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22/12/2017 | FRANCE | N°16BX00533,16BX00546

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 22 décembre 2017, 16BX00533,16BX00546


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé le 5 novembre 2012 au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la délibération du 7 septembre 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Malause a décidé de conclure avec l'association des tireurs malausains une convention de mise à disposition, à titre gratuit, d'un terrain communal et a autorisé le maire a signé cette convention et, d'autre part, la décision du maire du 12 septembre 2012 de signer ladite convention.

Par un jugement n° 1204880 du

1er décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibérat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé le 5 novembre 2012 au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la délibération du 7 septembre 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Malause a décidé de conclure avec l'association des tireurs malausains une convention de mise à disposition, à titre gratuit, d'un terrain communal et a autorisé le maire a signé cette convention et, d'autre part, la décision du maire du 12 septembre 2012 de signer ladite convention.

Par un jugement n° 1204880 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du 7 septembre 2012 et la décision du maire du 12 septembre 2012.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 février 2016 et le 12 janvier 2017 sous le n° 1600533, la commune de Malause, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2015 ;

2°) de rejeter la requête de M.C... ;

3°) de condamner M. C...à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération litigieuse n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales ; elle est exécutoire ;

- elle n'a pas non plus méconnu les dispositions de l'article L. 2131-11 du même code ; M. C...n'apporte pas la preuve que des membres du conseil municipal sont intéressés par cette convention ;

- le terrain objet du litige fait partie du domaine public communal, comme l'indique la convention, et peut être mis à disposition de l'association ; or en application de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les associations d'intérêt général peuvent bénéficier de la gratuité de la mise à disposition du domaine public ;

- subsidiairement, si le terrain faisait partie de son domaine privé, elle serait en droit d'en assurer sa gestion librement puisque ce sont les règles de droit privé qui sont applicables ; elle pouvait donc mettre ce terrain à disposition de l'association concernée sans contrepartie financière dans la mesure où il s'agit également d'un droit d'occupation à titre précaire ; de plus l'association des tireurs malausains est une association sportive et son objet présente ainsi un intérêt public ; la mise à disposition est donc motivée par des considérations d'intérêt général ; en contrepartie, l'association entretient le chemin d'accès et le terrain lui-même ; le terrain n'est pas non plus réservé à l'usage exclusif de l'association puisque d'autres associations y organisent leurs activités ;

- la mise à disposition de la parcelle à l'association des tireurs malausains ne va pas provoquer des nuisances sonores illégales dès lors que le terrain est situé en zone rurale où la pratique de la chasse est courante et côtoie les propriétés avoisinantes en bonne intelligence.

Par des mémoires, enregistrés le 26 mai 2016, le 21 septembre 2016 et le 9 février 2017, M. A...C..., représenté par la SCP C...et Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que la commune de Malause soit condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'objet de l'association des tireurs malausains ne peut pas être regardé comme étant d'intérêt général du fait qu'elle ait une activité sportive de ball-trap ; elle a une activité purement privée ;

- la parcelle en litige n'est affectée ni à l'usage direct du public ni à un service public et fait donc partie du domaine privé, ce que reconnait d'ailleurs le maire de Malause ; que ce terrain fasse partie du domaine public ou du domaine privé, il ne peut être mis gratuitement à disposition de l'association ; la commune et l'association ne justifient pas la gratuité de la mise à disposition sans contrepartie ; l'aménagement de l'accès du terrain et du terrain lui-même profite à l'association, l'utilisation du terrain par d'autres associations bénéficient à celles-ci et l'utilisation des commerces par les associations bénéficient aux commerçants ; la commune n'en tire aucun bénéfice ;

- l'activité de l'association contrevient aux dispositions du code pénal réprimant les activités bruyantes ; la parcelle surplombe un vallon qui constitue une caisse de résonnance ;

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de la juridiction administrative.

Par deux mémoires enregistrés le 22 novembre et le 24 novembre 2017, M. C...a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public.

Il fait valoir que le recours d'un tiers contre un acte détachable d'un contrat de droit privé ressortit à la compétence de la juridiction administrative. En outre, le contrat contient une clause exorbitante du droit commun dès lors qu'il prévoit à son article 2 la possibilité pour la commune de révoquer unilatéralement le contrat pour des motifs d'intérêt général. Il s'agit donc d'un contrat administratif. La juridiction administrative est ainsi compétente pour connaître du litige.

Par un mémoire enregistré le 23 novembre 2017, l'association des tireurs malausains représentée par Me B...a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public et conclut à l'incompétence de la juridiction administrative, à titre subsidiaire, elle conclut aux fins que la cour prononce la désignation d'un expert en acoustique environnementale et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que le terrain en l'absence d'affectation à l'usage direct du public ou à un service public, fait partie du domaine privé de la commune ; par conséquent, le litige est de la compétence du juge judiciaire.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 février 2016, le 29 juillet 2016 et le 23 novembre 2017, l'association des tireurs malausains, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de M.C... ;

3°) de procéder à la désignation d'un expert avec pour mission de procéder à des mesures de bruits de tirs ;

4°) de condamner M. C...à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mise à disposition du terrain ne lui est pas réservée puisque plusieurs associations sportives ou culturelles bénéficient également de la jouissance de ce terrain ;

- son activité poursuit au moins en partie un intérêt général puisque se pratiquent sur ce terrain des compétitions fédérales et une école de tir pour jeunes pratiquants existe ;

- il existe des contreparties puisqu'elle prend à sa charge l'entretien du chemin d'accès et le terrain lui-même ;

- l'existence d'un éventuel trouble n'est pas rapportée ;

- le recours présenté contre la délibération de la commune de Malause autorisant le maire à conclure une convention d'occupation de son domaine privé ressortit à la compétence du juge judiciaire.

Par des mémoires en défense enregistrés le 26 mai 2016, le 21 septembre 2016 et le 9 février 2017, M. A...C..., représenté par la SCP C...et Trichet, conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux présentés dans l'instance n° 16BX00533 et à ce que l'association des tireurs malausains soit condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 12 janvier 2017, la commune de Malause, représentée par MeD..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2015, au rejet de la demande de M.C..., par les mêmes moyens que ceux présentés dans l'instance n° 16BX00533 et à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen d'ordre public.

Par deux mémoires enregistrés le 22 novembre et le 24 novembre 2017, M. C...a présenté les mêmes observations sur le moyen d'ordre public que dans l'instance n° 16BX00533.

Par un mémoire enregistré le 23 novembre 2017, l'association des tireurs malausains a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public. Elle conclut par les mêmes moyens que dans l'instance n° 16BX00533 à l'incompétence de la juridiction administrative et à titre subsidiaire à la désignation d'un expert.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2017 :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public ;

- les observations de MeC..., représentant M. A...C...et de Me D...représentant la commune de Malause.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 7 septembre 2012, le conseil municipal de la commune de Malause a décidé de conclure avec l'association des tireurs malausains une convention mettant à disposition de l'association, à titre gracieux, un terrain communal cadastré WD n° 85 d'une superficie de 12 372 m2 situé au lieu-dit " le Crabe " pour la pratique du tir au pigeon d'argile, et a autorisé le maire à signer cette convention. Le 12 septembre 2012 le maire a signé la convention.

2. M. A...C..., contribuable de la commune de Malause et riverain de la parcelle en litige, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération précitée et la décision de signer la convention. Dans l'instance n° 16BX00533, la commune de Malause et dans l'instance 16BX00546, l'association des tireurs malausains relèvent appel du jugement n° 1204880 du 1er décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à son recours pour excès de pouvoir.

3. Les deux requêtes sont relatives à un même jugement et ont font l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

4. La cour doit au préalable déterminer, en fonction de la nature du bien communal, si le litige relève de la compétence de la juridiction administrative, compte tenu notamment que la contestation par une personne privée de l'acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire.

5. Si le terrain mis à disposition gratuitement par la commune de Malause doit être utilisé pour le tir au pigeon d'argile, il n'est pas affecté à l'usage direct du public mais à celui des adhérents de l'association pratiquant ce sport. La convention n'impose pas non plus à l'association des modalités d'organisation ou de fonctionnement, notamment en l'absence de toute définition d'obligations particulières auxquelles elle serait soumise hormis l'entretien de l'accès et du terrain lui-même, permettant de regarder cette dernière comme étant chargée d'une mission de service public ou même d'une opération d'intérêt général relevant de la compétence de la commune. Ainsi, il ne résulte ni des pièces du dossier, ni non plus de ce que d'autres associations bénéficieraient très ponctuellement d'une partie du terrain pour organiser des rassemblements ou des activités festives ou culturelles, que le terrain en litige ferait partie du domaine public de la commune et que la délibération et la décision en litige auraient donc pour objet d'autoriser l'occupation de ce domaine.

6. De plus, le contrat en litige ne comporte aucune clause qui, en raison des prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, impliquerait, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. En particulier, si l'article 2 de la convention prévoit la possibilité pour la commune de la résilier à tout moment pour des motifs d'intérêt général, cette clause, eu égard au caractère gratuit et précaire de la mise à disposition du terrain, n'est pas exorbitante du droit commun.

7. Ainsi, la délibération et la décision de la signer ci-dessus analysées, qui ne mettent en oeuvre aucune prérogative de puissance publique distincte de l'exercice par un particulier de son droit de propriété, ne sont pas détachables de la gestion du domaine privé de la commune et les conclusions tendant à leur annulation sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement du tribunal en date du 1er décembre 2015 en ce qu'il n'a pas décliné la compétence de la juridiction administrative et, par la voie de l'évocation, de rejeter les conclusions de M. A...C...à fin d'annulation comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2015 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la délibération du 7 septembre 2012 du conseil municipal de Malause et de la décision du maire du 12 septembre 2012 sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Malause, à l'association des tireurs malausains et à M. A...C....

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2017.

Le rapporteur,

Caroline GaillardLe président,

Philippe PouzouletLe greffier,

Florence DeligeyLa République mande et ordonne ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00533, 16BX00546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00533,16BX00546
Date de la décision : 22/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Biens des collectivités territoriales - Régime juridique des biens.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Domaine - Domaine privé.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SCP CANDELIER CARRIERE-PONSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-22;16bx00533.16bx00546 ?
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