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15/02/2018 | FRANCE | N°17BX02665

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 15 février 2018, 17BX02665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1605376 du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2017, M.A..., représenté par MeB..

., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1605376 du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2017, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 juin 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte

de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme

de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en méconnaissance de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 47 du code civil et de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait au titre de l'article

L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 47 du code civil et de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît dès lors les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît dès lors les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur de fait en ce que le préfet énonce qu'il ne dispose pas de garanties de représentation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 18 octobre 2017.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 12 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., de nationalité guinéenne, est entré en France, selon ses déclarations,

le 3 mars 2015 à l'âge de 17 ans. Le 11 mars 2016, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en France en qualité de mineur isolé pris en charge par l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 10 novembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement

du 2 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la légalité de la décision attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que: " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document aurait un caractère frauduleux.

4. Pour refuser à M. A...la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de

la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur ce que l'intéressé ne pouvait justifier " ni avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de ses 16 ans et l'âge de 18 ans, ni avoir déposé sa demande dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ", l'acte de naissance présenté à l'appui de sa demande étant un faux. M. A...se prévaut, pour la première fois en appel, d'un jugement supplétif d'acte de naissance en date du 15 juin 2017 ainsi que de l'extrait d'acte de naissance établi sur le fondement de ce jugement, légalisés par les autorités guinéennes, selon lesquels il est né le 10 novembre 1997. Si ces documents ont été établis postérieurement à l'arrêté contesté, ils révèlent une situation qui lui est antérieure et doivent donc être pris en compte pour en apprécier la légalité. Dans ces conditions, et alors que le préfet ne conteste pas sérieusement l'authenticité de ce document, l'appelant doit être regardé comme établissant sa date de naissance le 10 novembre 1997. Dans ces conditions, M.A..., entré en France en mars 2015 et placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de Toulouse en qualité de mineur isolé doit être regardé comme ayant été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et pouvait, dès lors, solliciter la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que, depuis le mois de

septembre 2015, M. A...suivait une scolarité à l'issue de laquelle il a d'ailleurs obtenu le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " Préparation et réalisation d'ouvrages électriques " en juin 2017. Les attestations versées au dossier, émanant des établissements scolaires et de l'équipe éducative révèlent que M. A...s'est toujours investi dans sa formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, a constamment fait preuve de sérieux et a obtenu de très bons résultats scolaires. La note sociale produite témoigne également que l'appelant a fait preuve d'une réelle volonté d'intégration dans la société française. Enfin, il n'est pas établi ni même allégué que sa présence constituerait une menace pour l'ordre public, ni qu'il entretiendrait des rapports avec sa famille restée au pays.

6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de renvoi, et à demander l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions en injonction :

7. L'annulation prononcée ci-dessus du refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'implique pas, eu égard au fait que le titre prévu par ces dispositions est délivré dans l'année qui suit le dix-huitième anniversaire de l'intéressé, la délivrance, à la date à laquelle la cour statue, d'un tel titre à l'appelant. Il y a lieu, dans ces conditions, d'enjoindre seulement au

préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

8. M. A...étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, son avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, l'État versera, en application de ces dispositions, la somme

de 1 500 euros à MeB..., sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 juin 2017 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté

du 10 novembre 2016 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation

de M. A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : En application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'État versera la somme de 1 500 euros à MeB..., sous réserve que ce dernier renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me E...B.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 février 2018

Le rapporteur,

Aurélie C...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02665
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-15;17bx02665 ?
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