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22/12/2017 | FRANCE | N°15BX03939

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 22 décembre 2017, 15BX03939


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé le 5 juin 2014 au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 9 avril 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques, après avoir retiré un précédent arrêté du 16 décembre 2013 ayant le même objet, a autorisé les consorts C...à la résiliation partielle d'un bail rural portant sur 1 795 m² d'une parcelle qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Lasse, cadastrée section B n°14.

Après avoir ordonné, par un jugement avant-dire droit du 31 mars 2

015, une visite des lieux, le tribunal administratif de Pau a, par un jugement n° 1401186 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé le 5 juin 2014 au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 9 avril 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques, après avoir retiré un précédent arrêté du 16 décembre 2013 ayant le même objet, a autorisé les consorts C...à la résiliation partielle d'un bail rural portant sur 1 795 m² d'une parcelle qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Lasse, cadastrée section B n°14.

Après avoir ordonné, par un jugement avant-dire droit du 31 mars 2015, une visite des lieux, le tribunal administratif de Pau a, par un jugement n° 1401186 du 13 octobre 2015, rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés les 9 décembre 2015, 31 mai 2016, 7 mars et 6 avril 2017, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 13 octobre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 avril 2014 du préfet des Pyrénées-Atlantiques

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'impossibilité d'accéder aux parcelles 14 et 28 ; ceci a été relevé par la commission consultative paritaire des baux ruraux qui a émis un avis défavorable ; le tribunal commet plusieurs erreurs sur ce point ; en effet, il n'y a pas d'accès entre le chemin rural et la voie communale n°6, l'appelante ne peut pas faire passer son troupeau par les parcelles B n° 35 et B n° 36 qui appartiennent à un tiers, et si la commune s'est engagée à faire des travaux, c'est la preuve que l'accès n'existe pas au jour de la décision attaquée ; la suppression de l'accès aux parcelles affermées constitue une atteinte excessive à ses droits en place ;

- elle exploite une superficie de 21 hectares et le défaut d'accès l'empêcherait d'exploiter 14,69 % de la superficie totale de son exploitation.

- l'arrêté attaqué du 9 avril 2014 est privé de base légale : il se fonde sur un certificat d'urbanisme du 29 mars 2012 dont la validité expirait le 29 septembre 2013 ; ce moyen nouveau en appel est recevable ;

- de plus, il est nécessaire lors de la résiliation que le bailleur ait l'assurance que la superficie sur laquelle porte la résiliation soit rendue constructible ; l'annulation partielle de la carte communale de Lasse soumet le quartier Ithola au règlement national d'urbanisme qui pose le principe de l'inconstructibilité en dehors des parties urbanisées des communes.

Par un mémoire en défense et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 18 février et 20 juillet 2016 et le 21 mars 2017, les consortsC..., représentés par Me E..., concluent au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A...à leur verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- le passage emprunté par Mme A...jusqu'alors ne se situe pas sur la parcelle B n° 14 mais sur la parcelle B n° 15 non comprise dans le bail par pure tolérance ; les intimés auraient pu interdire ce passage et lui créer un autre accès sur l'une des parcelles objets du bail ; la situation réelle des lieux a d'ailleurs été décrite par l'expert foncier dans son rapport ;

- le préfet s'est assuré que son arrêté ne portait pas une atteinte excessive à l'équilibre économique de l'exploitation de MmeA... ; à cet égard, la commission consultative des baux ruraux a tenu compte des seules affirmations mensongères de Mme A... ; le préfet n'a ainsi commis aucune erreur d'appréciation : toutes les personnes présentes lors de la visite des lieux ont pu constater que l'atteinte portée à l'exploitation de Mme A...était quasi-nulle ; la résiliation partielle du bail a définitivement pris effet le 25 juin 2015 et un nouvel accès a été créé ;

- par ailleurs, le moyen tiré de la péremption du certificat d'urbanisme est irrecevable car constitutif d'un moyen nouveau présenté hors délai de recours et hors délai d'appel ; ce moyen repose sur une cause juridique distincte de celles invoquées en première instance et dans la requête en appel ;

- au demeurant, la prétendue expiration du certificat d'urbanisme n'est pas constitutive d'une cause d'illégalité de l'arrêté du 9 avril 2014 : si les certificats d'urbanisme confèrent certains droits acquis dans un délai règlementaire, cela ne signifie pas que lesdits certificats sont caduques après expiration dudit délai ; seule l'évolution des dispositions d'urbanisme applicables au terrain concerné peut constituer un motif d'illégalité ; en l'espèce, les règles d'urbanisme n'ont pas évolué depuis la délivrance du premier certificat d'urbanisme du 29 mars 2012 ; de plus, le préfet n'a pas fondé son arrêté sur le premier certificat d'urbanisme ; le certificat d'urbanisme ne constitue pas la base légale de l'arrêté en litige mais ce dernier a été pris exclusivement sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche ;

- enfin, au surplus, les parcelles B n° 14 et B n° 15 sont situées dans le quartier d'Ithurraldia et non d'Ithola qui est seul concerné par l'annulation partielle de la carte communale de Lasse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le certificat d'urbanisme du 29 mars 2012 ne constitue pas la base légale de l'arrêté du 9 avril 2014, qui est prise sur le fondement de l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime ; la circonstance que ce certificat serait devenu caduc à la date de l'arrêté attaqué est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige ;

- le préfet n'a pas apprécié les conséquences de la résiliation au regard de circonstances postérieures à l'autorisation contestée ;

- la requérante ne démontre pas que la résiliation du bail aurait un impact sur son exploitation de nature à remettre en cause l'équilibre économique de celle-ci ; en effet, la résiliation partielle ne représente que 0,64 % de la surface utile de son exploitation.

Par ordonnance du 10 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 24 avril 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier, notamment le procès-verbal de visite sur les lieux dressé le 17 juin 2015 et notifié aux parties le 18 juin 2015.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2017 :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu ;

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public ;

- et les observations de Mme A...;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...exploite sur le territoire de la commune de Lasse des terres agricoles dont elle est propriétaire ainsi que les parcelles cadastrées section B n° 14, 24 et 28 qui appartiennent à Mesdames C...et avec lesquelles elle a conclu un bail rural. Afin de mener à bien un projet de transformation en maison d'habitation d'une ancienne bergerie située sur la parcelle cadastrée section B n° 14, les consorts C...ont sollicité du préfet des Pyrénées-Atlantiques l'autorisation de résilier partiellement le bail rural conclu en tant qu'il porte sur cette parcelle, dans la limite d'une superficie de 17 ares et 95 centiares. Le préfet a autorisé la résiliation partielle du bail par un arrêté du 16 décembre 2013, puis par un arrêté du 9 avril 2014 annulant et remplaçant le précédent. Par un jugement du 31 mars 2015, le tribunal administratif de Pau a écarté les moyens soulevés par Mme A...tirés de l'incompétence de l'auteur de cet arrêté, du vice de procédure et de l'erreur de droit commise et a ordonné, avant dire droit, une visite des lieux. Par un jugement du 31 octobre 2015, le tribunal administratif a écarté le dernier moyen soulevé par Mme A...tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet, et a rejeté la requête de Mme A.... Mme A...interjette appel de ce jugement.

2. L'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime prévoit : " Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu. / En l'absence d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou, lorsque existe un plan local d'urbanisme, en dehors des zones urbaines mentionnées à l'alinéa précédent, le droit de résiliation ne peut être exercé sur des parcelles en vue d'un changement de leur destination agricole qu'avec l'autorisation de l'autorité administrative/ La résiliation doit être notifiée au preneur par acte extrajudiciaire, et prend effet un an après cette notification qui doit mentionner l'engagement du propriétaire de changer ou de faire changer la destination des terrains dans le respect d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, s'il en existe, au cours des trois années qui suivent la résiliation. /Lorsque l'équilibre économique de son exploitation est gravement compromis par une résiliation partielle, le preneur peut exiger que la résiliation porte sur la totalité du bien loué (...) ". L'article D. 411-9-12-1 du même code, applicable aux faits, précise : " La décision administrative prévue à l'article L. 411-32 est prise par le préfet du département après avis de la commission consultative départementale des baux ruraux ". L'autorisation prévue par les dispositions précitées a pour effet de priver le preneur du droit d'exploiter les parcelles dont le bailleur entend changer la destination. Avant de la délivrer, il appartient au préfet de s'assurer que la résiliation du bail ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur.

3. Mme A...soutient en premier lieu que la résiliation partielle du bail rural conclu avec les consorts C...porte une atteinte excessive à l'équilibre de son exploitation agricole compte tenu de l'impossibilité dans laquelle elle se trouverait désormais d'accéder aux parcelles cadastrées section B n° 14 et 28 et d'exploiter 14,69 % de la superficie totale de son exploitation.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'autorisation de résiliation partielle en litige n'entraîne pour Mme A...que la perte de 1 795 m², ce qui représente seulement 0,64 % de la surface agricole utile de l'exploitation disposant de 28,05 hectares. A supposer même que la surface agricole utile exploitée ne serait que de 21,55 hectares comme le fait valoir MmeA..., la surface concernée par la résiliation partielle du bail se limiterait encore à 0,83 % de la surface totale de son exploitation.

5. De plus, si Mme A...soutient que la partie de la parcelle B n° 14 sur laquelle porte la résiliation du bail en litige est indispensable pour accéder à l'îlot que forme le reste de cette parcelle avec la parcelle B n° 28, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, en particulier de l'état des lieux dressé par un expert foncier en juillet 2014 ainsi que du procès-verbal du 11 juin 2015 dressé à la suite de la visite des lieux réalisée par les juges de première instance, que ces parcelles sont, pour les troupeaux comme pour les engins agricoles, accessibles par un chemin rural, de sorte que la résiliation partielle du bail n'entraîne aucune entrave aux déplacements depuis le centre de l'exploitation jusqu'aux terres exploitées par MmeA....

6. Par suite, la résiliation partielle du bail en litige ne peut être regardée comme remettant en cause l'équilibre économique de l'exploitation de MmeA.... Au demeurant, celle-ci ne conteste pas qu'elle emprunte un nouvel accès depuis la voie communale n° 6 aménagé à une quinzaine de mètres plus loin que l'accès disponible avant la résiliation partielle du bail. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal, en autorisant cette résiliation, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, qui a tenu compte de la configuration des lieux prévalant à la date de l'arrêté, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Enfin, l'arrêté préfectoral attaqué n'a pas été pris en application du certificat d'urbanisme positif délivré le 29 mars 2012 ni en application de la réglementation d'urbanisme. Par suite, le moyen selon lequel l'arrêté du préfet du 9 avril 2014 serait privé de base légale du fait de la caducité de ce certificat est en tout état de cause inopérant, tout comme, pour le même motif, le moyen tiré de ce qu'à la suite de l'annulation partielle de la carte communale, la bergerie se situerait en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune et donc en zone non constructible.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par les consortsC..., que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consortsC..., qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts C...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Mme A...versera aux consorts C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., aux consorts C...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Coipe en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 décembre 2017.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 15BX03939


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03939
Date de la décision : 22/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-02-01 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Statut du fermage et du métayage. Baux ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SELARL AJC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-22;15bx03939 ?
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