Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 3 avril 2017 par lequel le préfet de la Charente a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n°1701216 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 août 2017, M.A..., représenté par Me Rahmani, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 juillet 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 avril 2017 susmentionné ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " et, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Concernant la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une incompétence de son auteur dès lors qu'elle a été signée par le secrétaire général de la préfecture, M. B...D... ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et a été prise en méconnaissance de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est en effet signataire d'un contrat d'apprentissage du 7 septembre 2016 d'une durée de deux ans ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est constant qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de ses dix-huit ans ;
- le préfet de la Charente commet une erreur manifeste d'appréciation lorsqu'il considère qu'il exerce un simple stage d'observation ;
- la décision contestée a été prise en violation du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est entré depuis mars 2015, qu'il s'est totalement investi dans la recherche d'une insertion professionnelle et d'une insertion sociale et qu'il a créé des liens personnels et familiaux intenses et stables en France ;
Concernant la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gil Cornevaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A..., ressortissant guinéen, né le 10 janvier 1999 à Conakry (Guinée) est entré en France, selon ses allégations en mars 2015. Il a été pris en charge par le service d'aide sociale à l'enfance du département de la Charente suite à une décision du juge des enfants du tribunal de grande instance d'Angoulême du 11 janvier 2016. Par suite, il a sollicité un titre de séjour le 26 janvier 2017. Par arrêté du 3 avril 2017, le préfet de la Charente a pris une décision portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser le titre de séjour sollicité à M. A..., le préfet de la Charente s'est fondé sur le caractère frauduleux de la demande de M. A... présentée à l'appui de documents frauduleux.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 111-6 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Aux termes de l'article 22-1 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : " Par dérogation aux articles 21 et 22 et sous réserve d'exceptions prévues par décret en Conseil d'Etat, lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. / Dans le délai prévu aux articles 21 et 22, l'autorité administrative informe par tous moyens l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. / En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis tant par l'autorité administrative que par l'intéressé. ".
5. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état-civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. L'obligation, résultant pour l'autorité administrative des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000, d'informer l'étranger de ce qu'elle procède ou fait procéder à des vérifications constitue pour cet étranger une garantie qui ne trouve à s'appliquer que lorsqu'il doit être procédé à des vérifications auprès des autorités étrangères en vertu de l'alinéa précédent du même article.
6. Pour refuser le titre de séjour sollicité par M. A...sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Charente s'est fondé sur un rapport technique établi par un analyste en fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale de la police aux frontières (DZPAF) chargé d'analyser le jugement supplétif d'acte de naissance et le passeport guinéen présenté par l'intéressé. Après avoir conclu que le passeport guinéen de M. A... était conforme aux critères définis par la réglementation en vigueur, l'analyste a toutefois relevé, pour rendre " un avis défavorable " à cette étude, que l'extrait d'acte de naissance de l'intéressé était accompagné d'une photocopie de jugement supplétif de naissance, document établi le 11 août 2015 par le tribunal de grande instance de Conakry et que la production de ce document était incohérente, la naissance ne pouvant être déclaré " deux fois " en l'espace de quinze ans. Toutefois, il est constant que c'est sur la base de ces extraits d'actes de naissance que les autorités guinéenne du consulat général de Guinée à Paris ont délivré à M. A...son passeport, sans émettre à cette occasion la moindre réserve quant à leur authenticité et leur valeur probante. En outre, le rapport susmentionné de la direction zonale de la police aux frontières (DZPAF) ne fait qu'émettre des doutes sur les conditions de délivrance des extraits d'actes de naissance sans conclure de manière formelle à leur caractère apocryphe. Dans ces conditions, en retenant, pour rejeter la demande de délivrance du titre de séjour présentée par M.A..., le motif que cette demande " est de nature frauduleuse basée sur des documents frauduleux ", le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Charente n'établit pas le caractère inexact ou dépourvu d'authenticité de l'acte d'état civil litigieux. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme étant entré en France avant d'avoir atteint l'âge de dix huit ans. Il n'est pas contesté qu'il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, par décision du juge des enfants du tribunal de grande instance d'Angoulême du 11 janvier 2016, soit à l'âge de dix-sept ans.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande et que, par l'arrêté contesté, le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer la carte de séjour temporaire demandée. Par voie de conséquence, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire contenue dans cet arrêté est entachée d'illégalité.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
9. Eu égard aux motifs qui la fondent, l'exécution de l'annulation prononcée n'implique pas que le préfet de la Charente délivre à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Le présent arrêt implique seulement que le préfet de la Charente procède au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A...dans le délai de deux mois.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à Me Rahmani, avocat de M.A..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1701216 du 13 juillet 2017 du tribunal administratif de Poitiers et l'arrêté du 3 avril 2017 du préfet de la Charente sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Charente de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Rahmani avocat de M.A..., la somme de 800 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 décembre 2017.
Le rapporteur,
Gil Cornevaux
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 17BX02751