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19/12/2017 | FRANCE | N°15BX00867

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 19 décembre 2017, 15BX00867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...F...et Mme H...I...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2012 par lequel le maire du Taillan-Médoc a préempté l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée AB n° 215.

Par un jugement n° 1204473 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2015, M. F...et MmeI..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annul

er ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 janvier 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...F...et Mme H...I...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2012 par lequel le maire du Taillan-Médoc a préempté l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée AB n° 215.

Par un jugement n° 1204473 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2015, M. F...et MmeI..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 janvier 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de préemption du 23 octobre 2012 du maire du Taillan-Médoc ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Taillan-Médoc une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'ils justifient de leur qualité d'acquéreurs évincés de la parcelle préemptée leur donnant intérêt à agir ;

- leur demande devant le tribunal administratif de Bordeaux n'était pas tardive dès lors que les délais de recours contentieux n'avaient pas commencé à courir à leur encontre faute de notification de la décision contestée ;

- la décision a été prise par une autorité incompétente dès lors qu'il n'est pas justifié de l'existence d'une délégation du droit de préemption de la communauté urbaine de Bordeaux à la commune du Taillan-Médoc et de sa régularité, et, à supposer même cette délégation établie et régulière, dès lors qu'il n'est pas justifié de l'existence et de la régularité d'une délégation du conseil municipal du Taillan-Médoc au maire pour exercer le droit de préemption en cause ;

- la décision, qui se borne à se référer à un projet d'aménagement sans en mentionner la nature ni indiquer en quoi l'immeuble est concerné, est insuffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;

- la décision est contraire aux articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme dès lors que la nature de l'opération projetée n'est pas connue et qu'ainsi l'intérêt général qui s'y attacherait ne peut être vérifié ;

- il n'est pas justifié de la réalité du projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2015, la commune du Taillan-Médoc, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. F...et Mme I...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est parfaitement fondé dès lors que les demandeurs n'avaient pas produit le compromis de vente ;

- les moyens soulevés par M. F...et Mme I...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 août 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 16 septembre 2015 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Mège,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. F...et MmeI..., et de MeC..., représentant la commune du Taillan-Médoc.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 23 octobre 2012, le maire du Taillan-Médoc a exercé le droit de préemption de la commune sur la parcelle cadastrée AB n° 215 sur le territoire de cette commune. M. F...et Mme I...relèvent appel du jugement n° 1204473 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour rejeter comme irrecevable la demande d'annulation de la décision de préempter la parcelle AB n° 215 présentée par M. F...et MmeI..., le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur l'absence de justificatifs produits à l'appui de l'invocation de leur qualité d'acquéreurs évincés de cette parcelle.

3. Toutefois M. F...et Mme I...produisent, pour la première fois en appel, le compromis de vente signé devant notaire le 10 août 2012 portant sur la cession à leur profit de la parcelle AB n° 215. La qualité d'acquéreur évincé de ladite parcelle leur confère un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision de préemption. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement est irrégulier et doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. F... et Mme I...devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur la légalité de la décision de préemption :

En ce qui concerne la compétence du maire du Taillan-Médoc :

5. D'une part, en vertu de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, la communauté urbaine de Bordeaux, qui est compétente pour l'élaboration des documents d'urbanisme et la réalisation de zones d'aménagement concerté, est compétente de plein droit en matière de droit de préemption urbain. Par arrêté du 23 octobre 2012, rendu exécutoire le jour même par sa transmission au préfet de la Gironde, la communauté urbaine de Bordeaux a régulièrement délégué à la commune du Taillan-Médoc son droit de préemption en vue de l'acquisition du terrain cadastré section AB n° 215. D'autre part, l'article L. 2122 du code général des collectivités territoriales dispose que le maire peut " par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire (...) ". Le conseil municipal du Taillan-Médoc a, par délibération du 15 mars 2008, prise sur le fondement de ces dispositions et suffisamment précise, régulièrement délégué au maire compétence pour exercer le droit de préemption urbain au nom de la commune. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du maire du Taillan-Médoc pour décider de préempter la parcelle section AB n° 215 n'est pas fondé et doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

6. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans la cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. ". Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires ou délégataires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. Les exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision fait référence aux dispositions de la délibération délimitant le périmètre dans lequel la collectivité décide d'intervenir pour l'aménager et en améliorer la qualité urbaine et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener pour améliorer la qualité urbaine au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer l'action ou l'opération d'aménagement prévue par la délibération délimitant ce périmètre à laquelle la décision de préemption participe, soit renvoyer à cette délibération elle-même si celle-ci permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie.

S'agissant de la motivation de la décision de préemption :

7. La décision de préemption du 23 octobre 2012 mentionne que la parcelle préemptée est située dans le périmètre de prise en considération du projet d'aménagement du secteur de Cassenore-Puy du Luc adopté par délibération du 21 juillet 2006. Cette délibération du 21 juillet 2006 du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux, titulaire du droit de préemption qu'elle a délégué à la commune du Taillan-Médoc dans les conditions rappelées au point 5, peut être regardée comme délimitant un périmètre dans lequel la collectivité décide d'intervenir pour l'aménager et en améliorer la qualité urbaine. Elle mentionne les principaux axes d'aménagement retenus pour ce secteur, notamment la création d'une trame viaire plus étoffée, celle d'une trame d'espaces verts inondables, des aménagements de carrefours, l'implantation d'équipements scolaires et de loisirs ainsi que l'urbanisation plus dense des espaces intersticiels devant permettre la création à terme d'environ 600 logements. Dans ces conditions, cette délibération, qui comporte en outre une estimation financière des participations de chaque collectivité impliquée dans ce projet d'aménagement, doit être regardée comme définissant la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie et à laquelle la préemption doit concourir. Ainsi la décision contestée répond aux exigences de motivation résultant des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme précité. Par suite le moyen tiré du défaut de motivation, invoqué au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 doit, en tout état de cause, être écarté.

S'agissant de la justification de la préemption :

8. A la suite de la détermination par la délibération du 21 juillet 2006 du périmètre du secteur de Cassenore - Puy du Luc dans lequel la collectivité décide d'intervenir pour l'aménager et en améliorer la qualité urbaine, l'étude réalisée sur ce secteur a conclu à la nécessité d'une vision globale de l'aménagement des secteurs de cette entrée d'agglomération. Une étude urbaine réalisée en vue de définir l'opportunité du développement futur des territoires dits de Gelès et de Renouille au nord du centre bourg du Taillan-Médoc a également identifié des enjeux de continuité de ce secteur avec celui de Cassenore-Puy du Luc ainsi que la nécessité de modifier le zonage réglementaire prévu par le plan local d'urbanisme dont les dispositions en vigueur ne permettent pas de garantir un développement qualitatif du secteur. Dans ces conditions, la commune du Taillan-Médoc doit être regardée comme ayant décidé, à la date de la décision de préemption intervenue le 23 octobre 2012, d'intervenir dans le secteur de Cassenore- Puy du Luc, où est située la parcelle préemptée, pour l'aménager et en améliorer la qualité urbaine. Un tel projet d'aménagement présente un intérêt général et répond aux objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de l'absence de justification de l'existence d'un projet répondant aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme n'est pas fondé.

9. En dernier lieu, ni la circonstance que M. F...et Mme I...ont fait l'objet d'une procédure d'expropriation diligentée par la communauté urbaine de Bordeaux au cours des années 2009 et 2010, suivie d'une demande d'expulsion, ni celle que la communauté urbaine de Bordeaux a fait usage le 11 octobre 2011 de son droit de préemption sur une autre parcelle également située dans la commune du Taillan-Médoc pour laquelle ils avaient signé un compromis, ne permettent d'établir l'existence d'un détournement de pouvoir alors que la décision de préemption répond aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.

10. Il résulte de ce qui précède que M. F...et Mme I...ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision de préemption prise par le maire du Taillan-Médoc le 23 octobre 2012. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Taillan-Médoc la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérants une somme de 1 500 euros à verser à la commune du Taillan-Médoc en application des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1204473 du 15 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande de M. F...et Mme I...devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.

Article 3 : M. F...et Mme I...verseront la somme de 1 500 euros à la commune du Taillan-Médoc en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...F..., à Mme H...I..., à la commune du Taillan-Médoc et à Mme D...E....

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.

Le rapporteur,

Christine Mège

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 15BX00867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX00867
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Christine MEGE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL REFLEX DROIT PUBLIC (LYON)

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-19;15bx00867 ?
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