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14/12/2017 | FRANCE | N°15BX02840

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 15BX02840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Guadeloupe a déféré au tribunal administratif de la Guadeloupe Mme E... F...pour contravention de grande voirie et demandé notamment la remise en état des lieux, par démolition de l'ouvrage à usage d'habitation situé sur le domaine public maritime, parcelle cadastrée AS n°341 sur le territoire de la commune de Sainte-Rose.

Par un jugement n°1500209 du 24 juin 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la requête du préfet de la Guadeloupe.

Procédure deva

nt la cour :

Par un recours, enregistré le 17 août 2015, et un mémoire en réplique, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Guadeloupe a déféré au tribunal administratif de la Guadeloupe Mme E... F...pour contravention de grande voirie et demandé notamment la remise en état des lieux, par démolition de l'ouvrage à usage d'habitation situé sur le domaine public maritime, parcelle cadastrée AS n°341 sur le territoire de la commune de Sainte-Rose.

Par un jugement n°1500209 du 24 juin 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la requête du préfet de la Guadeloupe.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 17 août 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 11 janvier 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 24 juin 2015 ;

2°) de condamner Mme E...F...pour contravention de grande voirie à la remise en état des lieux dans le délai d'un mois sous peine d'astreinte ;

3°) de prononcer la peine d'amende prévue par la loi ;

4°) d'ordonner l'exécution d'office de la décision de justice aux frais exclusifs de Mme F... ;

5°) de condamner Mme F...aux dépens et aux frais d'établissement du procès verbal.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; le dernier mémoire de MmeF..., dans lequel elle soutenait pour la première fois qu'elle était propriétaire de la parcelle en cause, a été reçu tardivement par la préfecture, qui n'a alors pas disposé d'un délai suffisant avant l'audience pour discuter ces éléments, sur lesquels le tribunal administratif de Basse-Terre s'est exclusivement fondé ;

- le recours est recevable dès lors que son signataire, M. I...B..., justifie d'une délégation à l'effet de signer tous actes dans la limite des attributions de la sous-direction des affaires juridiques de l'énergie et des transports, conformément à l'article 6 de la décision du 29 janvier 2015 ;

- la demande de première instance était recevable dès lors que son auteur M. Jean-François Colombet justifie d'une délégation de signature générale qui lui avait été donnée par le préfet de la Guadeloupe en vertu de l'arrêté du 23 décembre 2014 ;

- MM. H...C...et A...D...étaient compétents pour dresser le procès verbal de contravention de grande voirie, ces derniers ayant régulièrement prêté serment et étant commissionnés à l'effet de permettre la constatation des infractions aux dispositions du code général de la propriété des personnes publiques ;

- le procès verbal détermine précisément l'infraction en cause et la parcelle concernée ;

- le délai de notification de 10 jours n'est pas prescrit à peine de nullité ;

- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, la parcelle AS 341 n'appartient pas au lotissement créé en 1978 et n'a jamais été vendue à MmeF... ;

- les parcelles situées dans la zone des cinquante pas géométriques font partie du domaine public maritime de l'Etat ; ni la délivrance d'une autorisation d'urbanisme par le maire, ni l'acte de vente conclu entre Mme F...et la commune ne sont de nature à démontrer que cette parcelle ne constitue pas une dépendance du domaine public maritime de l'Etat ;

- il est renvoyé aux écritures de première instance pour justifier du bien-fondé de la contravention de grande voirie ;

- en vertu de l'indépendance des législations de l'urbanisme et de la domanialité publique, une autorisation d'urbanisme ne saurait valoir titre d'occupation du domaine public ; au demeurant, l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable a été retiré le 18 septembre 2015.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 octobre 2015 et le 5 avril 2016, Mme F... conclut au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de première instance déposée par le préfet de la Guadeloupe et le mémoire en appel ont été signés par une autorité incompétente ;

- le procès-verbal a été établi par des agents incompétents car il n'est pas établi que les agents étaient habilités à procéder à ces constatations et assermentés près le tribunal de grande instance de Pointe à Pitre ; par ailleurs, il n'a été signé que par M.C... ;

- le procès-verbal est irrégulier dans la mesure où il ne précise pas l'étendue exacte et complète des travaux et démolitions nécessaires à la remise en état du domaine public, ainsi que la parcelle visée par cette remise en état, alors que sa déclaration de travaux portait sur deux parcelles 369 et 341 ;

- le délai de 10 jours prévu à l'article L.774-2 du code de justice administrative pour la notification du procès-verbal n'a pas été respecté ;

- aucun arrêté préfectoral constatant la délimitation du domaine public n'a été régulièrement publié ; le relevé de propriété ne vaut pas titre de propriété alors qu'au surplus, il s'agit d'une terre non recouverte par la mer ;

- l'arrêté du 31 mars 2015 de non opposition à la déclaration préalable de travaux ne pouvait plus être retiré depuis le 30 juin 2015 ;

- la maison litigieuse est située sur la parcelle AS 340 qui ne relève pas du domaine public, l'appelant ne rapporte pas la preuve que la maison en cause serait située sur la parcelle AS 341.

Par ordonnance du 20 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 9 novembre 2016 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2012-1064 du 18 septembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 15 novembre 2017 :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 12 mars 2014, sur la base de constatations effectuées le 11 mars, à l'encontre de MmeF..., à laquelle il est reproché d'avoir fait édifier sans droit ni titre une construction sur le domaine public maritime sur le territoire de la commune de Sainte-Rose. Le préfet de la Guadeloupe a déféré le 25 mars 2015 Mme F...devant le tribunal administratif de la Guadeloupe aux fins de la voir condamner à remettre le domaine public maritime en son état initial, sous astreinte. Le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relève appel du jugement 24 juin 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté son déféré.

Sur la recevabilité du recours :

2. Aux termes de la décision du 29 janvier 2015, qui présente un caractère réglementaire et a été publiée le 1er février 2015 au Journal officiel de la République française, M. I...B..., adjoint au sous-directeur des affaires juridiques de l'énergie et des transports, a reçu délégation à l'effet de signer, au nom du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, dans la limite des attributions de la sous-direction des affaires juridiques de l'énergie et des transports, tous actes, arrêtés et décisions. Il résulte de l'article 2.3.3 de l'arrêté du 9 juillet 2008 portant organisation de cette administration centrale qu'au sein de cette direction, la sous-direction des affaires juridiques de l'énergie et des transports connaît des questions de domanialité publique. M. B...était dès lors habilité à signer les mémoires, présentés au nom de l'Etat, enregistrés dans la présente instance les 17 août 2015 et 11 janvier 2016.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative " L'instruction des affaires est contradictoire ". Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience (...) ". Le caractère contradictoire de l'instruction fait obligation de communiquer à toutes les parties l'ensemble des mémoires et pièces soumis au débat contradictoire. Ne sont toutefois pas soumis à une telle exigence les répliques et autres mémoires, observations ou pièces par lesquels les parties se bornent à réitérer des éléments de fait ou de droit qu'elles ont antérieurement fait valoir au cours de la procédure.

4. Il ressort du dossier de première instance que Mme F...a déposé le 12 juin 2015 un second mémoire en défense produisant l'acte d'acquisition de parcelles sur lequel se sont fondés les premiers juges pour statuer et rejeter la requête du préfet de la Guadeloupe. Ce mémoire, communiqué le 12 juin 2015, est parvenu le même jour à la préfecture de la Guadeloupe. La clôture d'instruction est intervenue, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, le dimanche 14 juin à zéro heure, trois jours francs avant la date d'audience, fixée au mercredi 17 juin 2015. Dans ces conditions, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à soutenir que l'Etat n'a pas disposé d'un délai suffisant pour que le principe du caractère contradictoire de l'instruction ait été respecté à son égard. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le déféré présenté par le préfet de la Guadeloupe devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.

Sur la recevabilité de la demande :

6. Par un arrêté n°2014-914 en date du 23 décembre 2014, régulièrement publié le 24 décembre 2014 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Guadeloupe, le préfet de la Guadeloupe a donné à M. Jean-François Colombet, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer tous les actes, y compris les requêtes juridictionnelles, à l'exception des réquisitions de la force armée, hors gendarmerie, les arrêtés de conflit et les actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l'Etat dans le département. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de M. G...doit être rejetée.

Sur la régularité des poursuites :

7. Aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance et les officiers de police judiciaire sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie. "

8. Il résulte de l'instruction que le procès-verbal de contravention de grande voirie en date du 12 mars 2014 a été signé par M.C..., ayant le grade de technicien supérieur principal du développement durable en application du décret n° 2012-1064 du 18 septembre 2012 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs du développement durable, entré en vigueur le 1er octobre 2012, dont la carte de commissionnement mentionne qu'il est habilité à constater les infractions au code général de la propriété des personnes publiques . Toutefois, si ce dernier a prêté serment le 11 octobre 2012 devant le tribunal d'instance de Basse Terre, l'examen de l'attestation de prestation de serment produite au dossier révèle que son habilitation ne porte que sur les infractions au code de l'urbanisme et ne mentionne pas expressément qu'il pouvait constater les infractions au code général de la propriété des personnes publiques. Ainsi, le procès-verbal a été dressé par un agent incompétent, ce qui entache d'irrégularité la procédure de contravention de grande voirie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le déféré du préfet de la Guadeloupe doit être rejeté, ainsi que le surplus des conclusions d'appel du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande Mme F...au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500209 du 24 juin 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : Le déféré du préfet de la Guadeloupe est rejeté ainsi que le surplus des conclusions d'appel du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme F...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à Mme E...F.... Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 15BX02840


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02840
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BERNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-14;15bx02840 ?
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