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14/12/2017 | FRANCE | N°15BX01342

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 15BX01342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ECM Caly et Paji a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'ordonner la reprise des relations contractuelles entre la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) et elle-même pour l'exécution du marché d'acquisition de caissons métalliques notifié le 4 mars 2013 et de condamner la CINOR à lui verser la somme de 18 451,76 euros, assortie des intérêts de droit à compter du jugement à intervenir, et dans l'hypothèse où la reprise des relations contractuelles ne serait

pas ordonnée, de condamner la CINOR à lui verser une somme de 49 332 euros au t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ECM Caly et Paji a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'ordonner la reprise des relations contractuelles entre la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) et elle-même pour l'exécution du marché d'acquisition de caissons métalliques notifié le 4 mars 2013 et de condamner la CINOR à lui verser la somme de 18 451,76 euros, assortie des intérêts de droit à compter du jugement à intervenir, et dans l'hypothèse où la reprise des relations contractuelles ne serait pas ordonnée, de condamner la CINOR à lui verser une somme de 49 332 euros au titre du bénéfice dont elle a été privée.

Par un jugement n° 1300817 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a seulement condamné la CINOR à verser à la société ECM Caly et Paji une somme de 18 451,76 euros assortie des intérêts à compter du 19 juin 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2015, la communauté intercommunale du Nord (CINOR), représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 29 décembre 2014 ;

2°) de mettre à la charge de la société ECM Caly et Paji une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le marché conclu avec la société ECM Caly et Paji pour l'acquisition de caissons métalliques a été résilié le 26 avril 2013 au motif que les caractéristiques techniques de l'offre de cette société n'étaient pas conformes au cahier des charges du marché ;

- la demande indemnitaire de la société ECM Caly et Paji n'a pas été précédée d'une demande préalable liant le contentieux ; le courrier non daté de la société ECM Caly et Paji produit ne peut être interprété comme une demande indemnitaire en l'absence de demande chiffrée ; le courrier du 3 avril 2013 ne constitue pas davantage une demande indemnitaire ; la société ECM Caly et Paji n'a formé aucune demande indemnitaire après la lettre de résiliation et avant de saisir le tribunal ;

- la résiliation a été prononcée pour motif d'intérêt général, en application de l'article 33 du CCAG applicable aux fournitures courantes et services ( FCS), qui prévoit une indemnisation en deux phases ; elle a proposé à la société ECM Caly et Paji une indemnité de 5% du montant HT du marché, soit un montant de 4 452,95 euros HT, et pour compléter l'indemnité forfaitaire il appartenait à la société ECM Caly et Paji de réclamer une indemnité complémentaire, avec pièces justificatives, dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la décision de résiliation, ce qu'elle n'a pas fait ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- même si la résiliation ne peut être justifiée par un intérêt général, les dispositions contractuelles doivent être respectées ; aucun principe ne s'oppose à ce que des stipulations contractuelles écartent tout droit à indemnisation en cas de résiliation du contrat par la personne publique, et le tribunal administratif de La Réunion aurait dû appliquer les dispositions de l'article 33 du CAG FCS applicable au présent marché ;

- le préjudice de la société ECM Caly et Paji n'est pas suffisamment justifié ; dans le courrier de résiliation du 26 avril 2013, elle a indiqué au titulaire du marché que, faute d'ordre de service de démarrage des prestations, il n'était pas habilité à engager des commandes de fournitures nécessaires à la prestation, ou alors à ses risques et périls ; la société ECM Caly et Paji a, dès le mois de mars, reçu livraison de fournitures dans le cadre de l'exécution des prestations sans ordre de service préalable, ce qui démontre que les matériaux commandés peuvent être amortis par l'entreprise qui n'a pas eu besoin d'être informée de l'attribution du marché avant de passer ses commandes ; le tribunal administratif de La Réunion n'a pas répondu sur ce point ;

- les achats de fourniture par la société ECM Caly et Paji ont été effectués avant même la période de préparation du chantier, notamment la rédaction des plans d'atelier, et sans ces plans il est étonnant de commander directement des matériaux pour les chantiers à venir.

Par ordonnance du 7 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 17 février 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 mars 2013, la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) a conclu avec la société ECM Caly et Paji un marché pour la fourniture de 16 caissons métalliques destinés à l'évacuation des ordures ménagères, pour un montant de 89 059 euros. Par courrier du 26 avril 2013, le président de la communauté intercommunale du nord de La Réunion a prononcé la résiliation du marché sur le fondement de l'article 33 du cahier des clauses administratives générales " fournitures courantes et services " et dans ce même courrier, le président de la communauté intercommunale du nord de La Réunion a fixé le montant de l'indemnité de résiliation à la somme de 4 452, 95 euros correspondant à 5 % du montant hors taxes du marché. Saisi par la société ECM Caly et Paji d'un recours tendant à la reprise des relations contractuelles et à la condamnation de la communauté intercommunale du nord de La Réunion, le tribunal administratif de La Réunion, par jugement n° 1300817 du 29 décembre 2014 a condamné la communauté intercommunale du nord de La Réunion à verser à la société ECM Caly et Paji la somme de 18 451,76 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2013 et rejeté le surplus des conclusions. La communauté intercommunale du nord de La Réunion relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 33 du CCAG-FCS : " Lorsque le pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d'intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations admises, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. Ces indemnités sont portées au décompte de résiliation, sans que le titulaire ait à présenter une demande particulière à ce titre. "

3. La communauté intercommunale du nord de La Réunion fait valoir que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la société ECM Caly et Paji n'aurait pas respecté les règles de l'article 33 du CCAG-FCS, auquel renvoie l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières, selon lesquelles il appartenait à la société ECM Caly et Paji de réclamer une indemnité complémentaire, avec pièces justificatives, dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la décision de résiliation. Si les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux soulevée en relevant que " par un courrier postérieur à la réception de la décision litigieuse, dont un exemplaire est joint à sa requête, elle [la société ECM Caly et Paji] a contesté auprès du président de la CINOR tant la régularité du motif de la résiliation litigieuse que le montant de l'indemnité allouée, jugé très insuffisant au regard des frais qu'elle a exposés pour la fourniture des matériaux nécessaires à la réalisation des caissons et du manque à gagner sur l'exécution des prestations ", ils n'ont pas répondu au moyen soulevé par l'appelante concernant l'application de l'alinéa 2 de l'article 33 du CCAG-FCS. Ce moyen n'était pas inopérant et la communauté intercommunale du nord de La Réunion est fondée à demander l'annulation du jugement en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires présentées par la société ECM Caly et Paji.

4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer sur cette partie de la demande par la voie de l'évocation.

Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires de la demande :

5. L'article 9 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige prévoit que le CCAG applicable au contrat est le nouveau cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures et de services, tel qu'approuvé par arrêté du 19 janvier 2009. Par suite l'article 33 précité de ce document est applicable au présent marché.

6. La décision de résiliation pour motif d'intérêt général du marché dont était titulaire la société ECM Caly et Paji lui a été notifiée le 30 avril 2013. Cette décision indiquait le montant de l'indemnité de résiliation que prévoyait de lui verser la communauté intercommunale du nord de La Réunion, correspondant à 5 % hors taxes du marché soit la somme de 4 452, 95 euros HT. Si la société ECM Caly et Paji a contesté le montant de cette indemnité, le courrier, au demeurant non assorti de justificatifs, produit au dossier ne mentionne pas de date et aucune autre pièce du dossier ne permet donc de s'assurer que la demande de la société a bien été formée dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation. Par suite, et alors même que la société ECM Caly et Paji avait saisi le tribunal de conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision de résiliation, la communauté intercommunale du nord de La Réunion est fondée à soutenir que la société ECM Caly et Paji a méconnu les stipulations précitées de l'article 33 du cahier des clauses administratives générales " fournitures courantes et de services " et que ses conclusions indemnitaires, tendant à la condamnation de la communauté intercommunale du nord de La Réunion à lui verser une somme supplémentaire au titre de l'indemnisation de la résiliation du marché, devaient être rejetées comme irrecevables.

7. Il résulte de ce qui précède que la communauté intercommunale du nord de La Réunion est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à verser à la société ECM Caly et Paji la somme de 18 451,76 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2013.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société ECM Caly et Paji la somme que la communauté intercommunale du nord de La Réunion demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1300817 du tribunal administratif de La Réunion du 29 décembre 2014 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires de la demande présentée par la société ECM Caly et Paji sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la communauté intercommunale du nord de La Réunion est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté intercommunale du nord de La Réunion et à la société ECM Caly et Paji.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

No 15BX01342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01342
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-04-02 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FIN DES CONTRATS. RÉSILIATION. - RÉSILIATION POUR MOTIF D'INTÉRÊT GÉNÉRAL - RECEVABILITÉ DE CONCLUSIONS INDEMNITAIRES - PRIORITÉ DU CCAG-FCS SUR LES CONDITIONS DE LA JURISPRUDENCE « BÉZIERS II ».

39-04-02 Un marché de fournitures de caissons métalliques faisant référence au CCAG applicable aux fournitures courantes et services, les stipulations contractuelles imposaient de justifier une demande de majoration de l'indemnité forfaitaire de 5% du marché en cas de résiliation pour motif d'intérêt général dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la résiliation. En l'absence de preuve d'une telle demande assortie de justificatifs, les conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal étaient irrecevables, alors même qu'elles ont accompagné initialement des conclusions en reprise des relations contractuelles au sens de la jurisprudence dite « Béziers II» (Conseil d'Etat- Section N° 304806 du 21 mars 2011) présentées dans le délai de deux mois suivant la résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP GAILLARD - SAUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-14;15bx01342 ?
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