Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune d'Asasp-Arros a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, de condamner solidairement la société Tennis Aquitaine et la société mutuelle assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABPT) à lui verser solidairement la somme de 37 123 euros au titre des travaux de remise en état du sol de la salle polyvalente de la commune consécutifs aux désordres et malfaçons constatés, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre des troubles de jouissance subis depuis plusieurs années et, d'autre part, de mettre à la charge solidairement des défendeurs les entiers dépens comprenant les frais d'expertise engagés pour un montant de 7 629,17 euros et la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts.
Par un jugement n° 1302002 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Pau a condamné la société Tennis Aquitaine à verser à la commune d'Asasp-Arros la somme de 43 176,10 euros, sous déduction de la provision que la société a été condamnée à payer à cette dernière par ordonnance en date du 14 novembre 2014 du juge du référé administratif et a rejeté le surplus des conclusions de la commune dirigées contre la société.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2015, et des pièces et un mémoire complémentaires, enregistrés le 22 juin 2015 et le 27 novembre 2017, la commune d'Asasp-Arros, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement sur le surplus et de condamner la société Tennis Aquitaine à lui verser également les sommes de 4 124,79 euros en réparation du préjudice matériel subi, de 1 576,17 euros correspondant aux frais supplémentaires d'expertise engagés, de 5 000 euros en réparation du trouble de jouissance et de 1 392 euros en réparation du préjudice matériel subi lors de l'achat du tapis de protection.
2°) de mettre à la charge de la société Tennis Aquitaine la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, y compris la somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le principe applicable au cas précis est la réparation intégrale du préjudice subi par le maître d'ouvrage ;
- tant l'expert que le tribunal ont reconnu le caractère inadapté de la solution technique initialement choisie ; elle se voit ainsi contrainte de faire appel à un nouveau procédé afin de bénéficier d'un ouvrage conforme à sa destination ; ce faisant, elle devra donc engager la somme de 41 247,89 euros, et non de 37 123 euros ; il en découle donc pour elle un préjudice matériel de 4 124,79 euros ;
- le tribunal a évalué l'ensemble des frais d'expertise et d'avocat à la somme de 6 053 euros, alors qu'elle a en réalité dû exposer la somme de 7 629,17 euros, soit un différentiel de 1 576,17 euros ;
- elle a subi un préjudice de jouissance de sa salle, puisque près de dix années plus tard, cette salle ne peut toujours être utilisée normalement ; ce trouble de jouissance doit être évalué à 5 000 euros ; elle a dû investir dans un tapis afin de recouvrir le sol lors des manifestations festives, afin de limiter les risques de chute en raison du défaut de planéité du sol ; ce tapis lui a coûté 1 392 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2017 la société Tennis Aquitaine, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés ; le surplus réclamé par la commune correspond à une amélioration de l'ouvrage qui doit rester à la charge du maître d'ouvrage ; la commune ne saurait se prévaloir d'un préjudice de jouissance alors qu'elle a reçu une importante provision à la suite de l'instance de référé.
Par une ordonnance du 9 novembre 2017, la clôture de l'instruction a été reportée au 28 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune d'Asasp-Arros.
Considérant ce qui suit :
1. La commune d'Asasp-Arros, petite commune rurale des Pyrénées-Atlantiques, a fait effectuer, dans le courant de l'année 2004, des travaux de réalisation du sol de la salle polyvalente communale par la société Tennis Aquitaine. Ces travaux ont été réceptionnés par le maître d'ouvrage le 30 novembre 2004. Des désordres étant rapidement apparus dans le revêtement de sol, la société Tennis Aquitaine a décidé, en 2005, de procéder au sciage de la dalle en périphérie puis est intervenue pour procéder à l'ouverture des joints défectueux et à leur remplissage, sans pouvoir empêcher la dégradation continue du sol de la salle polyvalente. Le 9 novembre 2009, le juge des référés du tribunal a ordonné une expertise. L'expert a rendu le 27 janvier 2009 un rapport préconisant 1a réalisation de nombreux travaux de réfection afin de remédier aux désordres existants. En mai 2009, la société Tennis Aquitaine a réalisé des travaux de réparation qui se sont révélés insuffisants et non conformes aux préconisations de l'expert. Le 20 février 2013, la commune a saisi à nouveau le tribunal d'une demande d'expertise. Par ordonnance du 19 mars 2013, le juge des référés a confié cette mission à un second expert qui a remis, le 14 septembre 2013, son rapport définitif d'expertise en concluant que " la responsabilité des désordres est imputable à la conception et à la réalisation des ouvrages, faits relevant de la responsabilité exclusive de l'entreprise qui a assuré à la fois la maîtrise d'oeuvre et la réalisation des travaux ". Par une ordonnance du 14 novembre 2014, sur la base de ce second rapport d'expertise, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a condamné la société Tennis Aquitaine à verser à la commune une provision de 43 141,10 euros. Par un jugement au fond du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Pau a condamné la société maître d'oeuvre à verser à la commune la somme de 43 176,10 euros, déduction faite de la provision déjà accordée. La commune d'Asasp-Arros fait appel de ce jugement, en ce qu'elle estime avoir été incomplètement indemnisée de ses préjudices.
Sur l'indemnisation des préjudices :
2. L'imputabilité des désordres à la société Tennis Aquitaine n'étant pas contestée, la commune d'Asasp-Arros peut demander la réparation de l'intégralité du coût des travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination ainsi que de ses éventuels préjudices et dommages annexes ou distincts dont elle établirait, en l'espèce, le lien de causalité direct et certain avec les désordres précités. Toutefois, si le maître d'ouvrage a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a subi, l'indemnisation qui lui est allouée ne doit pas dépasser le montant des travaux strictement nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination, en usant des procédés de remise en état les moins onéreux possibles.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, pour permettre la remise en état du sol de la salle polyvalente communale, il y a lieu de procéder à la réfection de son revêtement. La commune estime qu'en lui allouent à ce titre la somme de 37 123,10 euros, le tribunal administratif l'a insuffisamment indemnisée, dès lors que le second rapport d'expertise, dit " rapport définitif ", a chiffré le montant des travaux à 41 287,89 euros afin d'atteindre une mise en conformité parfaite du revêtement, en préconisant, pour éviter la démolition complète du dallage, la mise en place d'un revêtement indépendant du support après interposition d'une sous-couche destinée à s'opposer aux remontées capillaires jusqu'au revêtement proprement dit.
4. Cependant, l'indemnité à allouer au maître de l'ouvrage pour les travaux de réfection rendus nécessaires par l'exécution défectueuse du marché doit comprendre tous les éléments du prix des travaux, sous déduction des sommes correspondant à des améliorations par rapport aux travaux prévus par le marché. Si la requérante fait valoir que la solution consistant à mettre en place un revêtement indépendant, tel que préconisé par l'expert, apporterait une amélioration à l'ouvrage, la plus-value éventuelle conférée par les travaux de réfection doit s'apprécier par rapport aux exigences formulées par le contrat. En l'espèce, si l'expertise a mis en évidence que la solution technique initiale était inadaptée et que l'ouvrage péchait par sa conception et sa réalisation, il résulte également du rapport précité que la commune, maître d'ouvrage, n'avait établi aucun cahier des prescriptions techniques. Par suite, elle n'avait imposé ni le type de matériau, ni le mode de pose, ni aucune solution technique. Ainsi, alors même que la pose d'un revêtement indépendant du support serait de nature à éviter la démolition complète du dallage, voire à assurer de meilleures performances au sol d'une salle destinée notamment à des activités sportives, et alors en outre que l'expert lui-même relève que cette préconisation représente un enrichissement de la prestation au niveau de la qualité du revêtement, il n'y a pas lieu en l'espèce de prendre en compte l'amélioration apportée à l'ouvrage résultant de la solution technique finalement retenue par la commune.
5. En deuxième lieu, comme cela a été dit, il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise ainsi que des photographies produites, que les désordres qui ont affecté le sol de la salle polyvalente réalisé par la société Tennis Aquitaine, qui sont apparus très rapidement après la réception de l'ouvrage et ont perduré voire se sont aggravés malgré deux interventions de reprise du maître d'oeuvre, consistaient en une forte instabilité dimensionnelle, due à des retraits et dilatations en fonction des variations thermiques, des joints du dallage, ce qui a entraîné l'apparition de nombreuses fissures, décollements et soulèvements du revêtement, et, partant, un défaut de planéité de l'ensemble. La commune fait valoir qu'elle a été victime d'un trouble de jouissance dès lors que, pendant dix ans après la réception du chantier, c'est-à-dire jusqu'en novembre 2015, date à laquelle elle a obtenu de la société Tennis Aquitaine le versement de la provision mise à la charge de cette société, la salle polyvalente n'a pas pu être utilisée " normalement ", c'est-à-dire de façon conforme à sa destination. Il résulte en effet de l'instruction que les activités sportives, et, en particulier, la pratique du basket, ont été impossibles à maintenir dans cette salle, en raison des risques encourus par les pratiquants et des " faux rebonds du ballon ", consécutifs au mauvais état du sol, comme le faisait valoir la commune pour la première fois dans un courrier du 15 février 2006 adressé à la société Tennis Aquitaine. Cependant, s'agissant d'une salle polyvalente, la commune n'établit, ni même ne soutient, d'une part, que des compétitions sportives auraient dû s'y tenir ni, d'autre part, que l'état du revêtement de sol a empêché les activités autres que sportives, que cette salle est également destinée à abriter, de s'y tenir. Elle se prévaut d'ailleurs d'une facture de 1 392 euros correspondant à l'achat en 2011 d'un tapis de sol en feutre afin de prévenir les risques de chute lors des manifestations festives, telles que des repas d'associations, ce qui démontre que de telles manifestations ont pu continuer à s'y tenir. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du trouble de jouissance subi par la commune en l'évaluant à la somme globale de 3 000 euros.
6. En troisième lieu et dernier lieu la commune demande que les frais d'avocat qu'elle a engagés au titre des deux instances de référé-expertise, pour les sommes de 1 858,71 euros et 1 752,46 euros, soient mis à la charge de la société Tennis Aquitaine. Le soin de fixer le montant accordé en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est laissé à l'appréciation du juge, sans que cette fixation soit subordonnée à la présentation de justificatifs. Cependant, en l'espèce, et alors au demeurant que les notes d'honoraires produites par la commune sont antérieures à l'introduction de sa demande de première instance et qu'elle ne justifie d'ailleurs pas les avoir acquittées, ce n'est pas à tort que les premiers juges lui ont alloué une somme de 2 000 euros sur le fondement dudit article L. 761-1
7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Asasp-Arros est seulement fondée à demander la réformation du jugement qu'elle attaque, en ce qu'il ne l'a pas suffisamment indemnisée de ses troubles de jouissance.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Tennis Aquitaine une somme de 1 500 euros que demande la commune d'Asasp-Arros sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La somme que la société Tennis Aquitaine versera à la commune d'Asasp-Arros est portée à 46 176,10 euros, de laquelle il convient de déduire la provision que la société a été condamnée à payer à cette dernière par ordonnance en date du 14 novembre 2014 du juge du référé administratif.
Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1302002 du tribunal administratif de Pau du 16 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La société Tennis Aquitaine versera à la commune d'Asasp-Arros la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à commune d'Asasp-Arros et à la société Tennis Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 décembre 2017.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
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N° 15BX02072