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30/11/2017 | FRANCE | N°15BX03101

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 15BX03101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commission départementale d'aménagement commercial de l'Indre a, par une décision du 26 janvier 2015, autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Cap Sud à procéder à une extension de 2 000 m² de l'hypermarché à l'enseigne " E. Leclerc " situé sur le territoire de la commune de Saint-Maur.

Par deux recours enregistrés respectivement sous les n° 2624 T et 2642 T, le président du syndicat mixte du pays castelroussin et la SAS Carrefour Hypermarchés ont demandé l'annulation de cette

autorisation.

Par une décision en date du 18 juin 2015, la Commission nationale d'amén...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commission départementale d'aménagement commercial de l'Indre a, par une décision du 26 janvier 2015, autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Cap Sud à procéder à une extension de 2 000 m² de l'hypermarché à l'enseigne " E. Leclerc " situé sur le territoire de la commune de Saint-Maur.

Par deux recours enregistrés respectivement sous les n° 2624 T et 2642 T, le président du syndicat mixte du pays castelroussin et la SAS Carrefour Hypermarchés ont demandé l'annulation de cette autorisation.

Par une décision en date du 18 juin 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté ces deux recours, le premier comme irrecevable et le second au fond, ce qui l'a conduite à confirmer l'autorisation accordée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2015, la SAS Carrefour Hypermarchés, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 18 juin 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête a été enregistrée dans le délai de recours contentieux. Elle justifie de son intérêt à agir en tant que propriétaire d'un magasin situé à Châteauroux, dans la zone de chalandise du projet ;

- un projet d'extension globalement identique avait déjà fait l'objet d'une demande d'autorisation, laquelle a été rejetée par la commission départementale d'aménagement commercial puis par la Commission nationale d'aménagement commercial respectivement les 17 juin 2014 et 23 octobre 2014. Il résulte de l'article L. 752-21 du code de commerce qu'une nouvelle demande ne pouvait être présentée pour ce même projet sauf à prendre en compte les motifs du premier refus. Or deux de ces motifs, tirés de l'éloignement des principales zones d'habitation et du défaut d'accès en toute sécurité pour les piétons et cyclistes, n'ont pas été pris en compte. En statuant au fond, la Commission nationale d'aménagement commercial a donc méconnu l'article L. 752-21 du code de commerce ;

- en ce qui concerne l'animation de la vie urbaine et rurale, la population de la zone de chalandise est en nette baisse de sorte que le projet ne peut être regardé comme satisfaisant une demande croissante des consommateurs. De plus, l'offre commerciale de la zone de chalandise est déjà fournie, l'agglomération de Châteauroux étant déjà saturée en grandes surfaces. Eu égard aux enseignes déjà présentes et à leurs superficies, cette extension, laquelle comprend la réalisation d'une galerie marchande, nuira à l'animation urbaine des commerces de proximité de Saint-Maur et de Châteauroux alors que la communauté d'agglomération castelroussine est éligible au FISAC depuis 2011, comme l'a indiqué l'avis défavorable de la direction départementale des territoires. La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial ne s'est pas prononcée sur ce critère alors que le projet méconnaît les orientations du schéma de cohérence territoriale du pays Castelroussin tendant à maintenir et renforcer le pôle majeur que représente le centre-ville de Châteauroux et à moderniser et structurer l'offre de la périphérie par le rééquilibrage d'un pôle à développer à Grand Déols ;

- en ce qui concerne les flux de circulation et les transports collectifs, l'étude des flux de déplacement n'est pas suffisamment approfondie faute d'évaluer les flux venant de l'agglomération de Châteauroux et de l'A20 articulés avec le flux futur. Il aurait également fallu apprécier les flux au niveau de la zone de chalandise, ce d'autant que le trafic est important sur la route départementale 920, comme l'a relevé la direction départementale des territoires. De plus le dossier de demande ne prévoit aucun aménagement permettant de fluidifier le trafic. En outre, le pourcentage de 93% de la clientèle desservie par les transports collectifs n'est pas justifié et semble disproportionné, et les horaires, notamment ceux de la ligne N, ne sont pas adaptés à une clientèle commerciale. En outre, il n'existe pas d'arrêt de bus desservant la zone commerciale Cap sud. Dès lors, en se fondant sur l'étude réalisée par le pétitionnaire, la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation ;

- en ce qui concerne la qualité environnementale du projet, la direction départementale des territoires a relevé que le projet ne prévoit aucune amélioration ou nouvelle mesure qualitative, révélant ainsi l'absence de tout effort sur ce point ;

- en ce qui concerne l'insertion paysagère et architecturale, le projet sera visible depuis les routes départementales 67 et 920, l'autoroute A 20 et les terres agricoles limitrophes. Le projet ne prévoit aucun effort d'insertion paysagère et architecturale et contribue à l'artificialisation des sols ;

- en ce qui concerne l'étalement urbain et la consommation excessive d'espace, le projet a des caractéristiques semblables aux précédents ;

- en ce qui concerne la protection du consommateur, le projet ne contribue pas à la revitalisation du tissu commercial et à la valorisation de productions locales et demeure peu accessible.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2015, la SAS Cap Sud, représentée par MeA..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de la société Carrefour Hypermarchés la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le projet en cause a pris en compte les motifs du précédent refus opposé par la Commission nationale d'aménagement commercial en réduisant de 16% l'extension de la surface de vente, en prévoyant la création d'un mur végétal de 200 m² et la transformation de 120 places de stationnement imperméabilisées en places perméables et engazonnées, en actant la réalisation d'un accès piétons/cyclistes entre le site et le centre-ville de Châteauroux, et en réalisant une nouvelle étude de trafic ;

- en ce qui concerne l'animation de la vie urbaine et rurale, le projet adapte l'offre commerciale de la zone à la demande de sa clientèle en rééquilibrant la gamme des formats de distribution alimentaire. Cette zone commerciale est ouverte vers l'extérieur de Châteauroux et ne préjudicie donc pas aux commerces du centre-ville. Contrairement à ce qui est soutenu, le projet ne comporte aucune modification de la galerie marchande attenante. Aucune incompatibilité entre le projet et le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale n'est démontrée. L'avis du service instructeur ne lie pas la commission départementale d'aménagement commercial ;

- en ce qui concerne le trafic, une insuffisance de l'étude ne démontre pas une insuffisance des infrastructures routières. Aucun texte n'imposait la production d'une étude de trafic, le décret prévoyant une telle exigence n'étant entré en vigueur que le 14 février 2015, soit postérieurement au dépôt de la demande. En tout état de cause, toutes les informations utiles figurent p. 70 et suivantes du dossier de demande. La faible augmentation du trafic s'explique par la chalandise actuelle de la zone commerciale qui constituera la part essentielle de sa fréquentation. Une telle augmentation ne nécessite aucun aménagement de la voirie publique, déjà excellente, comme le démontre l'étude produite au service instructeur de la CNAC ;

- en ce qui concerne le développement durable, tous les tubes à néon seront remplacés par des rampes à LED moins consommatrices d'électricité. L'extension répond à la norme RT 2012. Or aucun texte alors en vigueur n'impose que le projet aille au-delà des prescriptions techniques et légales en vigueur ;

- s'agissant de l'insertion dans l'environnement, le projet consiste en l'extension d'un bâtiment situé dans une zone commerciale, dont le terrain d'assiette est une friche non industrielle. Le projet comble donc un vide en occupant un terrain en friche. Sa visibilité des terrains limitrophes et de la voie publique ne révèle pas par elle-même une mauvaise insertion. En outre, le parc de stationnement de la clientèle n'est pas agrandi et est perméabilisé ;

- s'agissant de l'étalement urbain et de la consommation excessive d'espace, le projet a réduit sa superficie par rapport aux projets précédents et aucune terre de valeur n'est supprimée dès lors que le terrain d'assiette est en friche ;

- s'agissant de la protection du consommateur, critère qui n'était pas explicité par les textes alors en vigueur, le projet tend à rééquilibrer les conditions d'exercice de la concurrence au bénéfice de la chalandise de l'agglomération castelroussine et de la zone commerciale Cap Sud.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial, prise en la personne de son président, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la société requérante n'est pas régulièrement représentée faute d'indiquer l'identité de son représentant ni de justifier de ses qualité et capacité pour agir. Sa requête est donc irrecevable ;

- l'article L. 752-21 du code de commerce n'implique pas que le pétitionnaire réponde à chacune des objections soulevées par la Commission nationale d'aménagement commercial et tout effet négatif ne justifie pas à lui seul de refuser l'autorisation d'exploitation commerciale. Elle a bien examiné si le recours était recevable à l'aune de ces dispositions et précisément aucun des griefs précédemment opposés ne subsiste. Le recours était donc recevable ;

- elle n'a commis aucune erreur de droit ou de fait de nature à entacher sa décision d'irrégularité.

Les parties ont été informées par une lettre en date du 24 avril 2017, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête en ce qu'elle est dirigée contre une décision de la Commission nationale d'aménagement commercial statuant sur une demande déposée avant le 15 février 2015 et qui vaut avis sur cette demande en application des dispositions du IV de l'article 4 du décret du 12 février 2015 et du III de l'article 36 de la loi du 6 août 2015, seul le permis de construire autorisant le projet, qui tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, pouvant faire l'objet d'un recours contentieux.

En réponse à la communication de ce moyen d'ordre public, la Commission nationale d'aménagement commercial a présenté des observations enregistrées le 28 avril 2017.

Par ordonnance du 13 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 octobre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La commission départementale d'aménagement commercial de l'Indre a, par une décision du 26 janvier 2015, autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Cap Sud à procéder à une extension de 2 000 m² de l'hypermarché à l'enseigne " E. Leclerc " situé boulevard du Franc dans la zone d'aménagement concerté " Cap Sud " sur le territoire de la commune de Saint-Maur. Le président du syndicat mixte du pays castelroussin et la SAS Carrefour Hypermarchés ont demandé par deux recours distincts l'annulation de cette autorisation. Par une décision en date du 18 juin 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté ces deux recours, le premier comme étant irrecevable et le second comme étant non fondé. La SAS Carrefour Hypermarchés sollicite l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 227-6 du code de commerce relatif aux sociétés par actions simplifiées : " La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts (...) Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article (...) ". Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier.

3. Par un mémoire enregistré le 17 décembre 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a opposé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et de capacité pour agir du " représentant légal " de la SAS Carrefour Hypermarchés au motif que la requête ne précisait ni l'identité de ce dernier ni même sa qualité. En dépit de cette fin de non-recevoir, la SAS Carrefour Hypermarchés n'a pas davantage précisé l'identité et la qualité de son représentant, lesquelles ne ressortent nullement des pièces du dossier. Dès lors, faute de fournir les éléments permettant de s'assurer que le représentant de la SAS Carrefour Hypermarchés justifie de sa qualité pour agir au nom de cette société, la fin de non-recevoir opposée par la Commission nationale d'aménagement commercial doit être accueillie.

4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SAS Carrefour Hypermarchés tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SAS Cap Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Carrefour Hypermarchés est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SAS Cap Sud présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés, à la société par actions simplifiée Cap Sud et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2017.

Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

No 15BX03101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03101
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-05-005 Procédure. Introduction de l'instance. Qualité pour agir. Représentation des personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : JOURDAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-30;15bx03101 ?
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