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02/03/2018 | FRANCE | N°17BX03587

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 02 mars 2018, 17BX03587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les arrêtés du 13 octobre 2017 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a décidé sa remise aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence du 14 octobre 2017 au 28 novembre 2017.

Par un jugement n°1701428 du 16 octobre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2017, M.B..., représ

enté par Me Toulouse, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les arrêtés du 13 octobre 2017 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a décidé sa remise aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence du 14 octobre 2017 au 28 novembre 2017.

Par un jugement n°1701428 du 16 octobre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2017, M.B..., représenté par Me Toulouse, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 16 octobre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Vienne du 13 octobre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de transfert aux autorités italiennes :

- en cas de transfert en Italie, dont il admet qu'elle est bien l'Etat responsable de sa demande d'asile en application de l'article 13 paragraphe 1 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, il sera vraisemblablement éloigné à destination de son pays d'origine, le Soudan ; or, il y subirait des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'Italie connaît des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile sur son sol ; dès lors, en application de l'article 3 du règlement dit Dublin III, la France doit être déclarée responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- il sera exposé en Italie à des conditions de vie constitutives de traitements inhumains et dégradants ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant remise aux autorités italiennes.

Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 janvier 2018 à 12h00.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dit " Dublin III ", établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats-membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marianne Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MB..., ressortissant soudanais né le 2 mai 1992, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France le 15 septembre 2016. Il a sollicité en France son admission au séjour au titre de l'asile le 9 mars 2017. A l'occasion de l'instruction de sa demande, il est apparu que celui-ci relevait d'un autre Etat membre de l'Union européenne en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités italiennes, saisies d'une demande de prise en charge en application de l'article 13.1 du règlement précité ont accepté cette réadmission le 10 mai 2017. Par un arrêté du 13 octobre 2017, le préfet de la Haute-Vienne a décidé la remise de M. B...aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile, et a, par un second arrêté daté du même jour, ordonné l'assignation à résidence de l'intéressé pour une durée de 45 jours. M. B...relève appel du jugement du 16 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la légalité de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :

2. M. B...ne conteste plus en appel que les autorités italiennes étaient responsables de l'examen de sa demande d'asile en application de l'article 13.1 du règlement 604/2013 susvisé.

3. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants "

4. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

5. Si M. B...soutient qu'il existe une incapacité des institutions italiennes à traiter les demandeurs d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile en raison de l'afflux très important de demandeurs d'asile, il n'établit pas que la situation générale dans ce pays, vers lequel la commission de l'Union européenne n'a pas suspendu les transferts des demandeurs d'une protection internationale dans le cadre du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, malgré les difficultés auxquelles cet Etat se trouve actuellement confronté, ne permettrait pas d'assurer un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ni que ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. M. B...ne peut utilement soutenir à l'encontre de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne décidant de sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile qu'il risque d'être persécuté dans son pays d'origine, dès lors que cet arrêté n'a pas pour objet ni pour effet de l'éloigner à destination du Soudan.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté prononçant la remise aux autorités italiennes de M. B...doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 13 octobre 2017 du préfet de la Haute-Vienne. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 mars 2018.

Le rapporteur,

Marianne Pouget

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 15BX03587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03587
Date de la décision : 02/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : TOULOUSE ARNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-02;17bx03587 ?
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