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02/03/2018 | FRANCE | N°17BX03581

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 02 mars 2018, 17BX03581


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Indre a décidé son transfert auprès des autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que la décision du préfet du 10 octobre 2017 l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1701411 et 1710412 du 13 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 17 novembre 2017, M.D..., représenté par Me C..., demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2017 par lequel le préfet de l'Indre a décidé son transfert auprès des autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que la décision du préfet du 10 octobre 2017 l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1701411 et 1710412 du 13 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2017, M.D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2017 ainsi que les décisions du préfet de l'Indre du 9 et 10 octobre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de transfert :

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles 22 et 29 du règlement communautaire du 26 juin 2013 : le préfet ne justifie pas de la date d'envoi de la demande de transfert aux autorités italiennes, de sorte qu'aucune décision implicite n'a été rendue par ses autorités ;

- elle méconnaît également les dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de ce demandeur qui a fui son pays d'origine en raison des persécutions qu'il subissait du fait de sa religion (copte) ; il a souhaité déposer une demande d'asile en France et s'est bien intégré depuis son arrivée il y a plus de 18 mois ; en outre, son état de santé nécessite une prise en charge psychologique à laquelle il n'aura pas accès en Italie ;

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes ;

- elle est, en outre, entachée d'erreur de fait et d'appréciation dès lors qu'il a été hébergé dans un centre d'accueil et d'orientation (CAO) à Argenton-sur-Creuse puis dans un centre d'hébergement situé à Bourges à compter du 13 septembre 2017, avant que M. E...et Mme B...ne proposent de l'héberger et de l'aider dans ses démarches en vue de faciliter son insertion ; ce changement d'adresse a été signalé au préfet et il s'est toujours tenu à la disposition des autorités préfectorales ; la réalité de cet hébergement n'a d'ailleurs pas été contestée par le préfet qui, en revanche, a considéré, à tort, qu'il n'était pas pérenne, et a précisé que sa résidence était établie à l'hôtel Brogard de Châteauroux.

Par un mémoire enregistré le 19 janvier 2018, le préfet de l'Indre conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et précise que :

- la demande de prise en charge aux autorités italiennes et le constat d'accord implicite sont conformes à la règlementation : la référence " Dublin " de ce demandeur, sur les copies de messages électroniques produits, est identique ;

- la décision d'assignation à résidence dans le département de l'Indre, notifiée le même jour, ne tient pas compte d'un certificat d'accueil chez M. E...dans ce département dès lors qu'il était daté de quelques jours auparavant, alors que le demandeur avait déjà précédemment quitté un autre établissement d'hébergement.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- Le rapport de Mme Sylvande Perdu, rapporteur,

- et les observations de MeC..., représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant égyptien né le 22 juin 1997, est entré irrégulièrement en France le 14 avril 2016, selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile le 8 décembre 2016. Par deux arrêtés en date du 9 et du 10 octobre 2017, le préfet de l'Indre a décidé la remise de M. D...aux autorités italiennes désignées responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'a assigné à résidence dans ce département. Par un jugement du 13 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté les requêtes n° 1701411 et n° 1701412 formées par M. D...à l'encontre de ces décisions. M. D...interjette appel de ce jugement.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. D... a obtenu l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 11 janvier 2018. Par suite, ses conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont dépourvues d'objet.

Sur la légalité des arrêtés contestés :

En ce qui concerne la décision désignant les autorités italiennes responsables de l'examen de la demande d'asile :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". Aux termes, par ailleurs, de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013: " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) no 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. ". Aux termes, en outre, de l'article 22 du même règlement n° 604/2013 : " Réponse à une requête aux fins de prise en charge/ 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ". Aux termes, enfin, de l'article 29 de ce même règlement : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18 paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant (...) dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée (...). 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois maximum si la personne concernée prend la fuite " ;

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D...a déposé une demande d'asile à Paris le 8 décembre 2016 et qu'une convocation lui a été remise pour sa présentation au guichet unique des demandeurs d'asile de Bobigny le 5 janvier 2017. Il a ensuite été hébergé au centre d'accueil et d'orientation (CAO) d'Argenton-sur-Creuse à compter du 21 décembre 2016 et a été de nouveau convoqué auprès de la préfecture du Loiret le 26 janvier 2017 pour instruction de sa demande. A la suite du relevé des empreintes de M. D...effectué le 26 janvier 2017, la consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient été relevées en l'Italie le 1er mai 2016, lors du franchissement irrégulier de la frontière de cet Etat. Les autorités italiennes ont été saisies le 14 février 2017 d'une demande de prise en charge de ce demandeur d'asile et le préfet de l'Indre a considéré qu'en application des dispositions précitées de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, elles avaient implicitement accepté leur responsabilité dans l'examen de la demande d'asile de M.D....

5. En appel, M. D...soutient que le préfet n'établit pas que la demande de prise en charge adressée aux autorités italiennes a été implicitement acceptée, de sorte que le préfet ne pouvait désigner l'Italie comme Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il ressort cependant des pièces produites par le préfet en première instance, qu'un formulaire de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, dûment renseigné d'informations spécifiques à la situation de M.D..., a été adressé aux autorités italiennes le 14 février 2017. Ainsi, en application des dispositions précitées du règlement (UE) n° 604/2013, le silence gardé par les autorités italiennes sur la demande de prise en charge de M. D...présentée le 14 février 2017 par l'administration française a fait naître une décision implicite d'acceptation le 14 avril 2017, et non le 14 mars 2017 comme indiqué par erreur dans l'arrêté en litige. Ainsi, le préfet n'a pas méconnu les dispositions des articles 22 et 29 du règlement (UE) n° 604/2014 du 26 juin 2013.

6. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement / (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par les dispositions précitées, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet de l'Indre a examiné la situation de M. D...au regard de ces dispositions. En outre, si M.D..., de religion copte, fait valoir qu'en raison des persécutions qu'il a subies en Egypte, il a besoin de soins psychologiques, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier, célibataire et sans enfant, justifie d'une vie privée et familiale en France d'une particulière intensité, d'une réelle intégration sociale dans ce pays, que son état de santé l'empêcherait de voyager vers l'Italie ou que ce pays ne serait pas en mesure de lui dispenser les soins psychologiques dont il a besoin en se bornant à produire des extraits d'un rapport établi par une organisation d'aide aux réfugiés sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie faisant état de difficultés pour accéder aux soins.

8. Dans ces conditions, M. D...ne justifie pas de raisons humanitaires permettant d'estimer qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre la faculté discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement susvisé, le préfet se serait livré à une appréciation manifestement erronée de sa situation.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

9. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ".

10. En premier lieu, l'illégalité de l'arrêté désignant les autorités italiennes responsables de sa demande d'asile n'étant pas établie, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision l'assignant à résidence serait dépourvue de base légale.

11. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'afin de mettre en oeuvre la mesure de remise de M. D...aux autorités italiennes qui ne pouvait être exécutée immédiatement, le préfet de l'Indre a assigné l'intéressé à résidence, dans le département de l'Indre, en lui faisant obligation de se présenter tous les jours au commissariat de Châteauroux, et en lui interdisant de quitter le département sans autorisation.

12. La circonstance que M. D...habiterait chez M. E...et MmeB..., dans le département de l'Indre, et non comme précisé dans la décision attaquée dans un hôtel à Chateauroux, ne suffit pas à établir que l'arrêté est illégal dès lors que l'appelant ne justifie pas ni même n'allègue être dans l'impossibilité de respecter les obligations figurant dans ladite assignation compte tenu du lieu effectif de sa résidence dans le département.

13. Il résulte de tout ce qu'il précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges, a rejeté ses demandes. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. D...tendant à obtenir l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. D...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M . Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique le 2 mars 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX03581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03581
Date de la décision : 02/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : AVELIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-02;17bx03581 ?
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