisqu'il ne s'est pas prononcé sur la possibilité d'une reprise de ses fonctions ; de plus, le comité médical aurait dû, ainsi que l'exigent les textes en vigueur, être à nouveau saisi sur son aptitude à reprendre son poste après une période de congé maladie de treize mois consécutifs ;

- l'arrêté du 29 octobre 2013 l'autorisant à reprendre ses fonctions le 20 août 2013 doit être considéré comme inexistant ou, du moins, irrégulier ; cet acte ne lui a jamais été notifié ; il vise l'avis du comité médical du 5 septembre 2013 alors que celui-ci ne se prononçait pas sur son aptitude à reprendre ses fonctions et qu'il est, par ailleurs, sans lien avec une éventuelle réintégration ; en outre, cet arrêté paraît lui accorder un congé de longue maladie ;

- l'administration a édicté cet arrêté sans aucune autorisation médicale préalable ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le certificat médical en date du 30 décembre 2013, qu'il a lui-même produit, ne saurait régulariser cet arrêté, d'autant que ce document est postérieur à la décision de réintégration et à la mise en demeure de reprise de poste datée du 23 décembre 2013 ;

- cette mise en demeure est irrégulière tant sur la forme que sur le fond ; elle ne vise pas l'arrêté du 29 octobre 2013 et précise, contrairement à ce qui était mentionné dans cet acte, qu'il ne relève pas d'un congé de longue maladie ; il n'a pas bénéficié d'un délai raisonnable pour répondre à ce courrier de mise en demeure de reprendre ses fonctions le 13 janvier 2014, qu'il n'a pas reçu avant le 15 janvier 2014, et ne pouvait obtempérer à cette injonction, se trouvant en métropole, ainsi qu'en avait connaissance l'administration ; par ailleurs, la mise en demeure, qui fixait la reprise de poste à la rentrée de janvier 2014, n'était pas suffisamment précise ; l'arrêté contesté du 17 janvier 2014 le radiant des cadres, dont il n'a été destinataire que le 1er février suivant, était ainsi prématuré ; enfin, il ne pouvait être mis en demeure de reprendre son poste dès lors qu'aucun élément médical ne justifiait son aptitude à reprendre ses fonctions le 23 décembre 2013, faute pour le comité médical d'avoir été saisi de cette question ;

- il ne peut lui être reproché d'avoir cherché à rompre le lien avec son service puisque, en l'absence d'expertise médicale et d'avis du comité médical, il a lui-même pris l'initiative de saisir le comité médical le 18 décembre 2013 afin d'avoir un avis sur son aptitude à reprendre ses fonctions ; par plusieurs courriers, il a manifesté sa volonté d'être réintégré ; il ne pouvait matériellement se rendre à Mayotte avant le 13 janvier 2014 dès lors qu'ils n'avait pas reçu la mise en demeure avant cette date ;

- il sollicite désormais sa réintégration dans le département du Morbihan, après reconstitution de sa carrière, dès lors qu'il a été employé en 2015 par le ministère de l'éducation nationale dans un institut médico-éducatif.

Par le mémoire en défense, enregistré le 31 août 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête de M.A....

Il fait valoir que :

- en soutenant qu'il ne pouvait être appelé à rejoindre son poste sans l'avis du comité médical, M. A...doit être regardé comme excipant de l'illégalité de l'arrêté du 29 octobre 2013 par lequel le vice-recteur de Mayotte l'autorise à reprendre ses fonctions ; toutefois, cette décision ne constituant pas la base légale de l'arrêté en litige du 17 janvier 2014 le radiant des cadres, ce moyen est inopérant ;

- contrairement à ses déclarations, M. A...a disposé d'un délai suffisant pour déférer à la mise en demeure du 23 décembre 2013 ou produire toute justification utile ; or, il n'a apporté aucune explication sur son absence injustifiée ; à la date à laquelle il a reconnu avoir reçu la mise en demeure du 23 décembre 2013, c'est-à-dire le 15 janvier 2014, il n'a fourni aucune justification d'ordre médical ou matériel qui aurait expliqué son impossibilité de déférer à cette mise en demeure, alors que la décision de radiation des cadres n'était pas encore intervenue ; alors qu'il aurait dû exposer les motifs qui le conduisaient à ne pas reprendre son poste, il s'est borné à contester un élément de procédure relatif au comité médical sans apporter d'explication à son absence injustifiée alors au demeurant qu'il avait produit un certificat médical déclarant son aptitude à reprendre le service ;

- le requérant n'est pas fondé à soutenir que la rupture du lien avec l'administration n'est pas caractérisée ; en effet, il n'a fourni aucun justificatif médical de son absence depuis le 20 août 2013, malgré les diverses invitations à régulariser sa situation ou à rejoindre son poste ; or, il avait au contraire produit un certificat médical déclarant son aptitude à reprendre le service à la date fixée par la mise en demeure ; si, en demandant la saisine du comité médical, l'intéressé avait l'intention d'établir qu'il ne souhaitait pas quitter définitivement le service, cette circonstance est sans incidence sur la qualification d'abandon de poste puisqu'il ne s'est pas conformé à la mise en demeure sans apporter de motif valable. En effet, il n'a pas fourni de justificatifs médicaux de son absence depuis le 20 août 2013 alors qu'il ne disposait plus, depuis cette date, de congé de maladie ordinaire, et qu'il avait été invité à régulariser sa situation à plusieurs reprises.

Par ordonnance du 31 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 octobre 2017 à 12 heures.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., titularisé le 12 juillet 2011 dans le corps des instituteurs de la fonction publique d'Etat recrutés à Mayotte, a été radié des cadres à compter du 13 janvier 2014 par un arrêté du vice-recteur de Mayotte en date du 17 janvier 2014. M. A...relève appel du jugement du 5 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable.

3. Pour prononcer, par l'arrêté du 17 janvier 2014, la radiation des cadres de M. A...pour abandon de poste, le vice-recteur de Mayotte s'est fondé sur la mise en demeure datée du 23 décembre 2013, qui lui demandait de régulariser sa situation ou de reprendre son poste à compter de la rentrée scolaire, le 13 janvier 2014, en appelant son attention sur le risque qu'il soit regardé comme abandonnant son poste et radié des cadres sans que les garanties disciplinaires lui soient applicables, s'il n'obtempérait pas. Cependant, M. A...soutient qu'il n'a reçu ce courrier de mise en demeure que le 15 janvier 2014, après la date à laquelle il lui a été enjoint de reprendre son poste. L'administration ne produit pas l'accusé de réception mentionnant la date à laquelle M. A...a effectivement reçu cette lettre de mise en demeure. Dans ces conditions, et sans que le ministre puisse utilement faire valoir que l'intéressé n'aurait pas justifié de son impossibilité de reprendre ses fonctions après le 15 janvier 2014, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...aurait bénéficié d'un délai approprié pour rejoindre son poste à la date fixée par la mise en demeure. Par suite, M. A...est fondé à soutenir que la décision du 17 janvier 2014 par laquelle le vice-recteur de Mayotte a prononcé sa révocation pour abandon de poste a été prise au terme d'une procédure irrégulière.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Si M. A...demande à être réintégré à compter du 1er octobre 2013, il ne produit aucun élément de nature à justifier le bien-fondé de cette demande alors qu'il n'a été révoqué qu'à compter du 13 janvier 2014. En l'espèce, l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2014 implique nécessairement la réintégration rétroactive de M. A...à la date de son éviction, la reconstitution de sa carrière telle qu'elle se serait déroulée s'il n'avait pas été illégalement rayé des cadres et sa réintégration effective sur son emploi ou sur un emploi équivalent à celui dont il a été évincé. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de réintégrer l'intéressé et de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. M. A...bénéficie de l'aide juridictionnelle totale et ne soutient pas avoir exposé des frais qui ne seraient pas couverts par cette aide. Dès lors, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à lui verser une quelconque somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400361 du 5 novembre 2015 du tribunal administratif de Mayotte et l'arrêté du 17 janvier 2014 du vice-recteur de Mayotte sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale de réintégrer M. A...à la date de son éviction, de reconstituer sa carrière telle qu'elle se serait déroulée en l'absence d'éviction, et de le réintégrer effectivement sur son emploi ou sur un emploi équivalent à celui dont il a été évincé, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'éducation nationale. Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer, au préfet de Mayotte et à l'académie de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 7 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne ministre de l'éducation nationale, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

2

N° 16BX00123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00123
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Abandon de poste.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : DONCE-BEROUJON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-08;16bx00123 ?
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