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18/01/2018 | FRANCE | N°16BX01906

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 18 janvier 2018, 16BX01906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 3 février 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a maintenu son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés.

Par un jugement n° 1500962 du 2 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2016, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce

jugement du tribunal administratif de Pau du 2 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision contestée du 3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 3 février 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a maintenu son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés.

Par un jugement n° 1500962 du 2 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2016, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 2 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision contestée du 3 février 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- il n'est pas établi que la commission locale chargée de rendre un avis sur le maintien de son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés aurait été régulièrement composée ; cette commission n'a par ailleurs pas tenu compte, pour rendre son avis, de l'évolution de son comportement ;

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable et mal fondée.

Par ordonnance du 7 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 février 2017 à 12h00.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- la circulaire du 15 octobre 2012 relative à l'instruction ministérielle relative au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS), publiée au bulletin officiel du ministère de la Justice n° 2012-10 du 31 octobre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., incarcéré depuis le 14 janvier 2008 au centre pénitentiaire de Lannemezan, relève appel du jugement du 2 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 février 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a, après avis de la commission locale des détenus particulièrement signalés (DPS), décidé le maintien de son inscription sur le répertoire des détenus particulièrement signalés.

Sur la légalité de la décision :

2. En premier lieu, à supposer qu'eu égard à sa nature et à ses effets, la décision par laquelle le garde des sceaux inscrit un détenu sur le répertoire des détenus particulièrement signalés entre dans l'une des catégories de décisions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, la décision litigieuse doit en l'espèce, en tout état de cause, être regardée comme suffisamment motivée en droit comme en fait. En effet, elle vise l'article D. 276-1 du code de procédure pénale ainsi que la circulaire du 15 octobre 2012 relative au répertoire des détenus particulièrement signalés et indique, d'une part, que M. C... appartient de longue date à un réseau de criminalité organisée, dès lors qu'il a fait l'objet de deux condamnations, respectivement à douze ans de réclusion criminelle et à dix ans d'emprisonnement, pour des faits, commis en récidive, de vol avec arme et association de malfaiteurs et qu'il effectue une peine de vingt ans de réclusion criminelle pour des faits de vol avec arme en récidive, et d'autre part, qu'une telle appartenance est de nature à lui permettre de bénéficier des soutiens logistique et financier nécessaires à une tentative d'évasion, que la date d'expiration de sa peine est éloignée et qu'un trouble grave à l'ordre public résulterait de son évasion.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1.1.2 de la circulaire susvisée du 15 octobre 2012, relatif à la procédure d'inscription ou de maintien au répertoire DPS: " (...) 1.1.2.3 La mise en oeuvre de la procédure contradictoire / la procédure contradictoire doit permettre à la personne détenue de faire valoir ses observations mais aussi d'être informée sur les conséquences d'une inscription ou d'un maintien au répertoire des DPS (...). Lorsque la commission émet un avis d'inscription ou de maintien au répertoire des DPS, le débat contradictoire doit avoir lieu. (...) Préalablement au débat contradictoire, le chef d'établissement informe la personne détenue des motifs qui fondent la proposition d'inscription ou de maintien. (...) La personne détenue peut formuler des observations écrites et/ou orales. Dans l'hypothèse ou la personne détenue souhaite présenter des observations orales, il appartiendra au chef d'établissement (...) de la convoquer et de la recevoir en audience, au cours de laquelle elle peut être assistée d'un avocat (...). Dans tous les cas, le respect de la procédure contradictoire impose que la personne détenue dispose d'un délai suffisant pour préparer ses observations. Il est souhaitable que ce délai soit dans la mesure du possible d'au moins huit jours. (...). ".

4. M. C..., qui soutient que le principe du contradictoire aurait été méconnu au cours de la procédure ayant conduit à l'adoption de la décision en litige, doit être regardé comme se prévalant des dispositions précitées de l'article 1.1.2 de la circulaire du 15 octobre 2012. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'émission de l'avis de la commission locale DPS, M. C... a été informé de la mesure envisagée et de son motif, ainsi que de la possibilité dont il disposait de présenter des observations écrites et sur sa demande, des observations orales, qu'il a expressément indiqué qu'il ne souhaitait pas présenter d'observations, et qu'à l'occasion de la remise des pièces de son dossier, le 16 décembre 2014, il a de nouveau décliné l'offre de débat contradictoire. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 1.1.1 de la circulaire ministérielle du 15 octobre 2012 susvisée : " Les critères d'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés sont liés au risque d'évasion et à l'intensité de l'atteinte à l'ordre public que celle-ci pourrait engendrer ainsi qu'au comportement particulièrement violent en détention de certains détenus./ Les personnes détenues susceptibles d'être inscrites au répertoire des DPS sont celles : 1) appartenant à la criminalité organisée locale, régionale, nationale ou internationale (...), appartenance établie par la situation pénale (...) ; 3) susceptibles de mobiliser les moyens logistiques extérieurs d'organisations criminelles nationales (...) ; 4) dont l'évasion pourrait avoir un impact important sur l'ordre public en raison de leur personnalité et/ou des faits pour lesquels elles sont écroués ; (...) ".

6. Le maintien de l'inscription M. C... au registre des détenus particulièrement signalés a été décidé par le ministre de la justice, compte tenu de son ancienne appartenance à la criminalité organisée du sud de la France, au sein de la " Bande de Gardanne ", des soutiens extérieurs dont il serait susceptible de bénéficier dans la perspective d'une tentative d'évasion, de la durée de la peine qui lui a été infligée en dernier lieu et du grave trouble à l'ordre public qui résulterait d'une évasion. Si l'intéressé fait valoir qu'il a cessé d'appartenir à toute criminalité organisée depuis son incarcération, en 2008, et qu'il n'a jamais organisé de tentative d'évasion depuis cette date, ni n'a été mis en cause dans une telle tentative, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que, depuis son incarcération, M. C..., aurait entendu rompre tout lien avec la criminalité organisée et qu'il ne disposerait pas de soutiens extérieurs. M. C... soutient par ailleurs que sa fiche pénale ne ferait mention d'aucune condamnation antérieure à celle pour laquelle il est actuellement incarcéré. Néanmoins, le motif de sa dernière condamnation à une peine de réclusion d'une durée de vingt ans est le vol avec arme en récidive, ce qui permet de conclure qu'il avait d'ores et déjà été condamné pour des faits similaires. Par suite, les liens de M. C... avec une organisation criminelle régionale, dont l'intéressé admet d'ailleurs qu'ils ont existé jusqu'à son incarcération, sont de nature à établir l'existence du risque d'évasion allégué par le ministre de la justice, une évasion qui, si elle devait se produire, ne pourrait qu'avoir un impact important sur l'ordre public, au regard de la nature et de la gravité des faits à l'origine de sa condamnation. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaîtrait les dispositions précitées de la circulaire ministérielle du 15 octobre 2012 doivent être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 3 février 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a maintenu son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 janvier 2018.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIERLe président,

Laurent POUGET Le greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX01906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01906
Date de la décision : 18/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative - Régularité.

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative - Bien-fondé.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : OUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-01-18;16bx01906 ?
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