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09/01/2018 | FRANCE | N°17BX03126

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 09 janvier 2018, 17BX03126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 juillet 2017 par lequel le préfet de la Vienne a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1701795 du 18 août 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 septembre et 17 novembre 2017, M. A..., représenté

par MeB..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 juillet 2017 par lequel le préfet de la Vienne a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1701795 du 18 août 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 septembre et 17 novembre 2017, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 août 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 juillet 2017 du préfet de la Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un récépissé de demande d'asile dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou subsidiairement de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur le jugement attaqué, il soutient que :

- le magistrat désigné a omis de statuer sur le défaut de notification de la décision contestée dans une langue qu'il comprend ;

Sur la décision contestée, il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé sur les critères de détermination de l'Etat responsable ;

- il n'a pas reçu notification de l'arrêté contesté dans une langue qu'il comprend, en violation des dispositions de l'article 26 du règlement européen dit Dublin III ;

- il n'a pas eu connaissance, dans une langue qu'il comprend, de l'ensemble des informations prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'a pas reçu l'information spécifique sur le relevé d'empreintes, en violation de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet ne produit aucun élément permettant de justifier que la personne ayant effectué la traduction remplisse la condition d'interprète au sens des dispositions de l'article L. 111-8 du le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'attestation de l'interprète est dépourvue d'information quant à son identité ;

- l'arrêté ne comporte aucune information sur le transfert de responsabilité en cas d'inexécution de la remise aux autorités allemandes ;

- l'Allemagne n'est pas nécessairement responsable de sa demande d'asile ; le préfet n'apporte pas la preuve de l'accord explicite des autorités allemandes pour son transfert vers celles-ci :

- le préfet n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté fondamentale que constitue le droit d'asile ;

- il ne pourrait pas être transféré en Allemagne en raison de son état de santé ;

- il ne peut retourner dans son pays d'origine où il est directement et personnellement menacé de mort.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2017, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance en date du 17 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 27 novembre 2017 à 12:00.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

-le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013;

- le code des relations entre le public et 1'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant afghan né le 7 novembre 1991, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 6 mars 2017. Le 29 mars 2017, il a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture de la Vienne. Le 18 mai 2017, le préfet de la Vienne a adressé aux autorités allemandes une demande de reprise en charge de M. A...en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013. Par un arrêté du 12 juillet 2017, le préfet a prononcé le transfert vers l'Allemagne de M.A.... Ce dernier relève appel du jugement du 18 août 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. M. A...soutient que le magistrat désigné a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de notification de l'arrêté contesté dans une langue qu'il comprend. Il ressort toutefois de ses écritures de première instance que M. A...n'a pas soulevé ce moyen. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 juillet 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

S'agissant du droit à l'information :

3. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite (...) dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) / d) de la possibilité de contester une décision de transfert (...) / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien (...)".

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile en France le 29 mars 2017, M. A...s'est vu remettre le guide du demandeur d'asile l'informant des étapes de la procédure de remise des demandeurs d'asile résultant du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que les différentes brochures d'informations relatives à ce même règlement, y compris celle relative à l'information spécifique sur le relevé d'empreintes. M. A...doit être regardé comme ayant pris connaissance des informations contenues dans ces documents sur lesquels il a apposé sa signature. Si M. A...soutient qu'il n'a pas été en mesure de comprendre ces informations rédigées en langue persane, il ressort des pièces du dossier qu'il s'exprime en langue dari, laquelle constitue le persan parlé en Afghanistan, pays dont il est originaire. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les informations qui lui ont été communiquées étaient rédigées dans une langue qu'il ne comprenait pas.

6. M. A...a bénéficié en préfecture, le 29 mars 2017, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. S'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'identité de l'interprète en langue persane qui a assisté M. A...au cours de l'entretien était connue, cette seule circonstance n'est pas de nature à vicier la procédure suivie dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les propos échangés lors de l'entretien auraient fait l'objet d'une traduction erronée. Au cours de l'entretien, M. A...a été informé qu'il relevait de la procédure dite " Dublin ", en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'il ferait l'objet d'une mesure de réadmission vers l'Allemagne, responsable de l'examen de sa demande d'asile au regard des critères définis par le règlement du 26 juin 2013.

7. Il résulte de ce qui précède que la décision en litige est intervenue sans que le droit à l'information de M. A...ait été méconnu

S'agissant de la motivation :

8. L'arrêté préfectoral contesté vise les dispositions de droit international et de droit interne dont il fait application, notamment le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, dit " Dublin III ". En particulier, l'arrêté se réfère dans ses motifs aux articles du règlement du 26 juin 2013 dont il fait application, notamment l'article 18. Par ailleurs, l'arrêté contesté précise que " l'intéressé s'est présenté le 29 mars 2017 au guichet unique des demandeurs d'asile de la préfecture de la Vienne afin de déposer une demande d'asile ; que lors du dépôt de sa demande, ses empreintes ont été relevées ; que la comparaison des empreintes de l'intéressé avec la base de données EURODAC a fait apparaître qu'il était connu ... dans la mesure où ses empreintes digitales ont été saisies par les autorités allemandes le 17 novembre 2015 lors du dépôt d'une demande d'asile ". Par suite, l'arrêté comporte un énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui le fondent, y compris en ce qui concerne l'exposition des critères de détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile. Le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté doit ainsi être écarté.

S'agissant de l'information à l'occasion de la notification de la décision de remise :

9. Aux termes l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur (...) l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable (...) 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles (...) et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en oeuvre du transfert (...). 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ". Aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été notifié à M. A...dans une langue qu'il ne comprend pas. Toutefois, le fait que M. A...ait saisi, dans le délai de recours, le tribunal administratif d'une demande d'annulation de l'arrêté prononçant sa réadmission révèle qu'il a eu connaissance du contenu et de la portée de cette décision. Dans ces conditions, la notification par voie postale effectuée par le préfet n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, privé M. A...d'une garantie de procédure et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 26 règlement n° 604/2013 et des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant de la détermination de l'Etat membre responsable de la demande de protection internationale :

11. En vertu de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger demandeur d'asile peut être refusée et son transfert décidé si l'examen de sa demande de protection internationale relève de la compétence d'un autre État en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ce règlement pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul État membre. Cet État est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. Aux termes du 1 de l'article 13 de ce règlement, inclus dans ce chapitre III : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, ", lequel institue le système Eurodac de comparaison des empreintes digitales, " que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ".

12. Il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées sur le fichier européen EURODAC à partir du relevé décadactylaire de M. A...ont permis de constater que les empreintes de ce dernier sont identiques à celles relevées le 17 novembre 2015 après son entrée en Allemagne. Au regard de cet élément, le préfet de la Vienne a pu légalement considérer que l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A...est l'Allemagne. Pour ce motif, le préfet a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge de M. A...le 18 mai 2017. Et à supposer que ces autorités n'aient pas répondu explicitement à cette demande, leur silence aurait fait naître une décision implicite d'acceptation en application du l'article 22.7 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté préfectoral en litige a été pris sans l'accord de l'Etat membre requis.

S'agissant de la cessation de l'obligation de reprise en charge par l'Etat requis:

13. En premier lieu, le paragraphe 2 de l'article 7 du règlement du 26 juin 2013 prévoit que : " la détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre ". En vertu du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement précité : " Lorsqu'il est établi (...) que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ".

14. Il résulte clairement de ces dispositions que la détermination de l'Etat membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date. Il résulte également de la combinaison des dispositions précitées, que les critères prévus à l'article 13 du règlement ne sont susceptibles de s'appliquer que lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente une demande d'asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l'un ou l'autre des Etats membres et qu'en particulier, les dispositions de cet article ne s'appliquent pas lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente, fût-ce pour la première fois, une demande d'asile dans un Etat membre après avoir déposé une demande d'asile dans un autre Etat membre, que cette dernière ait été rejetée ou soit encore en cours d'instruction.

15. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré irrégulièrement en Allemagne le 11 novembre 2015 où il a déposé une demande d'asile le 17 novembre 2015. Par suite, les critères énoncés par l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 n'étaient pas applicables à la demande d'asile que l'intéressé a ensuite déposée en France le 29 mars 2017 dès lors qu'elle ne constituait pas une première demande d'asile présentée sur le territoire de l'Union Européenne. En conséquence, et alors qu'au demeurant aucun élément du dossier n'établit que l'Allemagne aurait déjà statué sur la demande d'asile du requérant, ce dernier Etat est responsable de l'examen de la demande de protection internationale présentée par M. A.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 ne peut être utilement invoqué à l'encontre de l'arrêté préfectoral contesté.

16. En second lieu, aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 23 juin 2013 : " (...) 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable (...) et qu'il est établi (...) que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres (...) a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale /. Si le demandeur a séjourné dans plusieurs États membres pendant des périodes d'au moins cinq mois, l'État membre du dernier séjour est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. "

17. Comme dit au point 12, l'Allemagne est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale présentée par M.A.... Par suite, ce dernier ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 qui ne trouvent à s'appliquer que lorsqu'un Etat membre n'est pas ou n'est plus responsable de l'examen de la demande. Au surplus, M. A...n'est entré en France que le 6 mars 2017 et a déposé sa demande d'asile le 27 mars suivant, de sorte qu'il ne justifiait pas avoir séjourné en France pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 13 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.

S'agissant des autres moyens :

18. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. A... présentait un degré de gravité tel que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle n'a pas fait application de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du Règlement (UE) n° 604/2013. Au surplus, les dispositions des articles 31 et 32 du règlement (UE) du 26 juin 2013 organisent entre l'Etat requérant et l'Etat requis un échange d'informations destiné à assurer la prise en charge d'un étranger malade.

19. En deuxième lieu, M. A...est entré très récemment en France où il ne peut se prévaloir d'aucun lien personnel et familial de nature particulière. Par suite, l'arrêté en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

20. En troisième lieu, la décision contestée a seulement pour objet de transférer M. A... en Allemagne afin qu'il soit statué sur sa demande d'asile. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que cette décision méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques auxquels il serait exposé dans son pays d'origine.

21. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet de la Vienne n'a pas porté atteinte au droit d'asile de M.A....

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de réadmission du 12 juillet 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à MeB.... Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 janvier 2018.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°17BX03126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03126
Date de la décision : 09/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : BONNEAU CELINE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-01-09;17bx03126 ?
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