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15/02/2018 | FRANCE | N°17BX03252

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 15 février 2018, 17BX03252


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...se disant Dimas E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2017 par lequel le préfet de la Corrèze l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et six mois.

Par une ordonnance n° 1704124 du 25 septembre 2017, le magistrat désign

é par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...se disant Dimas E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2017 par lequel le préfet de la Corrèze l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et six mois.

Par une ordonnance n° 1704124 du 25 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2017, M. E..., représenté par

MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 25 septembre 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions contenues à l'arrêté du 12 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'effacer la mention de son nom sur le système SIS ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'ordonnance est entachée d'irrégularité dans la mesure où son recours était recevable, les conditions de notification de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai en détention faisant obstacle à ce que le délai de 48 heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile commence à courir, la charge de la preuve de ce qu'il aurait été mis matériellement en mesure de présenter un recours avant l'expiration du délai de recours contentieux incombant, contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, au préfet ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence en l'absence de délégation et d'erreur de droit dès lors que le préfet de la Corrèze s'est fondé sur l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il est ressortissant de l'Union européenne ;

- la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire est pour les mêmes raisons entachée d'erreur de droit et méconnait les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sur laquelle elle se fonde ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet aurait dû prendre, en application des dispositions de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une interdiction de circulation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2017, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de première instance était tardive ;

- les autres moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 décembre 2017.

M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...se disant DimasE..., déclarant être né le 12 septembre 1979 à Krievs (Lettonie) et être de nationalité lettone, alias F...D...né le 12 septembre 1979 à Soukhoumi (Géorgie), de nationalité géorgienne, était détenu au centre de détention d'Uzerche, lorsqu'il s'est vu notifier un arrêté du 12 septembre 2017 par lequel le préfet de la Corrèze l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et six mois. Par une décision

du 21 septembre 2017, il a été placé en rétention. Il relève appel de l'ordonnance

du 25 septembre 2017 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2017.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes du II de l'article L. 512-1 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivants sa notification administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) ". Aux termes de l'article L. 512-2 du même code : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1 ".

3. Lorsque les conditions de la notification à un étranger en détention d'une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai portent atteinte à son droit à un recours effectif en ne le mettant pas en mesure d'avertir, dans les meilleurs délais, un conseil, son consulat ou une personne de son choix, elles font obstacle à ce que le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile commence à courir.

4. Il ressort des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a été notifiée à M. A... se disant E...alors qu'il se trouvait incarcéré au centre de détention d'Uzerche

le 12 septembre 2017 à 11 heures 05. L'appelant soutient toutefois qu'il n'a pu disposer d'un téléphone, ni d'une télécopie au sein du centre de détention, le mettant en mesure d'avertir dans les meilleurs délais un avocat ou une personne de son choix, de sorte qu'il n'a pu former un recours dans le délai de quarante huit heures imparti par les dispositions précitées de

l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le préfet de la Corrèze fait valoir que l'arrêté contesté a été notifié à l'appelant par le truchement d'un interprète, cette circonstance n'est pas de nature à démontrer qu'eu égard aux conditions offertes aux personnes détenues au centre de détention d'Uzerche, M. A...se disant E...aurait pu exercer effectivement son droit au recours avant l'expiration du délai requis. Dans ces conditions, le délai de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvait lui être opposé. Par suite, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2017, dont il avait saisi le tribunal administratif de Bordeaux par une requête enregistrée au greffe le 23 septembre 2017, n'était pas tardive. M. A...se disant E...est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme irrecevable. Il s'ensuit que l'ordonnance du 25 septembre 2017 doit être annulée.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. A...se disant E...devant le tribunal administratif de Bordeaux à l'encontre de l'arrêté du 12 septembre 2017 et sur ses conclusions présentées devant la cour.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2017 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

6. Par arrêté du 18 octobre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, du 20 octobre 2016, le préfet de Corrèze a donné à M. Eric Zabouraeff, secrétaire général de la préfecture, délégation à effet de signer, notamment, les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris par une autorité incompétente manque en fait.

7. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de

l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

8. Si M. A...se disant E...se prévaut de la nationalité lettone, qui ferait obstacle à ce que le préfet de la Corrèze fonde l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre sur les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne conteste pas sérieusement que la carte d'identité au nom de Dimas E...constitue un faux document d'identité, ainsi qu'en attestent les services de l'ambassade de Lettonie en France, ni que sous l'alias D...F..., de nationalité géorgienne, il avait présenté à son arrivée en France, en 2005, une demande d'asile, rejetée par décision

du 15 septembre 2005 de l'Office français de protection des réfugiées et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 mars 2006. M. A...se disantE..., aliasD..., se trouvait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 6° du I de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit par suite être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...)3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ".

10. Il résulte de ce qui précède que M. A...se disant E...n'établit pas qu'il serait un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne auquel les dispositions précitées seraient inapplicables. Il ne peut utilement soutenir que la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire méconnaîtrait ainsi les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Aucun des moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est fondé. Dès lors, M. A...se disant E...ne peut exciper de l'illégalité de cette décision pour contester celle fixant le pays de destination.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour :

12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. ".

13. Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent d'assortir une obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre d'un ressortissant communautaire d'une interdiction de circulation et non de retour ne sauraient être utilement invoquées par

M. A...se disantE..., compte tenu de sa nationalité géorgienne.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...se disant E...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral en date du 12 septembre 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Le présent arrêt qui rejette les conclusions de M. A...se disant E...tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, et notamment de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction tendant à ce que le préfet efface la mention de son nom sur le système SIS ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...se disant E...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 25 septembre 2017 est annulée.

Article 2 : La demande de M. A... se disant E...présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... se disant DimasE..., au préfet de la Corrèze et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 février 2018.

Le rapporteur,

Aurélie B...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX03252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03252
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : FOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-15;17bx03252 ?
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