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12/12/2017 | FRANCE | N°17BX01530

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2017, 17BX01530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner solidairement les sociétés Laporte Service Route, Signature Traffic Systems, Signalisation France et Sécurité et Signalisation (SES) à lui verser une indemnité de 830 913,59 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'entente pratiquée par ces sociétés sur les marchés conclus avec celles-ci portant sur la signalisation verticale.

Par un jugement n°1401603 du 22 ma

rs 2017, le tribunal administratif de Poitiers a condamné solidairement les société...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner solidairement les sociétés Laporte Service Route, Signature Traffic Systems, Signalisation France et Sécurité et Signalisation (SES) à lui verser une indemnité de 830 913,59 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'entente pratiquée par ces sociétés sur les marchés conclus avec celles-ci portant sur la signalisation verticale.

Par un jugement n°1401603 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Poitiers a condamné solidairement les sociétés Laporte Service Route, Signature Traffic Systems, Signalisation France, aux droits de laquelle est venue la société Signalisation France, et Sécurité et Signalisation à verser la somme de 290 819,76 euros au département de la Charente-Maritime.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 15 mai 2017 et 5 octobre 2017, la société Signalisation France, représentée par MeA..., demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du 22 mars 2017.

Elle soutient que :

- le sursis à exécution du jugement peut être prononcé, en application des dispositions combinées des articles R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative dès lors que les moyens qu'elle invoque paraissent sérieux en l'état de l'instruction et que l'exécution de ce jugement emporterait des conséquences difficilement réparables ;

- la demande du département de la Charente-Maritime devant le tribunal administratif de Poitiers, mettant en cause la responsabilité extra-contractuelle, était irrecevable dès lors qu'il ne pouvait demander au juge de prendre une décision qu'il avait lui-même le pouvoir de prendre en émettant un titre exécutoire, ce qu'il n'a pas fait ;

- la demande du département devant le tribunal était également irrecevable en raison des jugements d'ouverture de procédure collective à l'encontre des sociétés Laporte et SES ainsi que l'absence de déclaration de ses créances aux liquidateurs de ces sociétés alors que les dispositions des articles L. 622-21 et L. 621-46 du code de commerce s'appliquent aux personnes publiques ;

- sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée dès lors qu'elle n'a conclu aucun marché avec le département de la Charente-Maritime et ne pouvait non plus être condamnée solidairement avec les sociétés cocontractantes du département ;

- le département de la Charente-Maritime, qui n'a pas produit les marchés en cause, ne démontre pas l'existence d'un surprix au titre de ceux-ci et donc d'un préjudice pour lui ; il n'y a pas de lien automatique entre la pratique anticoncurrentielle sanctionnée et le préjudice allégué et il y a lieu, comme le font les juridictions judiciaires, de rechercher l'existence d'une faute - violation des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et/ou des articles 101 et 102 du TFUE - résultant d'un préjudice- surcoût des produits ou prestations sur lesquels portent ces agissements frauduleux - et d'un lien de causalité ;

- même dans le cadre d'une présomption de surcoût, seule une expertise judiciaire aurait été en mesure de l'établir et, en ne l'ordonnant pas le tribunal administratif de Poitiers a méconnu son office ;

- le quantum des marchés attribués à la société Signature Traffic Systems, filiale dont le capital n'était pas intégralement détenu par la société Signature SA, ne pouvait être intégré au quantum de la condamnation ;

- l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables pour elle dès lors qu'elle a été condamnée solidairement alors que les sociétés Laporte et SES ont été placées en liquidation judiciaire depuis 2011 et que, le délai de déclaration des créances auprès des liquidateurs étant expiré, elle ne pourra se retourner contre ces sociétés ; ainsi le versement de l'entière somme l'expose à la perte définitive de celle-ci ;

- le montant de la condamnation aura des conséquences financières lourdes d'autant que ce jugement est susceptible de faire jurisprudence dans d'autres contentieux similaires dans lesquels elle est partie et restant une des rares sociétés qui n'aient pas été mises en liquidation depuis la décision de l'autorité de la concurrence, de telles sanctions sont de nature à générer des situations oligopolistiques dans le secteur de la signalisation.

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 septembre 2017 et 19 octobre 2017, le département de la Charente-Maritime, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête de la société Signalisation France, comme non fondée, et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de cette société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 5 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2017 à 12 heures.

Vu :

- la requête de la société Signalisation France enregistrée sous le n° 17BX01521 tendant à l'annulation du jugement n° 1401603 du tribunal administratif de Poitiers ;

- les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Mège,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de Me de la Ferté-Sénectère, représentant la société Signalisation France, et de MeC..., représentant le département de la Charente-Maritime.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 22 décembre 2010, l'Autorité de la concurrence a prononcé à l'encontre de huit sociétés intervenant dans le secteur de la signalisation routière, une sanction pécuniaire de 52,7 millions d'euros pour s'être entendues entre 1997 et 2006 sur la répartition des marchés publics de signalisation routière verticale et sur leurs prix qui ont été artificiellement surévalués. La cour d'appel de Paris, par un arrêt du 29 mars 2012 devenu définitif, a seulement minoré le montant de cette sanction. Saisi par le département de la Charente-Maritime, le tribunal administratif de Poitiers, par jugement du 22 mars 2017, a condamné solidairement les sociétés Laporte Service Route, Signalisation France, et Sécurité et Signalisation (SES) à indemniser le département des préjudices subis à la suite de cette entente à hauteur de 290 819,76 euros. La société Signalisation France demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. L'article R. 811-16 du code de justice administrative dispose : " Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies. ". Aux termes de l'article R. 811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".

3. Pour soutenir que l'exécution du jugement la condamnant solidairement avec les sociétés Laporte Services Route et SES à verser la somme de 290 819,76 euros au département de la Charente-Maritime, risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables, la société Signalisation France invoque d'une part, l'impossibilité pour elle de se retourner contre les deux autres sociétés condamnées dès lors qu'elles ont été mises en liquidation et que le délai pour déclarer cette créance auprès des mandataires judiciaires est expiré ainsi que le risque de création d'une situation oligopolistique résultant de sa condamnation susceptible de faire jurisprudence, et d'autre part, l'importance du montant de la condamnation.

4. La société Signalisation France ayant été condamnée solidairement avec deux autres sociétés à verser au département de la Charente-Maritime la somme de 290 819,76 euros, ce dernier est susceptible de lui en demander le versement intégral. Il est constant que les deux autres sociétés ont été mises en liquidation avant que le tribunal administratif ne prononce cette condamnation et que la société Signalisation France n'a donc pas pu déclarer sa créance auprès des mandataires judiciaires représentant ces sociétés. Toutefois, cette impossibilité de recouvrer une partie de la somme à verser au département de la Charente-Maritime auprès de ces deux sociétés n'établit pas en elle-même que l'exécution immédiate de la condamnation solidaire serait susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables auxquelles l'intervention d'une décision accueillant ses conclusions d'appel ne pourrait mettre fin. La circonstance que la solution retenue par le tribunal administratif de Poitiers soit susceptible d'être reprise par d'autres tribunaux saisis de contentieux similaires à son encontre et de créer une situation oligopolistique n'est pas non plus de nature à entraîner de telles conséquences. Enfin, le risque de conséquences difficilement réparables ne saurait résulter du seul montant de la condamnation mais doit être apprécié en tenant compte de la situation de la société requérante. La société Signalisation France qui ne produit devant la cour aucun élément sur sa situation financière, notamment ni son chiffre d'affaires ni son résultat net, n'établit pas que le versement de la somme de 290 819,76 euros risquerait effectivement d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

5. La société Signalisation France ne satisfait dès lors pas à l'une des conditions cumulatives énoncées à l'article R. 811-17 du code de justice administrative. Par suite, elle n'est pas fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers en application des dispositions de cet article.

6. Si la société Signalisation France demande également qu'il soit sursis à l'exécution du jugement en application des dispositions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative, elle n'invoque aucune circonstance de nature à établir l'existence d'une situation d'insolvabilité du département de la Charente-Maritime qui l'exposerait à un risque de perte définitive de la somme en cause dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies. Un tel risque ne résulte pas non plus de l'instruction.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Signalisation France n'est pas fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette société la somme demandée par le département de la Charente-Maritime au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Signalisation France est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de la Charente-Maritime tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Signalisation France, au département de la Charente-Maritime, à MeD..., mandataire judiciaire de la société Laporte Service Route, à la société Signature Traffic Systems et à Me B...mandataire judiciaire de la société Sécurité et Signalisation.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 décembre 2017.

Le rapporteur,

Christine Mège

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX01530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01530
Date de la décision : 12/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-06-02 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Christine MEGE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET BUES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-12;17bx01530 ?
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