Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...D...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1700010 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, MmeC..., représentée par Me Lampe, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 février 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la possibilité de reconstruire la cellule familiale dans le pays d'origine doit être prise en considération ;
- le refus de séjour litigieux a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; son époux et elle-même ont eu un deuxième enfant, né sur le territoire français le 17 février 2016 ; elle justifie d'une vie commune avec son époux ; sa fille ainée est scolarisée et obtient d'excellents résultats scolaires ; son époux, titulaire d'un titre de séjour, souffre de pathologies multiples de sorte que sa présence à ses côtés est indispensable ; les difficultés pour reconstituer la cellule familiale dans le pays d'origine sont avérées ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; compte tenu de son très jeune âge, leur fille cadette a besoin de ses deux parents ; sa fille ainée suit en France une scolarité exemplaire et s'est parfaitement intégrée ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête a été présentée tardivement et est par suite irrecevable ;
- il s'en remet à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 20 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2017 à 12h00.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante géorgienne née le 16 décembre 1980, est entrée en France en novembre 2014 selon ses déclarations, accompagnée de sa fille, Nino, née le 20 septembre 2001 en Géorgie. Elle a été déboutée de sa demande d'asile par une décision du 4 juin 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 4 décembre 2015 par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a sollicité le 5 juillet 2016 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 novembre 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 février 2017 qui a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a présenté le 14 mars 2017 une demande d'aide juridictionnelle, soit avant l'expiration du délai d'appel d'un mois fixé par l'article R. 776-9 du code de justice administrative. L'intéressée a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 4 mai 2017. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir la date de notification de cette décision. Par suite, le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que la requête enregistrée le 12 juin 2017 serait tardive.
Au fond :
3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
4. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a épousé M. B...en 2000 et qu'une première enfant, Nino, est née de leur union le 20 septembre 2001. Si M. B...est entré en France un an avant son épouse et leur fille, il n'est pas contesté que la vie commune a repris dès l'arrivée en France de ces dernières. La requérante et son époux ont eu une deuxième enfant, Nia, née en France le 17 février 2016. Par ailleurs, M.B..., qui a subi une transplantation rénale et est atteint d'une hépatite B ainsi que d'une pathologie cardiaque, s'est vu délivrer un titre de séjour pour raisons de santé valable du 13 juin 2016 au 12 juin 2017. Ainsi, et bien qu'ils soient tous deux de nationalité géorgienne, les époux B...ne pouvaient, à la date de l'arrêté attaqué, reconstruire leur cellule familiale dans leur pays d'origine, faute pour M. B...de pouvoir disposer d'un traitement médical adapté à ses pathologies dans ce pays. Dans ces conditions, les décisions refusant de délivrer à la requérante le titre de séjour qu'elle avait sollicité et lui faisant obligation de quitter le territoire français avaient pour conséquence, à la date de leur édiction, de séparer de l'un de leurs parents les enfants du couple, dont la dernière n'était alors âgée que de huit mois, et dont l'ainée, âgée de 15 ans, s'est parfaitement insérée en France, où elle obtient d'excellents résultats scolaires. Ces décisions ont ainsi porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de M. et MmeB.... Par suite, les décisions attaquées ont été édictées en méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
6. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de la requérante telle que décrite au point 4, la délivrance d'un titre de séjour à MmeB.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Gironde d'y procéder dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 1 200 euros, à verser à Me Lampe en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation au versement de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 février 2017 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 7 novembre 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour à dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Lampe, avocat de MmeC..., la somme de 1 200 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouseC..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de la Gironde et à Me Lampe.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2017.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUY
Le président,
Aymard de MALAFOSSE
Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
4
N° 17BX01851