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18/01/2018 | FRANCE | N°17BX02893

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 18 janvier 2018, 17BX02893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 5 février 2015 par laquelle le préfet de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son neveu.

Par un jugement n° 1500855 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2017, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'a

nnuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 5 février 2015 par laquelle le préfet de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son neveu.

Par un jugement n° 1500855 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2017, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 5 février 2015 du préfet de la Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer l'autorisation de regroupement familial sollicitée ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente dès lors que la délégation dont bénéficiait son signataire était extrêmement large et ne permettait pas de déterminer s'il était habilité à signer un refus de regroupement familial ;

- elle est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; le préfet n'a pas visé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas porté d'appréciation sur les conséquences de cette décision sur sa vie privée et familiale ;

- la décision est ainsi entachée d'un défaut d'examen circonstancié de sa situation ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée ;

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine pour avis du maire de sa commune de résidence ;

- elle a été édictée en méconnaissance de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle dispose de ressources stables depuis plus de cinq ans ; ses revenus professionnels cumulés avec la pension de réversion de son époux atteignent un montant mensuel global de 850 euros au titre de l'année 2013 et de 860 euros pour l'année 2014 ; ses ressources ont favorablement évolué puisqu'elles s'élèvent en 2017 à 1 050 euros mensuels ; par ailleurs, il appartenait au préfet de prendre en compte l'ensemble de sa situation ; elle réside en France depuis onze ans, elle est en possession d'un certificat de résidence de dix ans et justifie d'une bonne insertion professionnelle, comme en témoigne le fait qu'elle travaille pour le même employeur depuis 2010 ;

- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention signée à New York le 26 janvier 1990 ; les démarches qu'elle a initiées à partir du mois d'octobre 2007 concernant son neveu ont abouti le 25 janvier 2008 à une décision de kafala par laquelle elle s'est vue confier la responsabilité de prendre en charge ce dernier, ses propres parents ne pouvant assurer sa subsistance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2017, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête de Mme B...et soutient que les moyens qu'elle soulève ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 23 novembre 2017 à 12 heures.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Sabrina Ladoire a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante marocaine, est entrée en France le 25 janvier 2004 dans le cadre du regroupement familial demandé par son époux, avec un passeport revêtu d'un visa Schengen. Titulaire d'une carte de résident valable du 17 février 2005 au 16 février 2015, elle a sollicité, le 15 septembre 2014, le bénéficie du regroupement familial au profit de son neveu, qu'elle a recueilli par acte de kafala. Par une décision du 5 février 2015, le préfet de la Vienne a refusé de lui accorder le regroupement familial demandé au motif que ses revenus étaient insuffisants. Mme B...relève appel du jugement du 20 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix huit ans. ". Selon l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants: / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) ; 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; (...) ; 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. ". En vertu des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ";

3. Si l'autorité administrative peut légalement rejeter une demande de regroupement familial sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé ne remplirait pas l'une ou l'autre des conditions légales requises, notamment dans le cas de ressources insuffisantes du demandeur pendant la période de référence d'un an ayant précédé sa demande, elle ne peut le faire qu'après avoir vérifié que, ce faisant, elle ne porte pas une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par MmeB..., le préfet de la Vienne s'est borné à relever, dans la décision en litige, que les ressources de l'intéressée étaient insuffisantes, et n'a pas visé l'article 8 de la convention précitée ni mentionné d'éléments circonstanciés tenant à la situation familiale de l'intéressée. Ainsi, en ne recherchant pas si cette décision ne portait pas atteinte, à la date à laquelle elle a été prise, au droit au respect de la vie privée et familiale de MmeB..., le préfet a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Le motif d'annulation retenu par le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet délivre à Mme B...l'autorisation de regroupement familial sollicitée mais seulement qu'il réexamine sa demande. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Vienne de réexaminer la demande de Mme B...dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à ce dernier.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500855 du 20 juin 2017 du tribunal administratif de Poitiers et la décision du préfet de la Vienne du 5 février 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme B...tendant au bénéfice du regroupement familial au profit de son neveu, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me C...en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouseB..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à Me C...et au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 janvier 2018.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Laurent POUGETLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02893
Date de la décision : 18/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-01-18;17bx02893 ?
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