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22/12/2017 | FRANCE | N°17BX03109

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 22 décembre 2017, 17BX03109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 février 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701066 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, et un mémoire enregistrés le 15 septembre 2017 et le 7 novembr

e 2017, M. B...A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 février 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701066 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, et un mémoire enregistrés le 15 septembre 2017 et le 7 novembre 2017, M. B...A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 février 2017 du préfet de la Haute-Garonne susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renoncer à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas le visa de l'arrêté du 5 janvier 2017 dont il s'est prévalu devant les premiers juges et qui est applicable à sa situation.

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé a été signé par des personnes incompétentes et que le médecin de l'agence régionale de santé et le directeur de l'agence n'ont pas signé cet avis ;

- le préfet s'est estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- elle a été prise en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'instruction du 10 novembre 2011 ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- cette décision est dépourvue de base légale

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale

- elle est illégale dès lors que l'éloignement aurait pour lui des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur son état de santé ;

- elle a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de son état de santé ;

En ce qui concerne la décision refusant de fixer un délai de départ volontaire :

- le préfet s'est estimé lié par les critères de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait de la situation particulière de santé du requérant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens présentés par le requérant n'est fondé.

M. B...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., né le 22 août 1981 à Managua (Nicaragua), de nationalité panaméenne, est entré sur le territoire le 16 août 2010 sous couvert d'un visa long séjour " étudiant " valable du 6 août 2010 au 6 août 2011 renouvelé jusqu'au 30 septembre 2015. Le 3 août 2015 il a sollicité un changement du statut " étudiant " en " salarié ". Le 29 février 2016, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre un arrêté lui refusant le séjour, l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un arrêt n° 16BX03916 du 16 février 2017 de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Le 21 mars 2016, M. B...A...a présenté une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 février 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé son pays de nationalité comme pays de renvoi. M. B...A...relève appel du jugement du 22 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté son recours tendant à l'annulation dudit arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la demande de titre de séjour de M. B... A...antérieure au 1er janvier 2017 et encore applicable aux faits du litige ainsi que cela résulte des dispositions combinées du V et du VI de l'article 67 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

3. Pour refuser le titre de séjour sollicité, le préfet s'est fondé sur l'avis émis le 26 juin 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé qui mentionne que l'état de santé de M. B... A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existe un traitement approprié pour sa prise en charge médicale au Panama.

4. Le requérant fait valoir qu'il n'existe pas de traitement à sa pathologie au Panama. Il produit un certificat médical du 19 mai 2016 du docteur Prevoteau du Clary, praticien hospitalier qui indique que M. B...A...est suivi dans le service de dermatologie de l'hôpital La Grave à Toulouse depuis février 2016 pour une infection au VIH 1 sous type B asymptomatique et groupé CDC A2, mentionnant que " les traitements sont actuellement difficilement disponibles avec de fréquentes ruptures d'approvisionnement dans le pays d'origine du patient ". Le second certificat médical produit par l'intéressé, établi le 19 mai 2017 par le même praticien, ajoute que " la combinaison thérapeutique actuelle est indisponible (au Panama) ".

5. Ces certificats produits par M. B...A...à l'appui de sa requête sont confirmés par les informations publiées en annexe à l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé, servant d'outils d'aide à la décision des médecins chargés de donner un avis en application des nouvelles dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code, selon lesquelles, sur la base des résultats collectés par l'agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales, que si des progrès significatifs ont été permis par l'élargissement de l'accès au traitement, l'accroissement du nombre de personnes vivant avec le VIH, le déficit important en personnels de santé, les problèmes majeurs d'approvisionnement (ruptures de stocks fréquentes), l'irrégularité de la distribution, les difficultés de planification des antirétroviraux de première ligne et d'accès aux antirétroviraux de seconde ligne, l'absence d'outils virologiques de suivi de l'efficacité du traitement, doivent être pris en compte de sorte que, dans l'ensemble des pays en développement, il n'est pas encore possible de considérer que les personnes séropositives peuvent avoir accès aux traitements antirétroviraux ni à la prise en charge médicale nécessaire pour tous les porteurs d'une infection par le VIH dès le diagnostic.

6. Dans ces conditions, M. B...A..., par les éléments qu'il produit et qui viennent infirmer l'avis de médecin de l'agence régionale de santé sur lequel le préfet s'est fondé, établit l'indisponibilité du traitement dont il a besoin dans son pays d'origine. Par suite, il est fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de destination doivent également être annulées.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et la régularité du jugement, que M. B...A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

9. Eu égard au motif de l'annulation ci-dessus prononcée, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. B...A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. M. B...A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocate de M. B...A..., Me D..., d'une somme de 1 500 euros, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701066 du 22 juin 2017 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 10 février 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. B...A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me D...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et à MeD....

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 décembre 2017.

Le rapporteur,

Caroline GaillardLe président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03109


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03109
Date de la décision : 22/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : BENHAMIDA DJAMILA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-22;17bx03109 ?
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