Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...D...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges de condamner l'État à lui verser une provision de 6 000 euros avec intérêts et capitalisation de ceux-ci à compter du 5 janvier 2016, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de la décision du 7 juillet 2015 par laquelle la directrice de l'agence Pôle Emploi Limousin a refusé de lui verser une allocation temporaire d'attente.
Par ordonnance n° 1700063 du 29 mars 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 15 juin et 24 novembre 2017, M.D..., représenté par MeC..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance susvisée n° 1700063 ;
2°) de condamner l'État à lui verser une provision de 6 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;
3°) de mettre à la charge de l'État les sommes de 1 920 euros et 2 400 euros à verser à Me C...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande en référé-provision devant le juge des référés du tribunal administratif de Limoges était composée d'un fichier contenant la requête, d'un fichier contenant l'inventaire des pièces jointes, et de fichiers distincts pour chacune des pièces jointes, individualisées, qui peuvent être téléchargées séparément dans l'application Télérecours ; elle était donc déposée de manière conforme aux dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;
- la décision de refus de versement de l'allocation temporaire d'attente (ATA) n'est pas motivée en droit et la décision de rejet de la demande préalable d'indemnisation se borne à renvoyer à une circulaire interministérielle du 3 novembre 2009 illégale et annulée et mentionne les articles R. 5423-18 et suivants du code du travail sans les détailler ;
- on ne peut, comme l'a fait Pôle Emploi, refuser de lui verser l'ATA au motif qu'il n'a présenté cette demande que le 16 juin 2015 et aucune faute de sa part ne peut exonérer l'administration de sa responsabilité ; d'ailleurs en application du 1. de l'article 13 de la directive UE du 27 janvier 2003, le droit à l'ATA prend effet à la date à laquelle l'allocataire remplit les conditions prescrites par le code du travail et non celle à laquelle il présente sa demande ;
- il remplissait les conditions pour bénéficier de l'ATA notamment être âgé de plus de 18 ans et justifier de ressources mensuelles inférieures au RSA ;
- la décision de refus de versement est contraire à l'article 13 de la directive UE 2003/09 du 27 janvier 2003 et ses textes de transcription en droit interne, lesquels sont intervenus tardivement ;
- elle est également contraire au droit à la dignité et au droit d'asile, reconnus par les articles 1er et 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui a acquis valeur contraignante avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 ;
- elle viole l'article 11 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi que le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ;
- elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité de la décision de refus d'ATA est à l'origine d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence qui, au stade du référé, peut être évalué à 5 000 euros ;
- le refus de versement d'ATA est également à l'origine d'un préjudice matériel puisqu'il n'a pu percevoir la somme de 6 105,60 euros.
Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2017, le ministre de l'intérieur demande à ce que seul Pôle Emploi soit regardé comme partie en défense à cette instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2017, Pôle Emploi Nouvelle Aquitaine, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête de M.D....
Il soutient que :
- l'action indemnitaire entreprise par M. D...est atteinte de forclusion en application de l'article R. 5423-28 du code du travail ;
- la requête au fond est irrecevable pour tardiveté, la décision du 5 janvier 2017 rejetant la demande d'indemnisation étant purement confirmative de la décision de rejet du versement de l'allocation du 7 juillet 2015 ;
- les autres moyens de la requête n'établissent pas le caractère non sérieusement contestable de la créance.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Mège,
- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...relève appel de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande de condamnation de l'État à lui verser une provision de 6 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision de Pôle Emploi de lui refuser le bénéfice de l'allocation temporaire d'attente pour la période du 2 mars 2012 au 19 septembre 2014.
2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, mentionnés à l'article R. 772-5, y compris le contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 ; /(...) 8° Sauf en matière de contrat de la commande publique sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. / Les ordonnances prises sur le fondement du titre IV du livre V sont également rendues en premier et dernier ressort lorsque l'obligation dont se prévaut le requérant pour obtenir le bénéfice d'une provision porte sur un litige énuméré aux alinéas précédents. (...) ".
3. Les dispositions du code du travail relatives à l'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi comportent, dans leur version en vigueur du 2 mars 2012 au 10 août 2014, un article L. 5423-8, selon lequel peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente " 1° Les ressortissants étrangers dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France et qui ont présenté une demande tendant à bénéficier du statut de réfugié, s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources ".
4. Le litige relatif à l'indemnisation d'une personne s'estimant privée de manière illégale du bénéfice de l'allocation temporaire d'attente constitue, au sens des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, un litige relatif aux prestations attribuées en faveur des travailleurs privés d'emploi. Il en résulte que l'ordonnance attaquée, qui rejette une demande de provision fondée sur la privation du bénéfice de cette allocation, a été rendue par le juge des référés du tribunal administratif statuant en premier et dernier ressort et que la requête de M. D...ne relève dès lors pas de la compétence de la cour administrative d'appel mais de celle du Conseil d'Etat statuant comme juge de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de transmettre le dossier au Conseil d'État.
DECIDE :
Article 1er : Le dossier de M. D...est transmis au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à Pôle Emploi Nouvelle Aquitaine et au Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
Mme Christine Mège, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.
Le rapporteur,
Christine Mège
Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre d Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX01891