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28/12/2017 | FRANCE | N°15BX03099

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2017, 15BX03099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D..., agissant tant en son nom qu'au nom de son fils mineurF..., a demandé au tribunal administratif de Poitiers, avant dire droit, d'ordonner une expertise afin de déterminer les préjudices que son fils et elle-même ont subis à raison des mauvaises informations que lui a transmis le centre hospitalier de Niort.

Par un jugement n° 1300895 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire,

enregistrés le 16 septembre 2015 et le 6 décembre 2017, MmeD..., agissant tant en son nom...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D..., agissant tant en son nom qu'au nom de son fils mineurF..., a demandé au tribunal administratif de Poitiers, avant dire droit, d'ordonner une expertise afin de déterminer les préjudices que son fils et elle-même ont subis à raison des mauvaises informations que lui a transmis le centre hospitalier de Niort.

Par un jugement n° 1300895 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 septembre 2015 et le 6 décembre 2017, MmeD..., agissant tant en son nom qu'au nom de son fils mineurF..., représentée par la SCP Pielberg-Kolenc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juillet 2015 ;

2°) d'ordonner, avant dire droit, une expertise afin de déterminer les préjudices qu'elle-même et son fils ont subis à raison des troubles dont souffre ce dernier ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Niort, outre les entiers dépens, dont les frais des expertises déjà réalisées et les frais de contribution à l'aide juridique, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier a commis une faute en ne l'informant pas des risques liés à la prise d'antirétroviraux pendant sa grossesse ;

- les troubles autistiques dont souffre son fils ont été causés par l'administration périnatale de ces médicaments ;

- cette faute leur a causé, à son fils et à elle-même, des préjudices dont ils sont fondés à demander la détermination par un expert judiciaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2016, le centre hospitalier de Niort, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, d'une part, qu'il n'existe aucun lien de causalité établi entre l'administration périnatale d'antirétroviraux et des troubles du comportement chez l'enfant, en particulier s'agissant des troubles dont souffre le jeune F...et, d'autre part, qu'en application de l'article 1er de la loi n° 2002-203 du 4 mars 2002, nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.

Par un mémoire, enregistré le 3 mai 2015, la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres s'associe aux conclusions de MmeD..., se réserve le droit de solliciter ultérieurement le remboursement de ses débours, y compris au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Niort sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le centre hospitalier a commis une faute en ne l'informant pas des risques liés à la prise d'antirétroviraux pendant sa grossesse et l'a ainsi privée d'une chance soit de mettre fin à sa grossesse, soit de cesser de prendre des antirétroviraux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme Chauvin pour exercer les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.E...,

- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant le centre hospitalier de Niort.

Considérant ce qui suit :

1. Ivan Esterle est né le 21 février 2001. Il a, progressivement, présenté des troubles du comportement qui se sont aggravés à compter de sa scolarisation en septembre 2004 et ont été diagnostiqués comme correspondant à un " trouble envahissant du développement avec des caractéristiques autistiques atypiques ". Mme D...a saisi, à deux reprises, le tribunal administratif de Poitiers d'une demande d'expertise aux fins de déterminer s'il existait un lien entre la pathologie dont est atteint son fils et la prise périnatale de médicaments antirétroviraux. Les experts nommés par le tribunal, un psychiatre puis un neurologue, ont rendu leurs rapports, respectivement les 20 avril 2010 et 29 octobre 2012. Au vu de ces rapports, MmeD..., agissant tant en son nom qu'en sa qualité de représentante légale de son fils Ivan, a demandé au tribunal d'ordonner une nouvelle expertise afin, cette fois, de déterminer les préjudices que son fils et elle-même ont subis et continuent de subir du fait des troubles dont celui-ci est affecté. Elle demande à la cour d'annuler le jugement du 16 juillet 2015 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation.

3. En l'occurrence, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier n'établit pas avoir informé Mme D...des risques que faisait courir à son enfant à naître la prise de médicaments antirétroviraux pendant sa grossesse alors qu'il ressort d'une lettre de l'agence française de sécurité sanitaire (AFSSAPS), datée du 4 juin 1999 et adressé à l'ensemble des médecins en activité, que " toute femme séropositive pour le VIH doit être informée du possible risque pour l'enfant des médicaments antirétroviraux administrés pendant la grossesse ". Mme D...soutient que ce manquement leur a causé, à son fils et elle-même un préjudice dont ils sont fondés à demander la détermination par un expert. À l'appui de cette allégation, elle se prévaut d'une seconde lettre de l'AFSSAPS du 24 février 2003, postérieure à la naissance de son fils, faisant état de suspicion concernant des atteintes neurologiques chez l'enfant exposé in utero aux antirétroviraux ainsi que d'un rapport établi en 2008 sous la direction du professeur Yeni et d'un article de journal écrit par le professeur Tardieu relatifs aux maladies mitochondriales des enfants exposés aux antirétroviraux.

4. Toutefois, il résulte également de l'instruction, en particulier du rapport établi par l'expert, neurologue, missionné par le tribunal administratif, qu'eu égard aux examens pratiqués ainsi qu'aux troubles manifestés, lesquels ne permettent pas de caractériser une maladie mitochondriale, et en l'absence de tout élément épidémiologique permettant d'établir un lien entre la fréquence de l'autisme et une exposition périnatale aux antirétroviraux, " il est peu probable que la maladie d'Ivan Esterle soit liée aux antirétroviraux, mais on ne peut exclure formellement cette hypothèse. " Ainsi, il n'existe pas de lien de causalité certain entre la pathologie dont souffre Ivan et la prise périnatale d'antirétroviraux par sa mère. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les manquements du centre hospitalier à son devoir d'information ne l'avaient pas privée d'une chance d'éviter que son fils ne développât la pathologie dont il est atteint en interrompant sa grossesse ou la prise d'antirétroviraux pendant celle-ci.

5. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. " Il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que Mme D...n'est pas non plus fondée à soutenir qu'une expertise, destinée à déterminer les préjudices que ce manquement aurait causé à son fils et à elle-même, présente un caractère d'utilité.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation du centre hospitalier aux dépens.

8. Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres doivent, par voie de conséquence, être rejetées, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres sont rejetées.

Article 3 : Mme D...versera au centre hospitalier de Niort la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., au centre hospitalier de Niort et à la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 décembre 2017

Le rapporteur,

Manuel E...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX03099


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03099
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute. Manquements à une obligation d'information et défauts de consentement.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : MAURY OLIVIA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-28;15bx03099 ?
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