Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...E..., agissant tant en son nom qu'au nom de son fils mineur A...G..., a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Niort à leur verser une somme totale de 25 000 euros avec intérêts de droit, en réparation des préjudices qu'ils ont subis à raison des fautes commises par le centre hospitalier entre novembre 2012 et avril 2013.
Par un jugement n° 1401644 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 décembre 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 22 décembre 2016, MmeE..., agissant tant en son nom qu'au nom de son fils mineur A...G..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1401644 du tribunal administratif de Poitiers du 15 octobre 2015 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Niort à leur verser une somme totale de 26 000 euros, en réparation des préjudices qu'ils ont subis à raison des fautes commises par le centre hospitalier entre novembre 2012 et avril 2013 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Niort la somme de 4 904,08 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le centre hospitalier a commis des fautes médicales en se bornant à rechercher une cause psychiatrique aux troubles de son fils et en ne l'examinant qu'après lui avoir injecté des neuroleptiques ou des analgésiques ;
- le signalement fait au procureur de la République est fondé sur des faits erronés et caractérise une volonté de nuire ;
- ces fautes leur ont causé, à son fils et à elle-même, des préjudices moraux ainsi qu'un préjudice financier.
Par des mémoire en défense, enregistrés les 1er juin 2016 et 6 février 2017, le centre hospitalier de Niort, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucune faute n'a été commise dans la prise en charge d'A... et que le signalement de sa mère n'était pas non plus fautif.
Par une ordonnance du 11 juillet 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2017 .
Par une lettre en date du 29 novembre 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'incompétence des juridictions administratives pour statuer sur la faute qu'aurait commise le CHU le 18 avril 2013 en adressant le signalement litigieux au procureur de la République.
Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 4 décembre 2017, Mme E...soutient que les juridictions administratives sont compétentes pour statuer sur les préjudices que leur a causés le signalement litigieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code pénal ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné Mme Chauvin pour exercer les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.F...,
- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 22 février 2013, A...G..., né le 21 février 2001, a fait l'objet d'un signalement au procureur de la République par le centre hospitalier de Niort en raison des différends qui opposent cet établissement à sa mère, MmeE..., au sujet de la prise en charge thérapeutique des troubles dont souffre cet enfant. Par un jugement du 23 mai 2013, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Niort a considéré qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à ce signalement. Le jeune A...a, par ailleurs, bénéficié, le 10 avril 2013, d'une intervention chirurgicale au sein du centre hospitalier de Niort, consécutivement à une torsion testiculaire diagnostiquée le même jour. Par lettre du 9 mai 2014, Mme E...a demandé au centre hospitalier de Niort de les indemniser elle et son fils des préjudices que leur ont causés le diagnostic tardif de la torsion testiculaire dont il a souffert et le caractère abusif du signalement dont il a fait l'objet. Cette demande ayant été implicitement rejetée, Mme E...a saisi, aux mêmes fins, le tribunal administratif de Poitiers. Elle demande à la cour d'annuler le jugement du 15 octobre 2015 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article 434-3 du code pénal dans sa version alors en vigueur : " Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. ". L'article L. 226-2-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit que : " Sans préjudice des dispositions du II de l'article L. 226-4, les personnes qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L.112-3 ainsi que celles qui lui apportent leur concours transmettent sans délai au président du conseil général ou au responsable désigné par lui, conformément à l'article L. 226-3, toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l'être, au sens de l'article 375 du code civil. (...). Cette transmission a pour but de permettre d'évaluer la situation du mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. " Enfin le II de l'article L. 226-4 du même code prévoit que : " Toute personne travaillant au sein des organismes mentionnés à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 226-3 qui avise directement, du fait de la gravité de la situation, le procureur de la République de la situation d'un mineur en danger adresse une copie de cette transmission au président du conseil départemental. ".
3. Sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'État ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative. En revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d'éventuelles conséquences dommageables les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire.
4. La transmission au procureur de la République, le 18 avril 2013, d'une information préoccupante concernant le fils de Mme E...n'est pas détachable de la décision du juge des enfants de ne pas ordonner de mesure d'assistance éducative et se rattache ainsi à une procédure judicaire dont il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaître. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué du tribunal administratif du 15 octobre 2015 en tant qu'il a rejeté au fond, et non pour incompétence des juridictions administratives, la demande de Mme E... tendant à la condamnation du centre hospitalier de Libourne à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis à raison des fautes dont serait entachée cette transmission au procureur de la République.
5. Il y a également lieu pour la cour de rejeter, par voie d'évocation, cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions de l'appelante concernant la responsabilité du CHU à raison des fautes qu'aurait commises le service des urgences dans la prise en charge de son fils.
Sur la faute médicale :
6. L'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit que : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ".
7. Mme E...soutient que son fils souffrait d'une torsion testiculaire, spontanément régressive sous analgésique, depuis le mois de novembre 2012 et que le diagnostic tardif de cette affection est dû à l'absence de recherche, par le service des urgences, d'une cause somatique à ses crises d'agitation ainsi qu'à l'administration de neuroleptiques ou d'analgésiques préalablement à des examens cliniques eux-mêmes trop tardifs.
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment des comptes-rendus établis par le service des urgences du centre hospitalier de Niort les 13 et 30 novembre 2012, le 21 février et les 2 et 10 avril 2013 ainsi que du compte-rendu opératoire du 10 avril 2013 et du document récapitulant l'historique des " crises " d'A... G...établi par l'institut médico-éducatif de Niort (IME), d'une part, que, lors de ses différentes consultations aux service des urgences et contrairement à ce que soutient MmeE..., le jeune A...a systématiquement fait l'objet d'un examen clinique complet et qu'il n'a fait l'objet d'une sédation que le 2 avril 2013, après que sa mère s'est absentée pendant plusieurs heures et le 10 avril suivant, après que le diagnostic de torsion testiculaire a été posé. En outre, la circonstance que ces examens cliniques n'aient pas été réalisés dans les minutes qui ont suivi l'admission d'A... aux urgences n'est pas de nature à présenter un caractère fautif dès lors que, lors de ces admissions, son état de santé était asymptotique et que sa prise en charge ne présentait aucun caractère d'urgence.
9. En second lieu, si le compte-rendu opératoire du 10 avril 2013 indique " antécédent de douleurs identiques, épisodiques est en faveur du diagnostic ", cette indication ne permet pas, à elle seule, de considérer que A...souffrait d'une torsion testiculaire depuis le mois de novembre 2012 alors, d'une part, qu'il ressort de la lettre rédigée le 4 juin 2013 par le chirurgien qui a pratiqué l'intervention que les crises d'A... ont perduré, à l'identique, postérieurement à l'intervention chirurgicale, que ces crises ont pu, à plusieurs reprises, être jugulées par la simple prise d'anxiolytiques, que les examens cliniques pratiqués lors des admissions aux urgences d'A..., alors qu'il n'avait pas l'objet d'une médication par analgésique, n'ont permis d'identifier aucune cause somatique et qu'au contraire, l'examen effectué le 13 novembre 2012 a explicitement écarté toute anomalie testiculaire, d'autre part, que les testicules d'A... ne présentaient aucune trace de nécrose alors qu'il ressort de la littérature médicale produite à l'instance et n'est pas contesté qu'une torsion testiculaire occasionne des dommages irréversibles dès six heures d'ischémie.
10. Ainsi, Mme E...n'établit ni que le diagnostic de torsion testiculaire a été tardif ni, en tout état de cause, que la prise en charge de son fils par le service des urgences présente un caractère fautif. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Niort à l'indemniser des préjudices qu'ont causés à elle-même et à son fils cette torsion testiculaire et les conditions de sa prise en charge par le service des urgences du centre hospitalier de Niort..
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... une somme de 800 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Niort et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 octobre 2015 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande de Mme E...tendant à la condamnation du centre hospitalier de Niort à raison de l'information préoccupante transmise au procureur de la République.
Article 2 : La demande de Mme E...tendant à la condamnation du centre hospitalier de Niort à raison de l'information préoccupante transmise au procureur de la République est rejetée comme présentée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le surplus de la demande de Mme E...devant le tribunal administratif et des conclusions de sa requête sont rejetées.
Article 4 : Mme E...versera au centre hospitalier de Niort la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E..., au centre hospitalier de Niort et à la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 décembre 2017
Le rapporteur,
Manuel F...Le président,
Éric Rey-Bèthbéder Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX03964