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28/11/2017 | FRANCE | N°17BX02045

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 28 novembre 2017, 17BX02045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 mai 2016 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 170129 du 27 mars 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respe

ctivement le 30 juin 2017, 8 août 2017 et le 27 septembre 2017, M.B..., représenté par Me C...D....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 mai 2016 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 170129 du 27 mars 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 30 juin 2017, 8 août 2017 et le 27 septembre 2017, M.B..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mars 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 mai 2016 du préfet de la Dordogne ;

3°) d'annuler la décision implicite de refus de délivrance d'un titre de séjour sur sa demande du 20 juin 2016 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il n'était pas forclos pour contester l'arrêté qui ne lui a pas été notifié à son adresse réelle et alors que sa demande de titre présentée le 20 juin 2016 doit être regardée comme valant recours administratif et qu'il a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 24 août 2016 ;

- il n'a pas été mis à même de présenter des observations préalables avant le refus de délivrance de titre de séjour qui lui a été opposé, en méconnaissance de l'article L. 121-1 code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation dans l'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit toutes les conditions ; il bénéficie toujours d'une protection jeune majeur et il n'a plus de relation avec sa famille restée au Pakistan depuis novembre 2016 ; la formation qu'il suit, un CAP électricité, est qualifiante et il fait preuve de sérieux dans ses études.

Par mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2017, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête de M. B...comme non fondée.

Par ordonnance du 11 août 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 octobre 2017 à 12 heures.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Mège,

- et les observations de Me C...D...représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité pakistanaise, né le 8 juillet 1997, est entré irrégulièrement en France le 2 mars 2014 selon ses déclarations puis a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Dordogne. Dans l'année qui a suivi son dix-huitième anniversaire, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il relève appel du jugement du 27 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2016, par lequel la préfète de la Dordogne lui a refusé le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant un tribunal administratif, d'établir que l'intéressé a régulièrement reçu notification de la décision. En cas de retour à l'administration du pli contenant la décision, cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d'un avis d'instance prévenant le destinataire que le pli est à sa disposition au bureau de poste.

3. L'arrêté contesté du 25 mai 2016, par lequel la préfète de la Dordogne a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour a été expédié " 1 rue Jules Theulier à Thiviers ", soit, à l'adresse mentionnée par le requérant dans sa demande de titre de séjour étudiant du 22 mars 2016 et comportait la mention des délais et voies de recours. L'accusé de réception du pli notifiant cet arrêté à l'intéressé mentionne que le destinataire a été avisé le 28 puis le 31 mai 2016, que le pli n'a pas été réclamé et a été retourné à l'expéditeur, le 13 juin 2016. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la dernière adresse de M. B...connue de l'administration et mentionnée dans l'arrêté était " MECS ADSEA La grange à ST JORY DE CHALAIS ". Par suite, la notification de la décision qui n'a pas été faite à l'adresse mentionnée dans l'arrêté, différente de celle à laquelle le courrier a été adressé, ne saurait être regardée comme ayant été régulièrement effectuée de sorte qu'elle ait pu faire courir le délai de recours contentieux. Dans ces conditions, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme tardive. Par suite le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mars 2017 doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2016 :

5. Aux termes du L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable (...) ". En vertu de leurs termes mêmes, ces dispositions ne peuvent pas être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé. Dès lors que l'arrêté du 25 mai 2016 rejette la demande de titre de séjour présentée par M. B...en qualité d'étudiant, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

6. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. ".

7. Lorsque le préfet recherche d'office, comme c'est le cas en l'espèce, si l'étranger peut bénéficier d'un titre de séjour sur un ou plusieurs fondements possibles autres que celui invoqué à l'appui de la demande, l'intéressé peut alors se prévaloir à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour de la méconnaissance des dispositions au regard desquelles le préfet a également fait porter son examen.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré seul en France le 2 mars 2014 selon ses déclarations, à l'âge de seize ans et quatre mois, qu'il a été placé auprès du service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Dordogne en qualité de mineur isolé, par jugement du tribunal pour enfants de Périgueux du 20 mars 2014, et placé au sein de la Maison d'enfants de Saint-Jory-de-Chalais à compter du 20 septembre 2014, placement reconduit jusqu'au 30 juin 2016. Ayant atteint sa majorité le 8 juillet 2015, il a ensuite conclu un contrat " jeune majeur " avec les services départementaux le 9 juillet 2015 renouvelé le 1er juillet 2016. A compter d'octobre 2014 il a été inscrit en 3ème au collège Charles de Gaulle à La Coquille où il a rencontré des difficultés en langue française, et a bénéficié d'un emploi du temps adapté qui lui a permis d'alterner des séquences de français langue étrangère et des cours classiques. Puis il s'est réorienté vers un contrat d'apprentissage autour des métiers d'aide à la personne et a effectué des stages en maison de retraite à La Coquille et en restauration à Saint-Pardoux-la-Rivière. Par la suite, il a intégré une 1ère CAP menuiserie au lycée Porte d'Aquitaine à Thiviers en septembre 2015 et s'est réorienté une nouvelle fois le 4 janvier 2016, au lycée Léonard de Vinci à Périgueux en CAP électricité. Cependant, ni les bilans éducatifs ni les bulletins scolaires produits ne démontrent le sérieux, l'assiduité et la motivation de M. B...ni ne témoignent, à la date de l'arrêté, de sa capacité à poursuivre avec succès la formation entreprise et de ses efforts d'apprentissage du français et d'intégration dans la société française. S'il se prévaut de soucis de papiers et d'usurpation d'identité dont il aurait été victime entre 2013 et 2015, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à justifier les réorientations successives dans les études. Dans ces conditions, M. B...ne peut être regardé comme suivant réellement et sérieusement depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle au sens des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, quand bien même il n'aurait que des contacts distendus avec ses parents, son frère et sa soeur restés dans son pays d'origine, le préfet de la Dordogne n'a pas fait une appréciation manifestement erronée de sa situation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet d'une nouvelle demande de titre de séjour présentée le 20 juin 2016 :

9. Il ressort des termes mêmes du courrier adressé conjointement par M. B...et la directrice de l'ADSEA le 20 juin 2016 que celui-ci se borne à demander la délivrance d'un récépissé de demande de séjour " étudiant " à la suite du dépôt le 22 mars 2016 d'un dossier qu'ils estiment complet. Un tel courrier ne peut être regardé comme valant nouvelle demande de titre de séjour et ne peut être regardé que comme un recours gracieux à l'encontre de l'arrêté du 25 mai 2016, ainsi d'ailleurs que l'admet M. B...lui-même dans sa requête devant la cour. Ainsi ce dernier ne peut utilement faire valoir que le silence gardé par l'autorité administrative à la suite de ce courrier aurait fait naître une décision implicite de rejet. Par suite, M.B..., qui ne soulève aucun moyen propre à l'encontre du rejet de son recours gracieux, n'est pas fondé à en demander l'annulation.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions contestées. Ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, présentées tant devant le tribunal administratif que devant la cour, doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mars 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B...devant la cour est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me C...D.... Copie en sera transmise au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 31 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 novembre 2017.

Le rapporteur,

Christine Mège

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02045
Date de la décision : 28/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Christine MEGE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : DANIEL LAMAZIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-28;17bx02045 ?
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