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19/12/2017 | FRANCE | N°17BX02859

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 19 décembre 2017, 17BX02859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 5 juillet 2017 décidant de sa remise aux autorités italiennes désignées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1701458 du 28 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 août 2017, M.C..., représenté par MeB..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 28 juillet 2017 ains...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 5 juillet 2017 décidant de sa remise aux autorités italiennes désignées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1701458 du 28 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 août 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 28 juillet 2017 ainsi que l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 5 juillet 2017 ;

2°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation personnelle et de lui délivrer les documents nécessaires au dépôt de sa demande d'asile ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (ou de lui accorder à titre provisoire l'aide juridictionnelle).

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé en droit, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'intéressé n'a pas était destinataire dans une langue qu'il comprend, des informations relatives à la procédure mise en oeuvre à son encontre, en méconnaissance des exigences de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 : aucune traduction effective ne peut être retenue dès lors que l'intéressé, d'origine soudanaise est illettré et maîtrise de manière sommaire la langue arabe, de sorte qu'il n'a pas compris les informations qui lui ont été fournies lors de l'entretien individuel qui a eu lieu le 8 décembre 2016 ; il n'est pas établi, en outre, que les informations figurant dans les brochures remises lors de l'entretien individuel lui ont été communiquées oralement ; il n'est pas davantage établi que des informations relatives au délai à l'issu duquel sa remise aux autorités italiennes devait intervenir lui ont été délivrées, en méconnaissance du b) de l'article 4.1 du règlement Dublin III ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ont également été méconnues : les conditions dans lesquelles l'entretien individuel s'est déroulé n'ont pas permis à l'intéressé de s'exprimer librement, notamment sur les raisons de sa fuite du Soudan, et il n'a pas bénéficié d'un délai raisonnable pour formuler des observations ;

- le préfet n'a pas justifié de la compétence et de la qualification de l'agent chargé de l'entretien qui a été mené : on ne connait ni son identité ni sa compétence par éventuelle délégation ;

- les conditions de notification de l'arrêté attaqué ont méconnu les dispositions de l'article 26 du règlement (UE) 604/2013 : la mention de la présence d'un interprète ne suffisant pas à déterminer la nature et le contenu de l'intervention de cet interprète ; ce n'est que grâce à l'intervention d'une aide extérieure que l'intéressé a pu former un recours dans les délais ;

- l'arrêté est entaché, en outre, d'erreur de droit : il est fondé sur la seule prise d'empreintes qui ne doit pas être confondue avec le dépôt d'une demande d'asile ; l'intéressé a seulement franchi la frontière italienne sans déposer de demande d'asile dans ce pays, de sorte que l'arrêté uniquement fondé sur les dispositions de l'article 13§ 1 du règlement Dublin III est illégal ; aucune substitution de motifs n'a été demandée par la préfecture et le tribunal s'est fondé, à tort, sur les dispositions de l'article 29 dudit règlement ;

- les graves carences de l'Etat italien devaient entraîner la poursuite, par la France, de l'examen de sa demande d'asile, en application de l'article 3.2 du règlement et par application de la clause humanitaire prévue à l'article 15 du règlement 604/2013 ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : sa région natale est en situation de conflit généralisé et il était le chef de tribu Four, dans un village qui a été détruit par des milices gouvernementales ; il a été arrêté, séquestré, a subi des violences qualifiables d'actes de torture ; il est accusé de faire partie de la résistance ; il a donc fui son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2017, le préfet des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé ; en particulier :

- le droit à l'information a été respecté : l'étranger s'est vu délivrer, le 8 décembre 2016, quatre brochures d'informations dans une langue qu'il a déclaré comprendre ; il a d'ailleurs rédigé un courrier daté du 12 décembre, afin de présenter ses observations dans le délai de sept jours qui lui avait été imparti, montrant qu'il avait compris qu'il se trouvait soumis à la procédure Dublin ;

- l'arrêté lui a été notifié le 5 juillet 2017, en présence d'un interprète agréé, et comportait l'ensemble des mentions relatives aux voies et délais de recours ;

- il est suffisamment motivé et procède d'un examen individuel de la situation de ce demandeur d'asile.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 actuellement codifiée dans le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sylvande Perdu a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., né en 1988 au Soudan, est entré irrégulièrement en France, le 31 octobre 2016 selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture des Hautes-Pyrénées. Après avoir constaté par la consultation du fichier Eurodac que les empreintes de M. C...avait été relevées en Italie, le préfet des Hautes-Pyrénées a adressé le 1er février 2017 aux autorités italiennes une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M.C.... Cette demande ayant été implicitement acceptée, le préfet des Hautes-Pyrénées, par un arrêté du 5 juillet 2017, a décidé de remettre M. C...aux autorités italiennes. M. C... relève appel du jugement du 28 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".

3. L'arrêté vise notamment la convention de Genève du 28 juillet1951, le règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié, ainsi que les articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M. C...est entré irrégulièrement en France, que l'attestation d'enregistrement de sa demande d'asile effectuée le 8 décembre 2016 lui a été remise, et que lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait franchi irrégulièrement la frontière de l'Italie où il était entré en provenance d'un Etat tiers le 5 octobre 2016. L'arrêté indique également que les autorités italiennes, saisies le 1er février 2017 d'une demande de transfert en application de l'article 13 §1 du règlement (UE) n° 604/2013, ont implicitement accepté la responsabilité de l'examen de sa demande d'asile. Enfin il fait état des caractéristiques de la situation de M. C...et notamment de ce qu'il ne relève pas des dérogations prévues à l'article 3-2 et à l'article 17 de ce même règlement. Dans ces conditions, cet arrêté expose de manière suffisante les éléments de droit sur lesquels s'est fondé le préfet des Hautes-Pyrénées pour prendre sa décision. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en droit de cet arrêté doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Droit à l'information/ 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment:/ a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ;/ d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ;/ e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel./ 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3./ Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5./ 3. La commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C...s'est vu remettre, le 8 décembre 2016, lors de son entretien individuel, l'ensemble des informations nécessaires au suivi de sa demande d'asile et à l'engagement de la procédure de réadmission, requises par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. S'il fait valoir qu'il est illettré et qu'il ne comprend que sommairement la langue arabe, il a bénéficié lors de cet entretien individuel de l'assistance d'un interprète, en langue arabe, langue que M. C...a déclaré comprendre. Par suite, ainsi que l'a jugé le magistrat désigné, l'intéressé a eu connaissance, dans une langue qu'il a déclaré comprendre, de l'ensemble des informations prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. (...)".

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C...a bénéficié, ainsi qu'il a déjà été dit au point 5, d'un entretien individuel le 8 décembre 2016. Le compte rendu de cet entretien individuel, qui est revêtu du nom et de la signature de M.C..., mentionne que l'entretien a été réalisé en arabe, en présence d'un interprète assermenté, et que le requérant a déclaré comprendre cette langue. D'autre part, les dispositions précitées ne font pas obstacle à ce que l'entretien individuel soit mené par un agent de préfecture. Et en tout état de cause, l'appelant n'apporte aucun élément de nature à établir que l'agent de préfecture qui s'est entretenu avec lui n'aurait pas été qualifié pour procéder à cet entretien avec le concours d'un interprète.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé: " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. (...) 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations (...) sur les délais applicables à (...) la mise en oeuvre du transfert (...). ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée mentionne en son article 2 que le transfert de M. C...vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile devra avoir lieu dans un délai de six mois suivant l'accord des autorités italiennes et que ce délai pourra être porté à douze mois en cas d'emprisonnement et à dix-huit mois en cas de fuite en application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013. En outre, il ressort des mentions figurant sur l'arrêté produit par le requérant en première instance que cet arrêté lui a été notifié en présence de son interprète. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 13 du même règlement (UE) n° 604/2013: " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) no 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. ". Aux termes, par ailleurs, du b) du paragraphe 1 de l'article 18, dudit règlement : " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a franchi irrégulièrement la frontière de la France alors qu'il venait d'Italie où ses empreintes avaient été relevées et qu'il était entré en Italie en provenance d'un Etat tiers le 5 octobre 2016. Lorsqu'il a présenté sa demande d'asile à la préfecture des Hautes-Pyrénées, il avait franchi irrégulièrement la frontière italienne depuis moins de douze mois. Dès lors, et sans que M. C...ne puisse faire valoir qu'il n'a pas déposé une demande d'asile en Italie, c'est à bon droit que le préfet a saisi les autorités italiennes d'une demande de prise en charge sur le fondement du 1 de l'article 13 du règlement (UE) du 26 juin 2013.

12. L'intéressé n'entrait donc pas dans le champ d'application des dispositions du 1 de l'article 18 du règlement (UE) précité qui prévoient une reprise en charge d'un demandeur qui a déjà présenté une demande d'asile dans un Etat membre. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet des Hautes-Pyrénées ne peut qu'être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".

14. M. C... fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés. Il fait valoir, en outre, qu'il a subi des violences lors du franchissement de cette frontière. Toutefois, les éléments produits à l'instance ne suffisent pas à démontrer l'existence d'un risque sérieux que la demande d'asile du requérant ne soit pas dûment examinée en cas de transfert en Italie, ni que M. C...serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans ce pays, alors que celui-ci est membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, la commission de l'Union européenne n'a pas suspendu les transferts vers l'Italie des demandeurs d'une protection internationale dans le cadre du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, malgré les difficultés auxquelles cet Etat se trouve actuellement confronté. Dans ces circonstances et en l'absence de défaillances systémiques dans la procédure et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, le préfet des Hautes-Pyrénées aurait méconnu les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, doit être écarté.

15. Par ailleurs, selon l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ". Il résulte de ces dernières dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, le préfet des Hautes-Pyrénées a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider de ne pas user de la faculté d'examen de la demande de protection que lui offre l'article 17 précité du règlement.

17. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, également repris à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

18. La décision attaquée a pour effet de remettre le requérant aux autorités italiennes afin que sa demande d'asile soit examinée. M. C...ne peut donc utilement soulever à son encontre les risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

Philippe Pouzoulet, président,

Marianne Pouget, président-assesseur,

Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX02859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 17BX02859
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : OUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-19;17bx02859 ?
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