La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2018 | FRANCE | N°15BX01337

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 15BX01337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Geroari, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Pau la condamnation du Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet à lui verser la somme de 8 160,59 euros avec intérêts de droit, au titre de pénalités qui lui ont été appliquées à la suite de travaux réalisés au centre des loisirs de Narcastet.

Par une ordonnance n° 1302074 du 10 mars 2015 le vice-président du tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la société Geroari

.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 13 avril 2015 et un mémoire en réplique du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Geroari, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Pau la condamnation du Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet à lui verser la somme de 8 160,59 euros avec intérêts de droit, au titre de pénalités qui lui ont été appliquées à la suite de travaux réalisés au centre des loisirs de Narcastet.

Par une ordonnance n° 1302074 du 10 mars 2015 le vice-président du tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la société Geroari.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 13 avril 2015 et un mémoire en réplique du 16 juillet 2015, la société Geroari, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Pau du 10 mars 2015 ;

2°) de condamner le Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet à lui verser la somme de 8 160,59 euros avec intérêts de droit depuis la mise en demeure ;

3°) de mettre à la charge du Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à la suite de la réception du chantier, la société a transmis le 30 juin 2012, un projet de décompte général au maître d'oeuvre et au syndicat intercommunal ;

-le décompte général et définitif qui lui a été adressé le 19 novembre 2012 par le maître d'oeuvre n'a pas été signé par le syndicat intercommunal ;

- la société a adressé une mise en demeure le 30 novembre 2012 au syndicat intercommunal de lui régler le solde du chantier conformément à son projet de décompte définitif du 30 juin 2012 ;

- aucune réponse n'a été apportée à ce courrier dans le délai de 45 jours ;

- le syndicat intercommunal ayant finalement transmis un décompte signé du 12 juin 2013, la société conformément à l'arrêt du Conseil d'Etat, du 8 août 2008, Société Bleu Azur, ne pouvait plus saisir le tribunal administratif sur la base du rejet implicite de sa réclamation du 30 novembre 2012 ;

-la société a présenté une réclamation le 19 juillet 2013 dans le délai de 45 jours prévu par l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) des marchés publics de travaux ;

- aucune réponse n'ayant été apportée à sa demande, elle disposait d'un délai de six mois pour saisir le tribunal administratif, ce qu'elle a fait en saisissant le tribunal administratif le 4 décembre 2013 alors que la décision implicite de sa réclamation est intervenue le 3 septembre 2013 ;

- sur le fond, avant même que la société ne puisse commencer à intervenir, le chantier avait déjà pris 15 jours de retard ; en effet, alors que la société devait intervenir à la mi-novembre, son intervention a été retardée à fin novembre ; dès le 28 novembre 2011, elle a averti le maître d'oeuvre de son impossibilité de débuter son intervention sur le chantier, compte tenu des retards constatés ; par un courrier du 26 décembre 2011, elle a interrogé la société ACTA, maître d'oeuvre, quant à la possibilité d'être en mesure de commencer à intervenir sur le chantier à compter du début du mois de janvier 2012, sur la base du nouveau calendrier décidé par ACTA lors de la réunion du 6 décembre 2011 ;

- les retards de 37 jours qui ont été pris en compte par le syndicat intercommunal pour lui infliger des pénalités de 6 823,24 euros hors taxes, sont fantaisistes, dès lors notamment que comme la société l'a signalé, les retards sur le chantier sont essentiellement dus à l'entreprise chargée du gros oeuvre ;

- par ailleurs, le montant journalier des pénalités de retard a été fixé à 202,74 euros hors taxes par jour, alors qu'en vertu de l'article 4.3.2 .1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), le montant des pénalités est plafonné à 5 % du montant du marché, et que dès lors compte tenu de ce que le marché s'élevait à 136 503,70 euros, le montant des pénalités ne pouvait excéder la somme de 1 683,50 euros hors taxes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2015, le Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Geroari une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de la société devant le tribunal administratif était irrecevable dès lors qu'elle a été destinataire le 13 novembre 2012 d'un décompte général selon lequel lui était imputé des pénalités de retard et qu'elle a contesté ce décompte par une réclamation du 30 novembre 2012 ;

- la société, en vertu de l'article 50.3.3 du CCAG disposait d'un délai de 6 mois à compter de la notification de la décision expresse ou implicite prise sur sa réclamation pour saisir le tribunal administratif et le respect de ce délai présentait un caractère impératif ;

- faute d'avoir saisi le tribunal administratif dans ce délai, la demande de la société devant le tribunal administratif était tardive ;

- l'arrêt du Conseil d'Etat, du 8 août 2008, Société Bleu Azur dont se prévaut la société n'est pas transposable en l'espèce dans la mesure où dans cette affaire le décompte général avait été notifié alors que la demande avait déjà été présentée devant le tribunal administratif, le Conseil d'Etat ayant considéré que l'action engagée devant le tribunal était ainsi devenue sans objet ; en l'espèce la société n'avait engagé devant le tribunal administratif aucune action dans le délai de six mois qui lui était imparti, à compter de l'intervention d'une décision implicite de rejet le 21 janvier 2013, de sa contestation du décompte ;

- à titre subsidiaire, en ce qui concerne le bien-fondé des pénalités, la société Geroari ne justifie pas avoir adressé au maître d'oeuvre, dans les conditions prévues par l'article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières, une lettre recommandée sollicitant l'intervention d'un nouveau planning du fait des retards survenus dans le déroulement du chantier ;

- par application de l'article 4.3.2.1 du CCAP, il a donc été appliqué des pénalités de retard à la société Geroari.

Par ordonnance du 11 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 18 janvier 2018, le président de la cour a désigné Mme Florence Madelaigue pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Geroari relève appel de l'ordonnance n° 1302074 du 10 mars 2015 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Syndicat Intercommunal du Centre des Loisirs de Narcastet à lui verser la somme de 8 160,59 euros avec intérêts de droit, correspondant à des pénalités qui lui ont été appliquées à la suite de travaux réalisés au centre des loisirs de Narcastet.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché en litige : " 50.1. Mémoire en réclamation : (...) Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général (...) 50.1.2. Après avis du maître d'oeuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. 50.2. Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées aux articles 50.3 à 50.6. 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter (...) de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. 50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable (...) ". Le décompte général du marché du 13 novembre 2012 n'a pas acquis de caractère définitif, faute d'avoir été signé par le maître d'ouvrage. Ainsi, le décompte général signé le 12 juin 2013 par le maître d'ouvrage a eu pour effet de déclencher un nouveau délai de recours dans les conditions indiquées par les dispositions précitées. La société ayant présenté une réclamation le 19 juillet 2013 dans le délai de quarante-cinq jours prévu par l'article 50.1.1 précité du CCAG des marchés publics de travaux, la saisine du tribunal administratif, présentée le 4 décembre 2013, soit conformément à l'article 50.2 du même CCAG, dans le délai de six mois du rejet implicite de sa réclamation, n'était pas tardive, et c'est donc à tort que la demande de la société Geroari a été rejetée comme étant irrecevable par le tribunal administratif. La société Geroari est dès lors fondée à demander l'annulation pour irrégularité de l'ordonnance du 10 mars 2015 et, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de traiter le litige par la voie de l'évocation.

Sur le bien-fondé des pénalités appliquées à la société Geroari :

3. Par acte d'engagement du 16 mai 2011, la société Geroari a été chargée par le Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet de la réalisation de la charpente métallique du centre équestre, au titre du lot n° 2 du marché, pour un montant hors taxes de 136 464,70 euros, soit 163 211,78 euros TTC. L'article 4.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) Travaux auquel renvoie l'acte d'engagement signé par la société Géorari impartit à la société, " à compter de la date fixée par l'ordre de service de commencer les travaux " un " délai d'exécution de un mois de préparation et de six mois de travaux ". La société qui ne conteste pas l'intervention d'un ordre de service, indique qu'un nouveau calendrier d'intervention a été décidé lors de la réunion de chantier du 6 décembre 2011. Il résulte en effet de l'instruction et notamment du " compte rendu n° 13 de la réunion de chantier du 6 décembre 2011 ", qu'un nouveau planning a été défini lors de cette réunion de chantier selon lequel la société Geroari devait commencer les travaux le 2 janvier 2012 et les finir le 22 février 2012. La société admet que lors de différentes réunions de chantier, dont les comptes rendus sont produits au dossier, il a été fait état de différents retards la concernant et que ces retards ont été au final estimés par la société Acta Architecture, maître d'oeuvre, à quarante-quatre jours par rapport aux délais prévus, ce qui apparait effectivement dans le compte rendu n° 33 de la réunion de chantier du 2 mai 2012. Si la société soutient que le nombre de quatre-vingt-quatre jours de retard qui lui est reproché est manifestement excessif, compte tenu notamment de ce qu'avant même qu'elle n'ait pu commencer à intervenir, le chantier avait déjà pris quinze jours de retard, ce dont elle a averti le maître d'oeuvre, le 28 novembre 2011, les pénalités mises à sa charge ne s'élèvent pas à quatre-vingt-quatre jours, mais comme l'indique le décompte général signé par le maître de l'ouvrage le 12 juin 2013, à trente jours. Par ailleurs, la société requérante ne conteste pas le fait que comme le lui oppose en défense le syndicat intercommunal, contrairement à ce qu'impose l'article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières selon lequel : " prolongation des délais d'exécution " " 4.2 .1 Justification : A partir du moment où le calendrier d'exécution a été mis au point, l'entrepreneur est tenu de signaler au maître d'oeuvre, par lettre recommandée, dans un délai de quinze jours, toute circonstance ou évènement susceptible de motiver une prolongation du délai d'exécution ... ", elle n'a pas demandé de report du calendrier d'exécution. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la société Geroari ne serait pas redevable des trente jours de pénalités mises à sa charge et les conclusions tendant à la décharge totale des pénalités doivent donc être rejetées.

Sur le mode de calcul des pénalités :

4. La société fait valoir, à titre subsidiaire de la décharge de la totalité des pénalités mises à sa charge, que le calcul de ces pénalités serait erroné. Ainsi que le soutient à bon droit la société, en vertu de l'article 4 .3 .2 .2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), dont l'application est prévue par l'acte d'engagement, le montant journalier de la pénalité de retard s'établit non à 1/300 ème du montant hors taxes du marché comme l'indique à tort le décompte général du 12 juin 2013, mais à 1/3000 ème du montant hors taxes de ce marché. Dans ces conditions, dès lors que le montant du marché s'élève à 136 464,70 euros hors taxes, le montant journalier de la pénalité est de 45,48 euros. Ainsi, la société est fondée à demander que le montant des pénalités qui lui ont été appliquées au titre du marché soit réduit à 1 364,40 euros.

5. Si la requérante demande à ce que la condamnation du Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet au paiement du solde du marché porte intérêts de droit à compter du 30 novembre 2012 date de présentation de sa réclamation dirigée contre le décompte général du 19 novembre 2012, ces conclusions ne peuvent être que rejetées, les intérêts moratoires applicables en matière de marchés publics étant exclusifs d'autres intérêts, notamment les intérêts demandés sur le fondement du code civil.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Geroari qui n'est pas, dans la présente instance partie perdante, la somme que le Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet la somme de 1 500 euros, au profit de la société Geroari au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1302074 du 10 mars 2015 du vice-président du tribunal administratif de Pau est annulée.

Article 2 : Les pénalités de retard infligées par le Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet à la société Geroari pour 6 823,24 euros, sont ramenées à la somme de 1 364,40 euros.

Article 3 : Le Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet versera à la société Geroari la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Geroari est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Geroari et au Syndicat Intercommunal Centre des Loisirs de Narcastet.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 mars 2018.

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atltantiques, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX01337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01337
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP ACTEIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-06;15bx01337 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award