La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2017 | FRANCE | N°15BX01852

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 15BX01852


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL PARALLELE 45, agissant en qualité de mandataire du groupement solidaire d'entreprises composé des sociétés Parallèle 45, Abac, Ageoconseils, Geosat, Geoaquitaine, Pangeo conseil et la SARL PARALLELE 45, agissant en son nom propre, la SOCIETE GEOSAT, la SELARL ABAC, la SELARL AGEO CONSEILS, l'EURL GEO-AQUITAINE et la SOCIETE PANGEO-CONSEIL, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler le marché du 12 juin 2012 portant sur les levés topographiques et levés d'intérieurs de

s lycées et autres établissements du patrimoine de la région Aquitaine c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL PARALLELE 45, agissant en qualité de mandataire du groupement solidaire d'entreprises composé des sociétés Parallèle 45, Abac, Ageoconseils, Geosat, Geoaquitaine, Pangeo conseil et la SARL PARALLELE 45, agissant en son nom propre, la SOCIETE GEOSAT, la SELARL ABAC, la SELARL AGEO CONSEILS, l'EURL GEO-AQUITAINE et la SOCIETE PANGEO-CONSEIL, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler le marché du 12 juin 2012 portant sur les levés topographiques et levés d'intérieurs des lycées et autres établissements du patrimoine de la région Aquitaine conclu avec la société Cyclope Dao, le cabinet Bemoge-SCP Beaumont-Dupuy-Gauzere-Pontet et la société Geomatech et, d'autre part, de condamner la région Aquitaine à leur verser la somme de 85 500 euros en réparation des préjudices subis, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la réclamation préalable du 7 août 2012 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1202861 du 1er avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les contrats relatifs aux lots n° 1, 2, 3 et 4 du marché public de levés topographiques et levés d'intérieurs des lycées et autres établissements du patrimoine de la région Aquitaine, à moins que la région Aquitaine procède à leur régularisation conformément aux motifs du jugement, au plus tard le 31 mai 2015, a fait partiellement droit aux conclusions afférentes à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des demandes des requérantes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement les 3 juin 2015 et 2 août 2016, la SARL PARALLELE 45, agissant en qualité de mandataire du groupement solidaire d'entreprises composé des sociétés Parallèle 45, Abac, Ageoconseils, Geosat, Geoaquitaine, Pangeo conseil, et la SARL PARALLELE 45, agissant en son nom propre, la SOCIETE GEOSAT, la SELARL ABAC, la SELARL AGEO CONSEILS, l'EURL GEO-AQUITAINE et la SOCIETE PANGEO-CONSEIL, représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2015 ;

2°) d'annuler le marché du 12 juin 2012 portant sur les levés topographiques et levés d'intérieurs des lycées et autres établissements du patrimoine de la région Aquitaine conclu avec la société Cyclope Dao, le cabinet Bemoge-SCP Beaumont-Dupuy-Gauzere-Pontet et la société Geomatech ;

3°) de condamner la région Aquitaine à leur verser une somme de 81 206,60 euros TTC, sauf à parfaire à dire d'expert, en réparation des préjudices subis, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la réclamation préalable du 7 août 2012 et de la capitalisation des intérêts ;

4°) à titre subsidiaire, de nommer un expert afin d'évaluer le bénéfice attendu du marché au profit des requérants ;

5°) de mettre à la charge de la région Aquitaine une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le marché est entaché d'un vice d'incompétence de son signataire et aucune régularisation n'est possible, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ;

- l'avis de mise en concurrence était incomplet ;

- les critères de pondération retenus par le pouvoir adjudicateur, qui aboutissent à ce que les offres des entreprises les moins disantes soient systématiquement retenues, sont artificiels ;

- les offres retenues présentaient un caractère anormalement bas et, s'il a sollicité des précisions auprès des candidats concernés, le pouvoir adjudicateur ne s'est pas livré à un contrôle réel et effectif des explications données ;

- les entreprises retenues pour les quatre lots ne présentent pas les garanties techniques et financières exigées par le marché ;

- en ce qui concerne le classement des offres, la région n'a pas tenu compte de la valeur technique des offres et a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas l'offre présentée par le groupement ;

- leur groupement avait des chances sérieuses de remporter le marché ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, toute illégalité est fautive et doit donc se traduire par l'indemnisation du concurrent évincé ; le manque à gagner s'établit à 67 672 euros HT et les frais engagés à 5 500 euros HT.

Par deux mémoires en réplique enregistrés respectivement les 19 août 2015 et 5 septembre 2016, la région Aquitaine conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL PARALLELE 45 de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé s'agissant de la validité du contrat ; dès lors, les conclusions à fin d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de M. C... de la Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SARL PARALLELE 45.

Une note en délibéré présentée par Me A... a été enregistrée le 22 novembre 2017.

Considérant ce qui suit :

1. La région Aquitaine a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution d'un marché relatif aux levés topographiques et levés d'intérieurs des lycées et autres établissements de son patrimoine. Par une décision du 25 mai 2012, le conseil régional d'Aquitaine a informé le groupement solidaire composé des sociétés Parallèle 45, Abac, Ageoconseils, Geosat, Geoaquitaine et Pangeo que ses offres n'avaient pas été retenues. La société Parallèle 45 en sa qualité de mandataire du groupement solidaire et chacun des membres de ce groupement relèvent appel du jugement du 1er avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, annulé les contrats relatifs aux lots n°1, 2, 3 et 4 dudit marché public sauf à ce que la région Aquitaine procède à leur régularisation, conformément aux motifs de son jugement, au plus tard le 31 mai 2015 et, d'autre part, rejeté leur demande tendant à la condamnation de la région Aquitaine à leur verser une indemnité de 70 172 euros HT en réparation de leurs préjudices.

2. Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ces clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.

Sur la validité des contrats contestés :

En ce qui concerne la régularité de l'avis d'appel à la concurrence :

3. Aux termes du 2° du III de l'article 40 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque le montant estimé du besoin est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, le pouvoir adjudicateur est tenu de publier un avis d'appel public à la concurrence dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de l'Union européenne, ainsi que sur son profil d'acheteur. Cet avis est établi conformément au modèle fixé par le règlement de la Commission européenne établissant les formulaires standard pour la publication d'avis en matière de marchés publics. ". Selon l'annexe VII A de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, les avis de marché doivent notamment comporter les éléments suivants : " précisions concernant les délais d'introduction des recours ou le cas échéant, nom, adresse, numéro de téléphone, numéro de télécopieur et adresse électronique du service auprès duquel ces renseignements peuvent être obtenus. ". Enfin, le formulaire standard pour les avis de marché, annexé au règlement d'exécution n° 842/2011 du 19 août 2011, comporte notamment la rubrique : " VI.4.2) Introduction des recours (veuillez remplir la rubrique VI.4.2 ou, à défaut, la rubrique VI.4.3) / Précisions concernant les délais d'introduction des recours : (...) " et la rubrique " VI.4.3) Service auprès duquel des renseignements peuvent être obtenus concernant l'introduction des recours : (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que les acheteurs publics ne sont pas tenus de renseigner, dans l'avis de marché, la rubrique VI.4.2 relative aux délais d'introduction des recours dés lors qu'ils ont précisé, au titre de la rubrique VI.4.3, les coordonnées du service auprès duquel ces renseignements peuvent être obtenus. En l'espèce, et dès lors que la rubrique VI.4.3 est renseignée, les requérants n'établissant ni même n'alléguant que l'information y figurant aurait été incomplète ou insuffisante, le moyen tiré de ce que la rubrique VI.4.2 de l'avis d'appel public à concurrence n'a pas été renseigné ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la méthode de notation :

5. Aux termes de l'article 53 du code des marchés publics : " I.-Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; (...) / II.-Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération. (...) III.-Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue. (...). " .

6. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publiques, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, de telles méthodes de notation.

7. En l'espèce, il ressort de la rubrique IV.2.1 de l'avis d'appel public à concurrence publié au JOUE que l'offre économiquement la plus avantageuse devait être appréciée à partir de deux critères, la valeur technique, assortie d'une pondération de 45 %, et le prix des prestations, assorti d'une pondération de 55 %. La rubrique VI.3 indiquait par ailleurs que " La valeur technique sera appréciée au regard du mémoire présenté sur la qualité des moyens humains et techniques et les dispositions méthodologiques, évalués à parts égales ". Si de telles précisions auraient sans doute gagné à être mentionnées dans la rubrique IV.2.1, relative aux critères d'attribution, et non dans la rubrique VI.3, relative aux informations complémentaires, cette maladresse n'était toutefois pas de nature à induire en erreur les candidats quant aux modalités d'appréciation de la valeur technique des offres, dès lors notamment que ces modalités étaient reprises de manière claire et exhaustive à l'article 5 du règlement de la consultation, et n'a donc pas porté atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats. A cet égard, les 32 offres reçues comportaient toutes le mémoire susmentionné, sur la base duquel les notes techniques ont été attribuées. Le contenu du dossier de candidature à remettre par les candidats était par ailleurs clairement précisé dans la rubrique VI.3 de l'avis d'appel d'offres et à l'article 4 du règlement de la consultation. Par suite, tant les critères de présentation des candidatures que les critères d'attribution du marché ainsi que leur pondération, étaient définis de manière suffisamment claire et précise dans les documents de la consultation.

8. Comme il a été dit, la région Aquitaine a fixé, pour l'attribution du marché public litigieux, deux critères : le prix des prestations, pondéré à 55 %, et la valeur technique, pondérée à 45 %. Pour chaque critère il était prévu que les offres soient notées de 0 à 5, la note afférente au critère du prix résultant de l'application de la formule suivante : 15 x (prix offre moins disante / prix offre considérée) - 10. Si une telle formule conduisait automatiquement, sur le critère du prix, à l'attribution de la note maximale de 5 à l'offre la moins disante, elle ne conduisait en revanche pas à attribuer la note de 0 à l'offre la plus onéreuse, le niveau de la note étant fonction de l'écart de prix existant entre l'offre la moins disante et l'offre considérée. Par ailleurs, la pondération du critère du prix des prestations n'a pas eu pour effet, en l'espèce, de neutraliser l'autre critère en éliminant automatiquement l'offre la plus onéreuse, quel que soit l'écart entre son prix et celui des autres offres et alors même qu'elle aurait obtenu la meilleure note technique. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la formule de notation appliquée par la région aurait eu pour effet d'éliminer l'offre économiquement la plus avantageuse au profit de l'offre la mieux disante sur le seul critère du prix, et ce quel que soit le nombre de candidats. En conséquence, le moyen tiré de ce que la région Aquitaine aurait manqué à ses obligations de mise en concurrence en retenant une telle méthode de notation manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que les candidats retenus ne présentaient pas les " garanties techniques et financières " requises :

9. Les sociétés requérantes soutiennent que les trois attributaires retenus par la région Aquitaine ne présentaient pas les " garanties techniques et financières " exigées par le marché. Elles doivent ainsi être regardées comme invoquant les dispositions de l'article 52 du code des marchés publics selon lesquelles " les candidatures (...) qui ne présentent pas des garanties techniques et financières suffisantes ne sont pas admises ".

10. La production par les sociétés requérantes du compte de résultats de la société Cyclope Dao pour l'année 2011 et de la société Geomatec pour l'année 2010, sans autre précision ni commentaire, ainsi que la mention de leur éloignement géographique du lieu des prestations, ne sont pas de nature à établir que ces deux sociétés ne disposaient pas des capacités financières requises dans l'avis d'appel à concurrence pour mener à bien les prestations prévues par le marché.

11. S'agissant des garanties techniques, les sociétés requérantes, qui ne soutiennent pas que les candidats retenus présentaient des références professionnelles insuffisantes et, de façon générale, que leur candidatures auraient dû être écartées, ne sauraient utilement se prévaloir de ce que les trois candidats attributaires ont obtenu, au regard des offres qu'ils ont déposées, des notes techniques inférieures à celles qu'elle a elle-même obtenues. Une telle argumentation est en effet sans portée utile dès lors que les capacités des candidats à présenter des offres répondant aux besoins du marché ne sauraient dépendre du contenu de ces offres.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que les candidats retenus auraient proposé des offres anormalement basses :

12. Aux termes de l'article 55 du code des marchés publics alors en vigueur : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies (...). Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : / 1° Les modes de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, les procédés de construction ; / 2° Les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le candidat pour exécuter les travaux, pour fournir les produits ou pour réaliser les prestations de services ; / 3° L'originalité de l'offre ; / 4° Les dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée ; / 5° L'obtention éventuelle d'une aide d'Etat par le candidat. (...) ".

13. Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et susceptible de rendre difficile l'exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.

14. Pour établir que la région Aquitaine aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant pour les lots 1 et 2, d'une part, et 4, d'autre part, les offres présentées respectivement par les sociétés Cyclope DAO et Geomatech, dont il est soutenu qu'elles étaient anormalement basses, les requérants se bornent à comparer les montants desdites offres avec les estimations formulées par le région ainsi que les montants de leurs propres offres, sans apporter de précision ou faire état d'éléments de nature à justifier que les offres ainsi retenues, dont les auteurs avaient au demeurant répondu à la demande de justification des prix que leurs avait adressée la région eu égard à leur bas niveau, puissent être regardées comme manifestement sous-évaluées et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché. S'agissant de l'offre présentée par le cabinet Bemoge-SCP Beaumont-Dupuy-Gauzere-Pontet pour le seul lot n° 3, si les réponses apportées par ce cabinet de géomètres experts à la demande de justifications formée par la région étaient moins étayées que celles des deux sociétés susmentionnées, il demeure qu'elles faisaient état de conditions favorables à la réalisation de la mission, à savoir la possession d'archives afférentes aux lycées concernés, le cabinet ayant par ailleurs indiqué dans son offre qu'il affecterait cinq personnes à la mission et justifié avoir d'ores et déjà réalisé des prestations similaires à la satisfaction des personnes publiques concernées. Dans ces conditions, les sociétés requérantes n'établissant ni même n'alléguant qu'une telle offre n'était pas économiquement viable, la circonstance qu'elle était inférieure de 50 % à l'estimation de la région ne suffit pas, en l'espèce, à la faire regarder comme manifestement sous-évaluée et comme de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la région Aquitaine aurait retenu une offre anormalement basse pour chacun des quatre lots du marché.

En ce qui concerne le vice d'incompétence :

15. Comme l'a relevé le tribunal administratif, les contrats litigieux ont été signés par M. D...B..., directeur général des services, alors que l'arrêté du président du conseil régional du 23 novembre 2011 portant délégation de signature en faveur de M. B...n'incluait pas la passation des marchés publics.

16. Toutefois, comme l'a également relevé le tribunal administratif, d'une part, ce vice d'incompétence est le seul entachant la validité des contrats litigieux, d'autre part, il peut être régularisé par la signature des contrats par l'autorité compétente.

17. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 22 octobre 2012 publié au recueil des actes administratifs n° 11, transmis au préfet le 25 octobre 2012 et porté à la connaissance du public par affichage à cette même date, le président du conseil régional d'Aquitaine, qui disposait lui-même d'une délégation en matière de passation de marchés publics par délibération du conseil régional du 16 avril 2010, a donné à M. D...B..., en matière de marchés publics et de délégation de service public, " délégation de signature pour la préparation, la passation, l'exécution et le règlement de ces contrats (...) ". Postérieurement au jugement contesté, et avant la date du 31 mai 2015 fixée par ce jugement, M. B...a signé le 13 avril 2015 les contrats en litige. Dès lors, ces contrats ne sauraient être annulés pour incompétence du signataire.

Sur les conséquences à tirer du vice entachant initialement la procédure de passation :

18. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et les préjudices dont le candidat demande l'indemnisation. Il s'en suit que lorsque l'irrégularité ayant affectée la procédure de passation n'a pas été la cause directe de l'éviction du candidat, il n'y a pas de lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à raison de son éviction. Sa demande de réparation des préjudices allégués ne peut alors qu'être rejetée.

19. En l'espèce, et nonobstant la circonstance que les requérants n'étaient pas dépourvus de toute chance de remporter les contrats en litige, l'incompétence entachant la signature initiale de ces marchés n'a affecté ni la sélection des candidatures, ni le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse, et le vice d'incompétence a été régularisé. Ainsi, il n'y a pas de lien direct de causalité entre l'irrégularité de la procédure et le préjudice économique dont les sociétés requérantes demandent réparation. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par ces sociétés doivent être rejetées.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL PARALLELE 45 et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les contrats contestés sous réserve de leur régularisation avant le 31 mai 2015 et a rejeté leurs conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

21. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région Aquitaine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SARL PARALLELE 45 et autres demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL PARALLELE 45 et autres, prises ensemble, une somme de 1 800 euros au titre des mêmes frais, engagés par la région Aquitaine.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL PARALLELE 45 et autres est rejetée.

Article 2 : La SARL PARALLELE 45, la SOCIETE GEOSAT, la SELARL ABAC, la SELARL AGEO CONSEILS, l'EURL GEO-AQUITAINE et la SOCIETE PANGEO-CONSEIL, prises ensemble, verseront à la région Aquitaine la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL PARALLELE 45, à la société Cyclope DAO, la société Geomatech, au cabinet Bemoge-SCP Beaumont-Dupuy-Gauzere-Pontet et à la région Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 15BX01852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01852
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Formalités de publicité et de mise en concurrence.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Qualité pour contracter.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CABINET LEXIA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-14;15bx01852 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award