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19/12/2017 | FRANCE | N°15BX00868

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 19 décembre 2017, 15BX00868


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...H...et Mme K...O...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2011 par lequel le président de la communauté urbaine de Bordeaux a préempté l'immeuble situé sur les parcelles cadastrées AK n° 73, 74 et 75 sur le territoire de la commune du Taillan-Médoc.

Par un jugement n° 1204472 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés re

spectivement le 13 mars 2015 et le 8 juillet 2015, M. H...et MmeO..., représentés par MeB..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...H...et Mme K...O...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2011 par lequel le président de la communauté urbaine de Bordeaux a préempté l'immeuble situé sur les parcelles cadastrées AK n° 73, 74 et 75 sur le territoire de la commune du Taillan-Médoc.

Par un jugement n° 1204472 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 13 mars 2015 et le 8 juillet 2015, M. H...et MmeO..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 janvier 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de préemption du 23 octobre 2012 du maire du Taillan-Médoc ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Taillan-Médoc une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur qualité d'acquéreurs évincés de la parcelle préemptée leur donne intérêt à agir ;

- leur demande devant le tribunal administratif de Bordeaux n'était pas tardive dès lors que les délais de recours contentieux n'avaient pas commencé à courir à leur encontre faute de notification de la décision contestée ;

- le projet justifiant la préemption n'existe pas ; en effet les constructions dont le permis de construire a été délivré le 29 décembre 2010 sont achevées et habitées ;

- la décision a été prise par une autorité incompétente dès lors qu'il n'est pas justifié de l'existence et de la régularité d'une délégation du conseil de communauté au président pour exercer le droit de préemption en cause ;

- la décision, qui se borne à faire référence à un programme de constructions de logements en cours d'élaboration sans en mentionner la nature, est insuffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;

- la décision est contraire aux articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme dès lors que l'opération projetée, telle qu'elle est définie tant par la délibération du 27 mai 2011 relative à la définition d'un périmètre de prise en considération au sens de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme que par l'indication de la réalisation d'une voie nécessaire à la mise en oeuvre d'un programme de construction, ne constitue pas une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;

- un tel projet n'est pas d'intérêt général ;

- il n'est pas justifié de la réalité du projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2015, Bordeaux Métropole se substituant à la communauté urbaine de Bordeaux, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. H...et Mme O... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du 23 octobre 2012 sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;

- la requête, qui se présente comme la copie intégrale de la demande devant le tribunal, ne respecte pas les exigences de motivation de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et est dès lors irrecevable ;

- M. H...et Mme O...ne justifient pas d'une qualité leur donnant intérêt à agir contre la décision de préemption ;

- leur demande devant le tribunal administratif était tardive, sans qu'y fasse obstacle l'absence de notification de la décision de préemption à leur égard dès lors que l'article L. 213-9 du code de l'urbanisme n'imposait alors la notification qu'à destination du propriétaire et que la notification au notaire, qui est regardée par la jurisprudence comme valant notification aux personnes dont il est le mandataire, a fait courir les délais de recours qui étaient expirés ;

- les moyens soulevés par M. H...et Mme O...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 septembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 9 novembre 2015 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Mège,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant M. H...et MmeO..., et de MeN..., représentant Bordeaux Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 11 octobre 2011, le président de la communauté urbaine de Bordeaux a exercé le droit de préemption sur les parcelles cadastrées AK n° 73, 74 et 75 situées sur le territoire de la commune du Taillan-Médoc. M. H...et Mme O...ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'annulation de cette décision que le tribunal a rejeté par jugement n° 1204472 du 15 janvier 2015. M. H...et Mme O... ont saisi la cour d'une requête par laquelle ils demandent l'annulation de ce jugement et doivent être regardés, eu égard à la teneur des moyens soulevés, comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision de préemption du 11 octobre 2011, en dépit de l'erreur d'identification de la décision de préemption contestée dans leurs conclusions.

2. Sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par Bordeaux Métropole à la recevabilité de la requête d'appel et de la demande devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur l'incompétence du président de la communauté urbaine de Bordeaux :

3. L'article L. 2122 du code général des collectivités territoriales, applicable aux communautés de communes en vertu des dispositions de l'article L. 5211-1 du même code, dispose que le maire peut " par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire(...) ". Le conseil communautaire de la communauté urbaine de Bordeaux a, par délibération du 22 octobre 2010, régulièrement affichée au siège de la communauté urbaine le 2 novembre 2010, prise sur le fondement de ces dispositions et suffisamment précise, régulièrement délégué à son président compétence pour exercer le droit de préemption urbain au nom de la communauté urbaine de Bordeaux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du président de la communauté urbaine de Bordeaux pour décider de préempter les parcelles AK n° 73, 74 et 75 situées sur le territoire de la commune du Taillan-Médoc, membre de la communauté urbaine de Bordeaux, n'est pas fondé et doit être écarté.

Sur les autres moyens :

4. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans la cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. ". Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires ou délégataires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. Les exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision fait référence aux dispositions de la délibération délimitant le périmètre dans lequel la collectivité décide d'intervenir pour l'aménager et en améliorer la qualité urbaine et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener pour améliorer la qualité urbaine au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer l'action ou l'opération d'aménagement prévue par la délibération délimitant ce périmètre à laquelle la décision de préemption participe, soit renvoyer à cette délibération elle-même si celle-ci permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie.

En ce qui concerne la motivation de la décision de préemption :

5. La décision de préemption du 11 octobre 2011, après avoir fait état de la localisation des parcelles dans le périmètre de prise en considération du projet d'aménagement du secteur Gelmès Renouille délimité par délibération du 27 mai 2011, indique que cette acquisition est " plus particulièrement nécessaire à la réalisation d'une voie de désenclavement de l'îlot foncier considéré dont le principe de liaison avec la rue de l'Ecureuil est prévu par l'orientation d'aménagement G45 du plan local d'urbanisme, cet aménagement étant à ce jour indispensable à la mise en oeuvre d'un programme de construction de logements mixtes en cours d'élaboration ". De telles indications permettent de connaître la nature de l'opération à laquelle la préemption doit concourir. Ainsi la décision contestée répond aux exigences de motivation résultant des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme précité. Par suite le moyen tiré du défaut de motivation, invoqué au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne la justification de la préemption :

6. Ainsi qu'indiqué au point précédent, la préemption des parcelles cadastrées AK n° 73, 74 et 75 a été exercée dans le but de permettre la création d'une voie de liaison entre la rue de l'Ecureuil et un programme de construction de 59 logements, ayant vocation à renforcer l'offre de logements sociaux sur le territoire de la commune du Taillan-Médoc, pour lequel le permis de construire avait été délivré le 29 décembre 2010. A la date de la préemption exercée le 11 octobre 2011, le plan local d'urbanisme de la communauté urbaine de Bordeaux grevait en outre de servitudes de mixité sociale plusieurs terrains situés dans le même secteur dont la réalisation renforçait la nécessité de créer une voie nouvelle de désenclavement sur les parcelles préemptées. Dans ces conditions, la communauté urbaine de Bordeaux justifie de la réalité, à la date de la préemption, de ce projet sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le terrain n'ait pas été aménagé à cet effet à la date du 3 juillet 2015. Une telle opération présente un intérêt général et répond aux objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de l'absence de justification de l'existence d'un projet répondant aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme n'est pas fondé.

7. En dernier lieu, la circonstance que M. H...et Mme O...ont fait l'objet d'une procédure d'expropriation, suivie d'une demande d'expulsion, diligentée par la communauté urbaine de Bordeaux au cours des années 2009 et 2010, et que la commune du Taillan-Médoc a fait usage le 23 octobre 2012 de son droit de préemption sur une autre parcelle également située dans la commune du Taillan-Médoc pour laquelle ils avaient signé un compromis, ne suffit pas à d'établir l'existence d'un détournement de pouvoir alors que la décision de préemption répond aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.

8. Il résulte de ce qui précède que M. H...et Mme O...ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision de préemption prise par le président de la communauté urbaine de Bordeaux le 11 octobre 2011. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Taillan-Médoc, qui n'est, en tout état de cause, pas partie à l'instance, la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérants une somme de 1 500 euros à verser à Bordeaux Métropole en application des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. H...et Mme O...est rejetée.

Article 2 : M. H...et Mme O...verseront la somme de 1 500 euros à Bordeaux Métropole en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...H..., à Mme K...O..., à Bordeaux Métropole, à Mme M...G..., à Mme F...G..., à Mme L... G..., à Mme A...G..., à M. E...G..., à Mme I... G... et à M. J...G....

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.

Le rapporteur,

Christine Mège

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 15BX00868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX00868
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Christine MEGE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL REFLEX DROIT PUBLIC (LYON)

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-19;15bx00868 ?
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