La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2017 | FRANCE | N°17BX02320

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 17BX02320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du 30 janvier 2017 par lesquelles le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700726 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2017, M

meB..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'ai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du 30 janvier 2017 par lesquelles le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700726 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2017, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 juin 2017 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente du 30 janvier 2017 ;

4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou subsidiairement, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ; si le préfet a produit l'arrêté du 21 novembre 2016 portant délégation de signature au secrétaire général, il n'a pas produit l'extrait du recueil des actes administratifs dans lequel celui-ci aurait été publié ; le tribunal n'a ainsi pas pu procéder à la vérification de cette publication ; contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, aucun recueil du même jour, ni postérieur à cette décision, ne publie l'arrêté de délégation ;

- le refus de séjour n'est pas suffisamment motivé ; l'arrêté attaqué s'est uniquement fondé sur le décès de son époux, en faisant abstraction des circonstances de fait qui la concernent intrinsèquement comme son état de santé précaire, ses activités bénévoles ou ses différentes perspectives d'emplois ; l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas visé, ce qui révèle que le préfet n'a pas recherché si elle pouvait prétendre à un titre " vie privée et familiale " ;

- le préfet n'a pas vérifié la nature des conséquences de l'arrêt du traitement de l'hépatite C et des soins relatifs à ses troubles psychologiques ; il n'a pas cru nécessaire de solliciter l'avis du collège de médecins sur ce dernier point ;

- le préfet, en s'abstenant d'examiner l'ensemble de sa situation personnelle, a nécessairement commis une erreur manifeste d'appréciation ; elle est bénévole au sein d'une association d'aide aux démunis depuis le mois de septembre 2014 et a suivi une formation de 90 heures afin de parfaire sa compréhension de la société française ; elle a entrepris plusieurs démarches de recherches d'emplois et a eu des propositions d'embauche, notamment pour du ménage, qu'elle a dû refuser, compte-tenu de sa situation administrative ; elle a été hospitalisée en urgence au service hépato-gastro-entérologie de l'hôpital de Poitiers, pour une fibrose hépatique, dans le cadre d'une hépatite C chronique ; de plus, la fatigue mentale qu'elle a éprouvée pendant le parcours de soins de son mari s'est amplifiée depuis le décès de ce dernier et depuis les difficultés administratives qu'elle rencontre ; l'absence de ce suivi pourrait entraîner des conséquences graves, nécessitant son maintien en France et le préfet n'établit pas que ces traitements seraient disponibles en Russie.

Par ordonnance du 9 août 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 octobre 2017 à 12 heures.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Cécile Cabanne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante russe née en 1970, est entrée en France avec son époux en 2013. Les demandes d'asile du couple ont fait l'objet d'un refus du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2015, refus confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 2 octobre 2015. Mme B...a bénéficié le 1er septembre 2015 d'un titre de séjour temporaire " vie privée et familiale " en qualité d'accompagnant de son époux malade, lequel est décédé le 3 août 2016. Elle a sollicité le 8 septembre 2016 son admission au séjour à titre exceptionnel. Par un arrêté du 30 janvier 2017, le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 20 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 octobre 2017. Par suite, ses conclusions tendant à l'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur les conclusions en annulation :

3. En premier lieu, les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué en se fondant sur l'arrêté du 21 novembre 2016 du préfet de la Charente donnant délégation de signature à M. Czerwinski, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous actes et décisions à 1'exception des actes pour lesquels une délégation a été confiée à un chef de service de l'Etat dans le département, et des arrêtés de conflit. Cet arrêté précise expressément que ces actes " comprennent notamment " les refus de séjour, reconduites à la frontière, obligations de quitter le territoire français, interdictions de retour, et fixation du pays de destination. En sa qualité d'acte réglementaire faisant nécessairement l'objet d'une publication, il a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 21 novembre 2016 de la préfecture de la Charente, librement consultable. Dès lors, le préfet n'était pas tenu de le produire aux débats ni le tribunal d'en ordonner préalablement la production au dossier pour se fonder sur cet arrêté. Si Mme B...soutient que cette publication ne serait pas consultable sur le site internet de la préfecture, il ressort cependant de celui-ci que les recueils spéciaux sont listés par ordre de date, et que si l'arrêté du 21 novembre figure par erreur sous un titre du " 21 avril " 2016, il est inséré en fin d'année dans la liste des recueils spéciaux. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué rappelle les considérations de droit qui en constituent le fondement, et notamment de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au titre duquel Mme B...a sollicité un titre de séjour, et des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si l'arrêté ne vise pas l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il mentionne cependant que la requérante n'entre dans aucun autre cas des articles de ce code. L'arrêté attaqué retrace par ailleurs le parcours de Mme B... depuis son entrée en France, l'historique de ses demandes de titre de séjour et sa situation familiale. Il rappelle les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de l'intéressée. La décision contestée, qui n'avait pas à reprendre de manière exhaustive les éléments de la situation personnelle de l'intéressée, énonce ainsi les considérations de fait de nature à permettre à la requérante de connaître les motifs du refus opposé à sa demande. Par suite, le préfet a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En troisième lieu, en indiquant que Mme B..." n'entre dans aucun cas des articles du CESEDA pour se voir attribuer un titre de séjour ", le préfet a vérifié si l'intéressée pouvait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur un autre fondement. Elle ne saurait, par ailleurs, se prévaloir de ce que le préfet n'aurait pas tenu compte de son état de santé précaire et se serait abstenu d'engager la procédure prévue au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas fait mention dans sa demande, présentée sur le seul fondement de l'article L. 313-14 du même code, de problèmes de santé nécessitant des soins dont elle ne pourrait effectivement bénéficier dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle par le préfet de la Charente ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

7. Si Mme B...se prévaut de la durée de sa présence en France depuis 2013, du caractère régulier de son séjour, de ses efforts d'intégration sociale et professionnelle ainsi que son état de santé précaire que le décès de son mari a aggravé, ces circonstances ne peuvent être regardées, à elles seules, comme constituant un motif humanitaire ou exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code précité. Elle n'établit ni même n'allègue disposer à la date de l'arrêté de liens familiaux ou personnels sur le territoire français ni en être totalement dépourvue dans son pays d'origine. Elle ne travaille pas et ne fait état d'aucune qualification professionnelle particulière. Elle ne démontre pas davantage qu'elle ne pourrait pas bénéficier ailleurs qu'en France des soins nécessaires à son état de santé. Dans ces conditions, et nonobstant ses efforts d'intégration, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Charente aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de l'intéressée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B...tendant à l'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2017.

Le rapporteur,

Cécile CABANNE Le président,

Jean-Claude PAUZIÈS Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX02320 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02320
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP DROUINEAU COSSET BACLE LE LAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-30;17bx02320 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award