Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision par laquelle la Commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de lui délivrer un agrément en qualité de dirigeant de la société " A...sécurité ".
Par un jugement n° 1500004 du 27 octobre 2015, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2015, M.A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 27 octobre 2015 ;
2°) d'annuler, d'une part, la délibération du 8 octobre 2013 par laquelle la commission d'agrément et de contrôle Antilles-Guyane a rejeté ses demandes de délivrance d'un agrément en qualité de dirigeant de la société A...Sécurité et d'une autorisation d'exercice au bénéfice de cette société, d'autre part, la délibération du 13 novembre 2014 par laquelle la Commission nationale d'agrément et de contrôle a rejeté son recours administratif préalable dirigé contre le refus d'agrément dont il avait fait l'objet, enfin, la délibération du 13 novembre 2014 par laquelle la Commission nationale d'agrément et de contrôle a rejeté son recours administratif préalable dirigé contre le refus d'autorisation d'exercice au bénéfice de la société A...Sécurité ;
3°) d'enjoindre à la Commission nationale d'agrément et de contrôle de lui délivrer l'agrément et l'autorisation sollicités dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas justifié de l'habilitation spéciale, prévue par le code de la sécurité intérieure et le code pénal, des agents ayant consulté les fichiers de police au cours de l'enquête administrative ; cette irrégularité doit entraîner l'annulation de la décision contestée ;
- les documents consultés ne comportaient aucune mention de condamnation ; la commission ne pouvait dans ces conditions se fonder sur son unique mise en cause, en 2005, dans une affaire pénale, pour lui faire connaître que sa demande d'agrément serait rejetée et pour solliciter en conséquence ses observations ;
- il peut se prévaloir du droit à l'oubli et à la protection des données personnelles compte tenu de sa réhabilitation de plein droit ; la condamnation sur laquelle l'administration se fonde a été effacée de son casier judiciaire après un délai de cinq ans, ainsi que le prévoit le code pénal, soit en 2013 ; c'est ainsi qu'il a pu se voir délivrer une carte professionnelle par le préfet de la Guyane ; l'administration ne peut donc s'appuyer sur un document qu'il lui a adressé, sans lequel elle n'aurait jamais eu connaissance de sa condamnation ;
- la commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne présentait pas les garanties requises en vue de la délivrance d'un agrément ; les faits datant de 2005 sont anciens et isolés ; depuis lors, il a suivi une formation et il est devenu agent de sécurité ; ces faits n'ont pas fait obstacle à la délivrance, en 2011, d'une carte professionnelle d'agent de sécurité ; il a ensuite reçu son diplôme de dirigeant d'entreprise de sécurité et de sûreté en décembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2016, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A...de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en l'absence de précision donnée par le requérant en première instance sur la délibération qu'il entendait contester, le tribunal administratif a considéré qu'il demandait l'annulation de la décision rejetant sa demande d'agrément ; en conséquence, l'intéressé ne saurait solliciter en appel l'annulation de la délibération portant rejet, pour sa société, d'une autorisation d'exercice ;
- les conclusions de M. A...dirigées contre la délibération du 8 octobre 2013 de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle sont irrecevables ; en effet, la décision de la commission nationale s'est substituée à cette délibération initiale ;
- le moyen tiré du vice de procédure résultant de la consultation irrégulière des données personnelles concernant M. A...est irrecevable en appel dès lors qu'il est fondé sur une cause juridique distincte de celle dont procède son moyen de première instance ;
- en tout état de cause, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie est inopérant dès lors que la décision contestée du 13 novembre 2014 se fonde uniquement sur la condamnation prononcée à l'encontre du requérant le 25 juin 2008 par la cour d'appel de Fort-de-France ;
- contrairement à ce que soutient M.A..., l'administration pouvait avoir accès par ses propres moyens au bulletin n° 2 de son casier judiciaire et en tirer elle-même les conséquences ;
- l'argumentation exposée par le requérant sur le droit à l'oubli et à la protection des données personnelles par l'effet d'une réhabilitation de plein droit ne saurait être accueillie ;
- la matérialité des faits reprochés à M. A...est établie et n'est pas contestée par l'intéressé ; ils révèlent un comportement inadapté aux exigences d'honneur, de probité et de moralité et sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes ; ils sont ainsi incompatibles avec l'exercice d'une activité privée de sécurité ;
- la commission n'était pas liée par la décision préfectorale portant sur l'octroi d'une carte professionnelle à l'intéressé ; il appartenait à cette commission de procéder, comme elle l'a fait, à un nouvel examen de la situation de M.A... ; or, l'instruction de son dossier a révélé qu'il a été condamné pour des faits incompatibles avec l'exercice de dirigeant d'une entreprise chargée d'une activité de sécurité privée ; ce dernier ne saurait se prévaloir de ce qu'il est formé aux métiers de la sécurité privée et dispose d'une solide expérience professionnelle dans ce domaine ; l'absence de signalement défavorable depuis les faits répréhensibles commis est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ; dans ces conditions, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 11 août 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 9 décembre 2016 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2011-1919 du 22 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., agent de sécurité, a sollicité un agrément en qualité de dirigeant de la société A...Sécurité ainsi qu'une autorisation d'exercice au bénéfice de cette société. Par une délibération du 8 octobre 2013, la commission d'agrément et de contrôle Antilles-Guyane a rejeté ses demandes. Le 25 juin 2014, l'intéressé a formé à l'encontre de cette délibération un recours administratif préalable obligatoire auprès de la Commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité. Par deux délibérations du 13 novembre 2014 portant respectivement sur le refus d'agrément et le refus d'autorisation d'exercice, cette instance a rejeté son recours administratif. Par un jugement du 27 octobre 2015, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation de la délibération du 13 novembre 2014 de la Commission nationale d'agrément et de contrôle portant rejet de son recours administratif relatif à la délivrance d'un agrément en qualité de dirigeant de la société A...Sécurité. M. A...relève appel de ce jugement et demande à la cour d'annuler l'ensemble des délibérations susmentionnées de la commission d'agrément et de contrôle Antilles-Guyane du 8 octobre 2013 et de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 13 novembre 2014.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le Conseil national des activités privées de sécurité :
En ce qui concerne les conclusions de M. A...dirigées contre la délibération de la commission d'agrément et de contrôle Antilles-Guyane du 8 octobre 2013 :
2. Aux termes de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission régionale d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux ". Selon l'article 29 du décret n° 2011-1919 du 22 décembre 2011 susvisé, dans sa rédaction alors applicable : " Le recours administratif préalable obligatoire devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle prévu à l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure peut être exercé dans les deux mois de la notification, par la commission régionale ou interrégionale d'agrément et de contrôle, de la décision contestée. Cette notification précise les délais et les voies de ce recours. / Toute décision de la Commission nationale d'agrément et de contrôle se substitue à la décision initiale de la commission régionale ou interrégionale d'agrément et de contrôle. Une copie en est adressée à la commission régionale ou interrégionale d'agrément et de contrôle concernée ". Il résulte de ces dispositions que le recours administratif auprès de la Commission nationale d'agrément et de contrôle prévu à l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure constitue un préalable obligatoire à la saisine du juge administratif. L'institution d'un tel recours a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin de fixer définitivement la position de l'administration. Dans ces conditions, la décision prise à la suite de ce recours administratif préalable obligatoire, qui se substitue nécessairement à la décision initiale, est seule susceptible d'être déférée au juge administratif. Dès lors, les conclusions présentées par M. A...et tendant à l'annulation de la décision précitée du 8 octobre 2013 ne peuvent, ainsi que le soutient le Conseil national des activités privées de sécurité, qu'être rejetées comme irrecevables.
En ce qui concerne les conclusions de M. A...dirigées contre la délibération du 13 novembre 2014 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle a rejeté son recours administratif préalable relatif au refus d'autorisation d'exercice au bénéfice de la société A...Sécurité :
3. Ainsi que le fait valoir le Conseil national des activités de sécurité privée, le tribunal a interprété la demande dont il était saisi comme tendant exclusivement à la contestation de la décision de refus d'agrément opposée à M. A...en qualité de dirigeant de la société A...Sécurité, et cette interprétation des conclusions n'est pas discutée en appel. Il en résulte que les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de la délibération du 13 novembre 2014 de la commission nationale d'agrément et de contrôle rejetant son recours administratif préalable relatif au refus d'autorisation d'exercice au bénéfice de la société A...Sécurité sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
Sur la légalité de la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 13 novembre 2014 relative au refus d'agrément opposé à M. A...en qualité de dirigeant de la société A...Sécurité :
4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ; (...) ". L'article L. 612-6 du même code dispose : " Nul ne peut exercer à titre individuel une activité mentionnée à l'article L. 611-1, ni diriger, gérer ou être l'associé d'une personne morale exerçant cette activité, s'il n'est titulaire d'un agrément délivré selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article L. 612-7 du même code : " L'agrément prévu à l'article L. 612-6 est délivré aux personnes qui satisfont aux conditions suivantes : (...) 2° Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; (...). L'agrément ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative (...) que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées. ".
5. En premier lieu, M. A...n'avait présenté en première instance que des moyens relevant de la légalité interne. Les moyens, soulevés pour la première fois en appel, tirés des irrégularités dont serait entachée la procédure à l'issue de laquelle a été édictée la décision attaquée, relèvent de la légalité externe. Ainsi que le fait valoir le Conseil national des activités privées de sécurité, ces moyens, qui se rapportent à une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance, sont dès lors irrecevables et ne peuvent qu'être écartés.
6. En deuxième lieu, en l'absence de disposition législative contraire, l'administration, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle oppose un refus à une demande d'agrément en qualité de dirigeant d'une société de sécurité, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Ainsi, l'exigence d'une habilitation spéciale, prévue par le code de la sécurité intérieure et le code pénal, des agents ayant consulté les fichiers de police au cours de l'enquête administrative, ne conditionne pas la légalité des éléments de preuve recueillis lors de cette enquête. Par ailleurs, l'administration ayant seulement invité M. A...à présenter des observations sur un éventuel rejet de sa demande d'agrément, elle ne peut être regardée comme ayant obtenu de manière déloyale la décision, produite spontanément par l'intéressé à l'appui de ses observations, de la cour d'appel de Fort-de-France du 25 juin 2008 le reconnaissant coupable de faits de violences aggravées. Le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu le principe de loyauté de la preuve doit ainsi, en tout état de cause, être écarté.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que par un arrêt du 25 juin 2008, la cour d'appel de Fort-de-France a condamné M. A...à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violences aggravées. Les faits pour lesquels M. A... a été condamné par cet arrêt revêtu de l'autorité de la chose jugée, dont la matérialité est au demeurant reconnue par le requérant, sont particulièrement graves. Ainsi, M. A..., qui exerçait alors les fonctions de vigile au marché de Cayenne, a participé le 26 janvier 2005, avec plusieurs de ses collègues, à l'agression physique de deux individus, ressortissants du Guyana et de la République dominicaine, qui ont reçu de nombreux coups leur occasionnant diverses contusions et ont en outre subi des humiliations, l'un s'étant vu raser le crâne et l'autre forcé de boire de l'urine. Bien que ces faits soient anciens et ponctuels, compte tenu de leur gravité et de ce qu'ils ont été commis dans le cadre d'une activité de vigile, la Commission nationale n'a pas entaché sa décision de refus d'agrément d'une erreur d'appréciation en estimant que ces agissements étaient incompatibles avec l'exercice des fonctions de dirigeant d'une société de sécurité privée.
8. Enfin, la circonstance que l'administration a délivré le 7 janvier 2011 à l'intéressé une carte professionnelle en vue de l'exercice d'une activité privée de surveillance et de gardiennage, et celle que M. A...a obtenu le 2 décembre 2012 un diplôme de dirigeant d'entreprise de sécurité et de sûreté, sont sans incidence sur la légalité du refus d'agrément en litige.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération de la Commission nationale d'agrément et de contrôle des activités privées de sécurité rejetant son recours administratif préalable contre la délibération par laquelle la commission interrégionale a refusé de lui délivrer un agrément.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution par l'administration. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à l'administration de lui délivrer l'agrément sollicité.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A...au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions formées à ce même titre par le Conseil national des activités privées de sécurité à l'encontre de M.A....
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Conseil national des activités privées de sécurité tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au Conseil national des activités privées de sécurité et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 décembre 2017.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUY
Le président,
Aymard de MALAFOSSE
Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX04240