Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société ADS CA'R a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er décembre 2008 au 31 octobre 2010 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1201742 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 10 novembre 2015 et 14 septembre 2016, MeA..., liquidateur de la société ADS CA'R, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 8 octobre 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif ne pouvait, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal correctionnel de Châteauroux du 11 mars 2015, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bourges du 12 novembre 2015, juger qu'elle ne pouvait ignorer que les opérations qu'elle réalisait présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, l'administration n'ayant pas indiqué l'origine des informations relatives aux certificats d'immatriculation et aux certificats d'acquisition intra-communautaires ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, elle n'a jamais remis les quitus et certificats d'immatriculation au vérificateur ; en tout état de cause, ces documents auraient dû lui être communiqués ; l'administration n'a par ailleurs communiqué que partiellement les documents obtenus auprès de tiers ;
- une seconde irrégularité de la procédure d'imposition tient à ce que la somme figurant sur l'avis de mise en recouvrement est supérieure à celle mentionnée dans la proposition de rectification ;
- la société ADS CA'R remplit les conditions d'application du régime sur la marge et se trouve dans une situation conforme aux objectifs de la directive 2006/112/CE ; les éléments recueillis dans le cadre de l'assistance internationale n'établissent pas que les conditions objectives d'application du régime de la marge n'étaient pas remplies ; l'adminisration n'a produit qu'une partie des factures établies par les fournisseurs ; le régime de TVA appliqué aux 62 ventes en litige n'est pas établi ; le fait de prendre livraison des véhicules auprès de vendeurs allemands ne suffit pas à rendre manifeste que ces fournisseurs n'avaient pas la qualité d'assujetis revendeurs ; la mention sur la carte grise d'un professionnel de l'automobile ne permet pas de tirer de conclusions sur le régime de la taxe sur la valeur ajoutée applicable ;
- la position adoptée par le centre des impôts vaut prise de position au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.
Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 9 mai 2016 et 18 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués dans la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 16 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 octobre 2016 à 12h00.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 94/5/CE du Conseil du 14 février 1994 ;
- la directive 2006/112/ CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société ADS CA'R exerce une activité d'achat-revente de véhicules de tourisme d'occasion. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mai 2008 au 31 octobre 2010 à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a, par proposition de rectification du 17 octobre 2011, notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et infligé une amende de 5 % sur le fondement de l'article 1788 A-4 du code général des impôts. Les impositions supplémentaires qui en résultent ont été mises en recouvrement le 30 avril 2012. Par courrier du 25 octobre 2012, le directeur départemental des finances publiques a partiellement fait droit à la réclamation préalable formée par la société requérante. Me A..., liquidateur de la société ADS CA'R, relève appel du jugement du 8 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée laissés à la charge de la société, ainsi que de l'amende précitée.
Sur la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".
3. Il résulte de l'instruction que, lors de la réunion de synthèse qui s'est tenue avec le vérificateur le 23 septembre 2011, l'ensemble des éléments recueillis dans le cadre de l'assistance administrative internationale a été présenté pour consultation au représentant légal de la société ADS CA'R, lequel a par ailleurs été informé que lesdits documents ne seraient pas joints à la proposition de rectification compte tenu de leur nombre important, mais qu'ils demeuraient à sa disposition dans les locaux de la brigade départementale de vérifications de Châteauroux ou pouvaient lui être envoyés en copie, en tout ou partie, sur sa demande. La société ADS CA'R a formulé des observations sur cette proposition de rectification par courrier du 20 décembre 2011, dans lequel elle demandait également que l'ensemble des documents obtenus auprès de tiers lui soient communiqués. Le vérificateur a répondu par un courrier du 22 février 2012 comportant 143 feuilles, dont 127 en annexes recto verso, lesquelles correspondaient à l'ensemble des documents recueillis dans le cadre de l'assistance internationale ainsi qu'aux renseignements transmis par les services des douanes.
4. Me A...fait tout d'abord valoir que le vérificateur n'a pas précisé, dans la proposition de rectification du 17 octobre 2011, l'origine des certificats d'immatriculation et des certificats d'acquisitions intracommunautaires sur lesquels il s'est fondé. Il ressort toutefois des termes mêmes de cette proposition de rectification que la société ADS CA'R était en possession des certificats d'immatriculation d'origine (ex-cartes grises) et des " Fahrzeugbrief " (certificats de propriété allemands) afférents aux véhicules vendus au cours de la période vérifiée, ladite proposition ne faisant par ailleurs nullement état de " certificats d'acquisitions intracommunautaires ". Par ailleurs, la circonstance, alléguée par MeA..., que les quitus fiscaux mentionnés par le vérificateur n'auraient pas été communiqués à la société au cours de la procédure de vérification, n'est pas de nature à révéler une méconnaissance de l'obligation de communication prévue par les dispositions précitées de l'article L.76 bis du code général des impôts dès lors que l'administration n'est pas tenue d'informer le contribuable de l'origine des informations nécessairement détenues par les services de l'administration fiscale en application de dispositions législatives ou réglementaires.
5. Si, dans le dernier état de ses écritures, Me A... fait valoir que le vérificateur aurait formulé une demande de renseignements auprès d'une banque, dont la société ADS CA'R n'aurait pas été informée, il ne ressort ni des termes de la proposition de rectification ni de l'instruction que le vérificateur aurait fondé le redressement en litige sur un ou plusieurs documents obtenus auprès d'une banque, dont la dénomination sociale n'est d'ailleurs pas précisée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, les tableaux annexés à la proposition de rectification adressée à la société indiquant, en annexe III, le montant des droits, intérêts, et majorations de l'article 1729 du code général des impôts, et en annexe IV, les conséquences financières de l'application de l'article 1788 A du même code. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, selon lequel, à l'issue d'une vérification de comptabilité et lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer dans la proposition de rectification le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications, doit être écarté.
7. En troisième lieu, l'avis de mise en recouvrement du 30 avril 2012 fait référence à la proposition de rectification du 17 octobre 2011, à la réponse aux observations du contribuable du 22 février 2012 et à la période vérifiée. Il indique le montant global, et les montants respectifs, des droits, pénalités et intérêts de retard réclamés à la société, soit 652 690 euros, ainsi que le montant de l'amende mise à sa charge au titre de l'article 1788 A du code général des impôts, soit 27 818 euros. Ces montants sont identiques à ceux mentionnés dans les annexes III et IV de la proposition de rectification. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement porterait sur des montants supérieurs à ceux indiqués dans la proposition de rectification et méconnaîtrait ainsi les exigences de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales manque en fait.
Sur le bien-fondé des rappels de TVA :
8. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. / (...) 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du 1° du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".
9. Ces dispositions, issues de la loi du 29 décembre 1994 de finances rectificative pour 1994, ont pour objet de transposer l'article 26 bis de la sixième directive du 17 mai 1977, issu de l'article 1er de la septième directive du 14 février 1994. Il en résulte qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur situé dans un autre Etat membre qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977.
10. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs et mentionnant que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxation sur la marge, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix.
11. La société ADS CA'R a acquis auprès de sociétés espagnoles et roumaines, au cours de la période allant du 1er mai 2008 au 31 octobre 2010, des véhicules d'occasion en provenance d'Allemagne. Les factures d'achat qu'elle a présentées à l'appui de sa comptabilité, dans le cadre de la vérification, mentionnaient, pour ces opérations, l'application du régime de taxation sur la marge.
12. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment des renseignements obtenus auprès des autorités administratives espagnoles et roumaines, que les fournisseurs des véhicules litigieux procédaient à l'acquisition de ces derniers sous le régime des livraisons intracommunautaires exonérées et déclaraient des livraisons intracommunautaires à destination de la société ADS CA'R. Par suite, l'administration démontre que les factures d'achat présentées au vérificateur par cette société contenaient des mentions erronées quant au régime de taxation applicable.
13. En second lieu, il résulte de l'instruction que la société ADS CA'R achetait à ses fournisseurs espagnols et roumains des véhicules d'occasion acquis par ces derniers auprès de sociétés allemandes, que le prix de revente à la société requérante s'établissait généralement à 600 euros au-dessus du prix d'achat fixé par la société allemande, et ce, quelle que soit la valeur du véhicule, le transport du véhicule vers la France, organisé directement à partir de l'Allemagne, étant intégralement pris en charge par la société ADS CA'R. Il résulte surtout de l'instruction que celle-ci détenait les certificats d'immatriculation d'origine et les " Fahrzeugbrief " (certificats de propriétés allemands) afférents aux véhicules achetés puis revendus au cours de la période vérifiée. Elle était ainsi parfaitement informée de l'origine des véhicules litigieux achetés par ses fournisseurs et de l'identité de leurs premiers propriétaires et, notamment, savait que ces véhicules avaient été acquis à l'état neuf auprès de professionnels de l'automobile qui avaient pu déduire le montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquitté lors de leur acquisition et qui ne pouvaient avoir, pour ces véhicules, la qualité d'assujettis revendeurs. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société ADS CA'R qui, compte tenu de la nature de son activité, ne pouvait ignorer la législation applicable en matière de négoce de véhicules d'occasion, savait ou aurait dû savoir que les achats qu'elle effectuait auprès de ses fournisseurs espagnols puis roumains présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients. Ces faits sont suffisamment établis et sont de nature à justifier la remise en cause de l'application par la société, pour les véhicules dont il s'agit, du régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts. Est sans incidence sur le bien-fondé de cette remise en cause le fait que le juge pénal a relaxé les gérants de la société de l'infraction de fraude fiscale au motif que l'élément intentionnel de l'infraction n'était pas établi.
14. Si, dans le dernier état de ses écritures, le liquidateur de la société ADS CA'R invoque, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, une prise de position du service des impôts relative au droit de la société au bénéfice du régime de taxation sur la marge, n'est toutefois produit aucun élément d'où il résulterait une prise de position formelle de l'administration qui pourrait lui être opposée sur le fondement de ces dispositions.
Sur les pénalités :
15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts: " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
16. Il résulte de l'ensemble des circonstances de fait relatées au point 13, dont fait état l'administration, que la société ADS CA'R ne pouvait ignorer que le régime de taxation à la marge prévu à l'article 297 A du code général des impôts ne trouvait pas à s'appliquer aux ventes des véhicules ayant donné lieu aux redressements contestés qu'elle consentait à ses clients. Par suite, et sans que puisse être utilement invoqués les décisions de relaxe du juge pénal, l'administration était fondée à appliquer la majoration prévue à l'article 1729 du même code en cas de manquement délibéré.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement des sommes que Me A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de MeA..., agissant en qualité de liquidateur de la société ADS CA'R, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.
Le rapporteur,
Sylvie CHERRIER
Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX03619