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06/03/2018 | FRANCE | N°17BX03409

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 17BX03409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701217 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2017, M. A.

..D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701217 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2017, M. A...D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de résident ou, à défaut, un titre de séjour " vie privée et familiale " d'un an ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la seule condition posée par l'article 3 de l'accord franco-tunisien à la délivrance d'une carte de résident de dix ans tient à l'existence d'une résidence régulière en France pendant trois années ; l'existence ou non de moyens de subsistance ne constitue qu'un critère d'appréciation ; il n'a pas déposé une demande de titre de séjour en qualité de salarié, sur le fondement du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien mais une demande de carte de résident sur le fondement du troisième alinéa de l'article 3 dudit accord et, subsidiairement, une demande de titre de séjour " vie privée et familiale " en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les services en charge de l'emploi n'avaient donc pas à être saisis de sa demande ; ainsi, en rejetant sa demande au motif que la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) lui avait refusé la délivrance d'une autorisation de travail, les premiers juges ont ajouté une condition qui n'était pas prévue et ont par suite entaché leur jugement d'une erreur de droit ;

- le préfet et le tribunal ont méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 29 janvier 1994 et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il justifie d'une durée de séjour en France de plus de quatre ans, d'une réelle intégration dans la société française et de réelles perspectives professionnelles ; il est marié depuis août 2015 avec une compatriote régulièrement établie en France et un enfant est né de leur union le 13 avril 2017 ; il ne peut bénéficier du regroupement familial dès lors qu'il a rencontré son épouse après son arrivée en France et qu'il subvient seul aux besoins de la famille ;

- sa situation de conjoint d'une ressortissante étrangère en situation régulière, justifiant par ailleurs de sa parfaite intégration professionnelle lui permet de prétendre à un titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa situation correspond également à l'un des cas de régularisation d'un étranger dans le cadre de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ; le préfet a donc commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour de régularisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 7 novembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2017 à 12 heures.

M. A...D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 18 janvier 2018, le président de la cour a désigné Mme Florence Madelaigue pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...D..., ressortissant tunisien né en 1990, est entré en France le 1er octobre 2012 sous couvert d'un visa de long séjour pour y poursuivre des études. Il a bénéficié de titres de séjour portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelés et dont le dernier expirait le 19 septembre 2015. M. A...D...a demandé le 10 novembre 2015 un changement de statut en vue de l'obtention d'une carte de résident de dix ans en application de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ou, à défaut, d'une carte de séjour d'un an au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Gironde, par un arrêté du 23 janvier 2017, a refusé de délivrer à M. A...D...le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. M. A...D...relève appel du jugement du 18 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " (...) Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix (...) ".

3. Le préfet de la Gironde a examiné le droit au séjour de M. A...D...au regard des stipulations précitées de l'accord franco-tunisien selon lesquelles les ressources du demandeur constituent l'un des critères de délivrance de la carte de résident. Si M. A... D... a travaillé à temps partiel en qualité de vendeur dans la limite de 60 % de la durée de travail permise par le titre de séjour étudiant dont il a bénéficié jusqu'en 2015, il ne pouvait cependant, contrairement à ce qu'il soutient, se prévaloir des ressources tirées de cette même activité à temps plein dès lors qu'elle était exercée irrégulièrement depuis la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le préfet a refusé l'autorisation de travail sollicitée pour son compte par son employeur. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que M. A... D... ne justifiait pas de moyens d'existence suffisants et qu'il ne remplissait donc pas l'une des conditions de délivrance d'un titre de séjour en application du troisième alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien : " les ressortissants tunisiens bénéficient dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial et dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. ".

5. A l'appui de son moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale, M. A...D...fait valoir qu'il séjourne sur le territoire français depuis octobre 2012, qu'il a épousé le 10 août 2015 une compatriote titulaire d'un titre de séjour et qui a donné naissance à leur enfant le 13 avril 2017, soit néanmoins postérieurement à la décision attaquée. Toutefois, M. A...D...n'a été admis à séjourner sur le territoire français que sous le couvert de titres de séjour temporaires portant la mention " étudiant " et n'avait donc pas vocation à s'installer durablement en France. Il en va de même de son épouse également titulaire, à la date de l'arrêté en litige, d'un titre de séjour " étudiant " valable un an seulement. Ainsi, la cellule familiale que forme le requérant avec sa conjointe a vocation à se reconstituer dans leur pays d'origine. Par ailleurs, M. A...D...a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine qu'il a quitté à l'âge de vingt-deux ans et où résident ses parents et sa fratrie. Dans ces circonstances particulières, le préfet de la Gironde n'a pas, en prenant la décision contestée, porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A...D...à mener en France sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien doit être écarté. Dans ces circonstances, ce refus de titre de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

6. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient dès lors au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet, après avoir estimé que M. A... D... ne satisfaisait pas aux conditions de délivrance d'un titre de séjour " salarié " prévues par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, a effectivement examiné la possibilité de régulariser la situation de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale. Il résulte toutefois de ce qui a été dit précédemment que M. A...D...ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels lui permettant d'être admis au séjour en France à titre exceptionnel. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne délivrant pas au requérant un titre de séjour de régularisation.

8. M. A...D...ne peut enfin utilement se prévaloir de ce que sa situation répondrait à l'un des cas de figure énoncé dans la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière. En effet, cette circulaire ne revêt pas de caractère réglementaire dès lors qu'elle a seulement pour objet de rappeler et de préciser aux autorités chargées de la police des étrangers, qui en sont destinataires, les conditions d'examen et critères permettant d'apprécier les demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 23 janvier 2017. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...D..., à Me C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 mars 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX03409 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03409
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-06;17bx03409 ?
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