Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Mont-de-Marsan à lui verser une indemnité d'un montant global de 15 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de son frère, DominiqueF....
Mme B...F...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Mont-de-Marsan à lui verser une indemnité d'un montant global de 23 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de son fils, DominiqueF....
Par un jugement n° 1400391-1400392 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a condamné le centre hospitalier de Mont-de-Marsan à verser la somme de 2 500 euros à M. D... F...et la somme de 3 500 euros à Mme B...F....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février et 20 septembre 2016 M. D... F...et Mme B...F..., représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) de porter à la somme de 18 000 euros l'indemnité allouée à M. F...et à la somme de 30 000 euros l'indemnité allouée à Mme F...par le jugement du tribunal administratif de Pau du 17 décembre 2015 et de réformer le jugement en ce sens, subsidiairement de porter à la somme de 23 000 euros l'indemnité allouée à Mme F...;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mont-de-Marsan la somme
de 3 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le centre hospitalier de Mont-de-Marsan est entièrement responsable du décès de leur frère et fils en raison du comportement fautif du SAMU ;
- la faute commise a fait perdre toute chance de survie à leur frère et fils ;
- leur préjudice d'affection doit être respectivement évalué à la somme de 18 000 euros pour M. F...et à la somme de 30 000 euros pour MmeF....
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2016, l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales conclut à ce qu'il soit mis hors de cause et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier de
Mont-de-Marsan, la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la responsabilité du centre hospitalier est engagée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2016, le centre hospitalier de
Mont-de-Marsan, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en tant qu'elles excèdent les sommes respectives de 10 000 et 18 000 euros demandées en première instance au titre du préjudice d'affection ;
- les moyens tendant à une majoration des indemnités allouées en première instance ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance du 7 février 2013, par laquelle le président du tribunal administratif de Pau a taxé les frais d'expertise.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 octobre 2011, l'épouse G...F...a appelé à 21h le SAMU des Landes qui relève du centre hospitalier de Mont-de-Marsan. Elle a fait état de poussées hypertensives associées à des douleurs thoraciques de son mari. Le médecin régulateur a rappelé Dominique F...à 21h31 sans que soit décidée à l'issue de cet appel, une intervention en urgence. Le 29 octobre 2011 à 5h, Mme F...a rappelé le SAMU alors que son époux présentait un arrêt respiratoire. En dépit de l'intervention des sapeurs-pompiers, Dominique F...est décédé à 6h25, à l'âge de cinquante-et-un ans. Par une ordonnance du 28 août 2012, le président du tribunal administratif de Pau a ordonné une expertise dont le rapport a été déposé le 21 décembre 2012. M. D... F...et Mme B...F..., frère et mère du défunt, demandent à la cour, à titre principal, de porter aux sommes respectives de 18 000 et
30 000 euros les indemnités qui leur ont été allouées par le jugement du tribunal administratif de Pau du 17 décembre 2015 et de réformer le jugement en ce sens.
Sur le principe de responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - (...) les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ". Aux termes de l'article R. 6311-1 du même code : " Les SAMU ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. (...) ". L'article R. 6311-2 dispose que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / 1° Assurent une écoute médicale permanente ; / 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels (...) ".
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que
Dominique F...est décédé en raison d'une thrombose coronarienne avec syndrome coronaire aigu et constitution d'un infarctus du myocarde avec fibrillation ventriculaire et mort subite. La gêne thoracique, citée à plusieurs reprises par Dominique F...lors de sa conversation téléphonique avec le médecin régulateur, assez caractéristique d'une ischémie myocardique, aurait dû conduire celui-ci, afin d'éviter le risque d'infarctus ou du moins de le traiter efficacement, à proposer une hospitalisation en vue d'un électrocardiogramme et d'un dosage de troponines, alors même que l'intéressé avait fait part de la réalisation très récente, dans le cadre de son suivi par un médecin et ami cardiologue, d'un électrocardiogramme puis d'un coroscanner dont les résultats étaient, selon lui, rassurants. Ce défaut dans la prise en charge de Dominique F...est constitutif d'une faute dans le fonctionnement de la régulation du SAMU des Landes, de nature à engager la responsabilité du seul centre hospitalier de
Mont-de-Marsan à l'égard des ayants droits de la victime.
Sur la perte de chance :
4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
5. Il résulte de l'instruction que le dysfonctionnement fautif de la régulation du SAMU des Landes a fait perdre à Dominique F...une chance d'être pris en charge rapidement de façon adaptée et d'ainsi échapper à son décès. Cependant, eu égard à l'état antérieur de la victime, marqué par de multiples facteurs de risques cardiovasculaires, qui aurait dû, selon l'expert, conduire, antérieurement au 28 octobre 2011, à la réalisation d'une coronarographie invasive, la faute commise par le SAMU des Landes, à l'origine d'un retard d'intervention des services d'urgence, a fait perdre à Dominique F...une chance de survie, qui peut être évaluée, dans les circonstances particulières de l'espèce, à un taux au demeurant non sérieusement contesté de 50 %.
6. Il y a donc lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Mont-de-Marsan la réparation des conséquences dommageables de la prise en charge fautive de DominiqueF..., à hauteur de 50 %.
Sur l'évaluation des préjudices :
7. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par
MmeF..., mère du défunt avec lequel elle ne vivait pas, en le fixant, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, à la somme de 7 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance précédemment retenu, l'indemnité à laquelle a droit MmeF..., de ce chef, doit être fixée à la somme de 3 500 euros.
8. Le préjudice d'affection subi par M.F..., frère de la victime avec lequel il ne cohabitait pas, peut, par une juste évaluation, être évalué à la somme de 5 000 euros également retenue par le tribunal administratif. Compte tenu de l'ampleur de la perte de chance, l'indemnité due de ce chef à M. F...doit être fixée à la somme de 2 500 euros.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...et Mme F...ne sont pas fondés à soutenir que, par son jugement du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau les a insuffisamment indemnisés des préjudices qu'ils ont subis en raison du décès de leur frère et fils. Il y a donc lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier, de rejeter leur requête.
Sur les frais d'expertise :
10. Il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de laisser à la charge définitive du centre hospitalier de Mont-de-Marsan les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 2 500 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Pau du 7 février 2013.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Mont-de-Marsan, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demandent les appelants ainsi que l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre des frais exposés par chacun d'eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application de l'article L. 761-1 du
code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...F..., à Mme B...F..., au centre hospitalier de Mont-de-Marsan, à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute Garonne, à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à l'expert.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Didier Salvi, président,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 décembre 2017
L'assesseur le plus ancien,
Manuel Bourgeois Le président-rapporteur,
Didier C...
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX00661