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15/11/2017 | FRANCE | N°17BX02170

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2017, 17BX02170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1604370 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2017, MmeA...,

représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1604370 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2017, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé, une absence de soins aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cela ressort des certificats établis par le psychiatre qui la suit ; elle ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié en Turquie en raison de son origine kurde et de sa situation de rupture avec sa famille, et ne pourra pas payer les soins que son état requiert ;

- le refus de séjour repose sur une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle a refusé le mariage que ses frères voulaient lui imposer, et fera l'objet de représailles en cas de retour en Turquie ; si son couple a connu des difficultés, la vie commune a repris et deux enfants sont nés de son union avec son compagnon ; son compagnon, turc d'origine kurde, a été condamné en Turquie en raison de son soutient au PKK ;

- la décision fixant la Turquie comme pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est d'origine kurde, et son compagnon a été condamné pour son engagement politique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun élément nouveau n'est apporté et s'en remet à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 25 août 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 21 septembre 2017 à 12h00.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante turque née le 6 juin 1986, est entrée en France en avril 2013 selon ses déclarations. Elle a été déboutée de sa demande d'asile par une décision du 27 janvier 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 8 septembre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile, et a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Gironde du 12 décembre 2014 refusant son admission au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. Elle a sollicité le 13 février 2015 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 octobre 2015, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 février 2017 qui a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté du 15 octobre 2015.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ".

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par MmeA..., le préfet s'est fondé notamment sur un avis du médecin de l'agence régionale de santé Aquitaine du 11 septembre 2015 précisant que l'état de santé de l'intéressée nécessitait un suivi médical dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine. Mme A...produit deux certificats médicaux établis les 22 juin 2015 et 4 novembre 2015 par un psychiatre, aux termes desquels elle souffre d'une " dépression sévère " et " exprime des idées suicidaires que seules ses convictions religieuses lui interdisent de mettre en acte ". Toutefois, les documents médicaux qu'elle produits ne se prononcent pas sur l'existence des soins appropriés en Turquie. Par ailleurs, l'intéressée, qui se borne à faire état de difficultés d'accès aux soins en raison de son origine kurde, du coût des traitements et de sa situation de rupture familiale, n'établit pas ni même n'allègue l'absence de traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction alors en vigueur. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde aurait fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

4. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.".

5. Mme A...soutient qu'elle a refusé le mariage que ses frères voulaient lui imposer et fera l'objet de représailles de leur part en cas de retour en Turquie. Elle ajoute qu'elle vit depuis le début de l'année 2013 avec son compagnon, ressortissant turc qui a été condamné en Turquie en raison de ses activités politiques en faveur de la cause kurde, et que deux enfants sont nés de leur union les 1er novembre 2013 et 22 janvier 2016. Toutefois, il résulte des deux certificats médicaux circonstanciés mentionnés au point 3 que la requérante et son compagnon étaient séparés à la date d'édiction de l'arrêté querellé. En admettant même que cette séparation n'aurait été que ponctuelle, son compagnon fait également l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Les allégations de la requérante relatives à l'engagement politique de son compagnon en Turquie et aux risques de représailles dont elle-même ferait l'objet de la part de ses frères ne sont enfin assorties d'aucun élément probant. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de l'absence d'obstacle avéré à une reconstitution de la cellule familiale en Turquie, le refus de séjour et la mesure d'éloignement n'ont pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A...une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels ils ont été pris et n'ont ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'arrêté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de MmeA....

6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ... ". Ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.".

7. En se bornant à faire valoir qu'elle est d'origine kurde et que le père de ses enfants a été condamné en Turquie en raison de ses activités politiques, sans produire aucun élément probant à l'appui de ses affirmations, Mme A...n'établit pas la réalité des menaces auxquelles elle serait actuellement personnellement et directement exposée en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant le pays de renvoi, des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit dès lors être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentes au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1990 ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 novembre 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUY Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02170


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02170
Date de la décision : 15/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-15;17bx02170 ?
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