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06/03/2018 | FRANCE | N°16BX00536

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 16BX00536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D..., épouseB..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme globale de 353 666,07 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis consécutivement à l'intervention chirurgicale réalisée le 12 septembre 2002 au centre hospitalier universitaire de Bordeaux.

Par un jugement n° 1400776 du 22 décembre 2015, le tribunal administra

tif de Bordeaux a condamné l'ONIAM à verser à Mme B...la somme de 91 446,60 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D..., épouseB..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme globale de 353 666,07 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis consécutivement à l'intervention chirurgicale réalisée le 12 septembre 2002 au centre hospitalier universitaire de Bordeaux.

Par un jugement n° 1400776 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ONIAM à verser à Mme B...la somme de 91 446,60 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 1er décembre 2017, l'ONIAM, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 décembre 2015 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme D...devant le tribunal administratif, subsidiairement, d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale.

Il soutient que :

- l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les dommages dont Mme D... demande réparation et l'intervention chirurgicale du 12 septembre 2002 n'est pas établi ;

- le tribunal n'a pas vérifié si ces dommages présentaient un caractère anormal au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- les expertises réalisées n'ont pas été contradictoires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2016, MmeD..., représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge de l'ONIAM au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance. Elle demande également, par la voie de l'appel incident, que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il n'a pas condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 223 899,33 euros.

Elle soutient que les dommages qu'elle a subis trouvent leur origine dans l'intervention chirurgicale du 16 septembre 2002.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.F...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public;

- et les observations de MeE..., représentant MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 septembre 2002, MmeD..., épouseB..., née en 1961, a bénéficié, au sein du service de gynécologie chirurgicale du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, de l'exérèse d'un nodule de petite taille au niveau de la commissure d'une épisiotomie réalisée lors d'un accouchement. Mme B...a saisi, le 27 août 2008, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Aquitaine d'une demande d'indemnisation à raison des douleurs qu'elle ressent depuis cette intervention. La CRCI a désigné successivement deux experts, qui ont remis leurs rapports, respectivement, le 23 avril 2009 et le 7 août 2012. En dépit de l'avis du 22 mai 2013 par lequel la CRCI a estimé que les dommages subis par Mme D...devaient être indemnisés à hauteur de 70 % par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale, l'Office a refusé, le 8 novembre 2013, de procéder à cette indemnisation. L'ONIAM demande à la cour d'annuler le jugement n° 1400776 du 22 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à Mme D...la somme de 91 446,60 euros en réparation de ses préjudices. Cette dernière demande, par la voie de l'appel incident, que la somme que l'ONIAM a été condamné à lui verser soit portée à 223 899,33 euros.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du de la santé publique, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) II - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". L'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives.

3. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

4. Il résulte de l'instruction, notamment du second rapport d'expertise remis à la CRCI le 26 novembre 2009, des avis des différents médecins consultés par Mme D...ainsi que des résultats du bloc antalgique complet réalisé au sein du centre hospitalier universitaire de Nantes en juillet 2009, que celle-ci souffre d'un névrome ou névralgie pudendale au niveau de la cicatrice du nodule retiré lors de l'intervention chirurgicale dont s'agit, elle-même située au niveau de la commissure d'une épisiotomie. Toutefois, il résulte également de l'instruction, en particulier du premier rapport d'expertise du 23 avril 2009, que Mme D...souffrait déjà, à l'issue de sa grossesse extra-utérine opérée en mars 1997 et, donc, antérieurement à l'intervention du 12 septembre 2002, de " douleurs pelviennes très inhabituelles " qui avaient justifié une prise en charge par le centre de la douleur, la prescription de Zoloft (antidépresseur) et de Tranxène ainsi que des consultations pour " un kyste de la glande de Bartholin provoquant une dyspareunie (douleurs aux rapports) " puis, après l'échec des thérapeutiques anti-inflammatoires et antibiotiques, le recours au geste chirurgical en cause. Ces douleurs avaient également justifié le placement de Mme D...en congé de longue durée depuis le 17 novembre 2001 " pour des problèmes essentiellement gynécologiques empêchant la position assise prolongée inévitable dans son travail habituel de secrétariat ". Enfin, il résulte également de ces rapports d'expertise que les douleurs ressenties par Mme D...n'ont cessé de s'aggraver entre 2002 et la consolidation intervenue le 6 juillet 2012. Dans ces conditions, eu égard à l'antériorité et au caractère longtemps évolutif des douleurs périnéales dont souffre l'intimée, l'existence d'un lien de causalité entre ces douleurs et l'intervention chirurgicale du 12 septembre 2002 ne peut être regardé comme établie.

5. Il résulte de ce qui précède que l'ONIAM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à indemniser Mme D...de ses préjudices. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter, pour les mêmes motifs, les demandes indemnitaires présentées par Mme D...devant le tribunal administratif de Bordeaux puis, par la voie de l'appel incident, devant la cour.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1400776 du 22 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif par Mme D...et les conclusions incidentes qu'elle a présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., épouseB..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la mutuelle générale de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2018

Le rapporteur,

Manuel F...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°16BX00536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00536
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-06;16bx00536 ?
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