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15/11/2017 | FRANCE | N°17BX00412

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2017, 17BX00412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société A...B, M. B...A...et Mme E... A...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à verser une somme de 39 017,73 euros à la société A...B, une somme de 5 000 euros à M. B...A...et une somme de 5 000 euros à Mme E... A...en réparation des préjudices liés au refus de l'administration d'honorer son engagement de délivrer des autorisations de travail à deux ressortissants turcs afin qu'ils occupent les postes de cuisinier et de boulanger au sein du restaurant exploité pa

r ladite société.

Par un jugement n° 1400865 du 7 décembre 2016, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société A...B, M. B...A...et Mme E... A...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à verser une somme de 39 017,73 euros à la société A...B, une somme de 5 000 euros à M. B...A...et une somme de 5 000 euros à Mme E... A...en réparation des préjudices liés au refus de l'administration d'honorer son engagement de délivrer des autorisations de travail à deux ressortissants turcs afin qu'ils occupent les postes de cuisinier et de boulanger au sein du restaurant exploité par ladite société.

Par un jugement n° 1400865 du 7 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2017, la société A...B, M. B...A...et Mme E...A..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2016 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de condamner l'Etat à verser une somme de 39 017,73 euros à la société A...B, une somme de 5 000 euros à M. B...A...et une somme de 5 000 euros à Mme E...A..., avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les demandes de titre de séjour des ressortissants turcs qu'ils souhaitaient embaucher ont été présentées le 22 juillet 2013, date à laquelle leurs visas de court séjour n'étaient pas expirés ; dès lors, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les intéressés n'étaient pas en situation irrégulière ;

- l'Etat n'a pas honoré son engagement de délivrer les autorisations de travail ; ils ont pour leur part respecté l'engagement pris de former deux apprentis, ce dont il est justifié ;

- ils ne se sont pas placés volontairement en situation illégale ;

- l'entreprise a dû continuer à fonctionner sans le cuisinier et le boulanger escomptés, ce qui a causé un préjudice ; des frais de présentation des dossiers de titre de séjour, à savoir des frais d'assistance administrative et d'assistance d'un avocat, ont été indûment exposés ; l'impossibilité de recruter les nouveaux employés à contraint le restaurant à simplifier sa carte, ce qui a entrainé des coûts de nouvelle création graphique d'un menu, et occasionné des difficultés de fonctionnement, notamment en termes de temps de préparation des commandes et de qualité de la planification, difficultés qui ont généré une baisse du chiffre d'affaires entre avril 2013 et novembre 2013 ;

- M. et Mme A...ont en outre subi une atteinte à leur honneur et à leur réputation.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2017, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la responsabilité de l'administration n'est pas engagée ; l'échec de la mise en oeuvre du protocole d'accord du 30 novembre 2012 ne lui est pas imputable ;

- les préjudices patrimoniaux dont la réparation est demandée ne sont pas justifiés ;

- les préjudices extrapatrimoniaux dont la réparation est demandée ne trouvent pas leur origine dans une faute commise par l'administration.

Par une ordonnance du 5 septembre 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 2 octobre 2017 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

- et les observations de MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. La société A...B, M. B...A...et Mme E... A...relèvent appel du jugement n° 1400865 du 7 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'Etat à verser une somme de 39 017,73 euros à la société A...B, une somme de 5 000 euros à M. B...A...et une somme de 5 000 euros à Mme E... A...en réparation des préjudices liés au refus de l'administration d'honorer son engagement de délivrer des autorisations de travail à deux ressortissants turcs afin qu'ils occupent les postes de cuisinier et de boulanger au sein du restaurant exploité par ladite société.

2. Il résulte de l'instruction que la société requérante, dont M. B...A...et Mme E... A...sont les gérants, exploite à Buxerolles le restaurant " Le Sultan ", spécialisé dans la cuisine anatolienne. Cette société a sollicité en 2012 la délivrance d'autorisations de travail au bénéfice de M. D...C...et de M. H...A..., ressortissants turcs résidant hors du territoire national, afin de les recruter sur les postes, respectivement, de " boulanger spécialisé " et de " cuisinier spécialisé ". Le directeur du travail, responsable de l'unité territoriale de la Vienne, a rendu le 6 juin 2012 un avis défavorable, aux motifs, d'une part, que ces métiers, bien que spécialisés, n'étaient pas affectés par des difficultés de recrutement, d'autre part, que la recherche d'emploi effectuée sur le marché du travail n'avait pas été conduite par la société avec sincérité. Toutefois, à la suite d'une entrevue du 13 août 2012, cette même autorité a rendu le 27 août 2012 un avis favorable à la demande de la société d'introduction des intéressés. Un protocole d'accord a par la suite été conclu le 30 novembre 2012 entre le préfet de la Vienne et la société A...B. Aux termes de ce protocole, " les services de l'Etat ont convenu d'accorder exceptionnellement une autorisation de travail à deux ressortissants turcs, Messieurs C...Ibrahim et A...Hasan Rahmi, pour tenir les emplois de cuisinier (...). ". Messieurs C...Ibrahim et A...Hasan Rahmi ont sollicité la délivrance de visas de long séjour, qui leur ont été refusés par les services consulaires. A la suite de ce refus, M. D...C...a renoncé à venir en France. M. H...A...a, quant à lui, obtenu un visa touristique " Schengen ", valable jusqu'au 14 septembre 2013, sous couvert duquel il est entré un France en juin 2013. M.G..., ressortissant turc, est également entré en France en juin 2013 sous couvert d'un visa court séjour. Le 15 juillet 2013, les services de police ont effectué une opération de contrôle au sein du restaurant exploité par la société A...B, contrôle au cours duquel il a été constaté que M. H...A...et M. G...étaient employés sans être titulaires d'autorisations de travail. Les gérants de la société se sont présentés le 25 juillet suivant au service " main d'oeuvre étrangère " de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, aux fins de solliciter l'attribution d'autorisations de travail au bénéfice de M. H...A...et M.G.... Par un courrier du 26 juillet 2013, le préfet de la Vienne a indiqué à la société A...B que la décision d'août 2012 d'octroi d'autorisations de travail au bénéfice de M. H...A...et M. D...C...était devenue caduque du fait du refus de visa opposé aux intéressés par les services consulaires, et a invité la société à déposer de nouvelles demandes d'autorisations de travail pour Messieurs Hasan A...et Ayha Cetin. La société a présenté ces demandes le 7 août 2013. Ces demandes ont été rejetées par des décisions du préfet de la Vienne du 25 novembre 2013, au motif qu'en méconnaissance des dispositions du 3° de l'article R. 5221-20 du code du travail relatives au respect, par l'employeur, de la législation relative au travail et à la protection sociale, les intéressés étaient en juillet 2013 en situation de travail au sein du restaurant sans bénéficier d'autorisations de travail, et alors que la société n'avait effectué aucune déclaration préalable à l'embauche auprès de l'URSAAF.

3. En premier lieu, l'article L. 5221-2 du code du travail dispose : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'un contrat de travail visé par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ou d'une autorisation de travail ne fait pas obstacle à ce que son entrée en France soit refusée par l'autorité compétente pour un motif d'intérêt général. Dès lors, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'engagement pris par le préfet de la Vienne de délivrer une autorisation de travail à M. H...A..., autorisation qui a été délivrée dès le 28 août 2012 et transmise à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ne préjugeait pas de la décision de l'autorité compétente pour la délivrance du visa sollicité par l'intéressé. Ainsi, l'interruption de la procédure d'introduction par le travail de M. H...A...a pour origine, non pas un prétendu refus du préfet de la Vienne d'honorer son engagement de délivrance d'une autorisation de travail, mais la décision de refus de visa opposée à l'intéressé par les services consulaires, décision dont le bien-fondé n'est pas discuté.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'engagement de délivrance d'autorisations de travail pris en 2012 par le préfet de la Vienne portait sur une procédure d'introduction de deux ressortissants turcs, dont M. H...A..., résidant alors hors du territoire national, et n'avait nullement pour objet de régulariser la situation d'un étranger travaillant illégalement en France. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus d'autorisation de travail opposé par le préfet le 25 novembre 2013, en tant qu'il concerne M. H...A..., qui est fondé sur le non-respect par la société de la législation relative au travail et à la protection sociale, aurait méconnu l'engagement susmentionné de 2012. Le refus en cause n'est, par suite, pas fautif.

5. En troisième lieu, l'engagement pris en 2012 par le préfet de la Vienne ne concernait nullement M.G.... Dès lors, la société appelante ne peut faire valoir que le refus du préfet de la Vienne du 25 novembre 2013 de délivrer une autorisation de travail à l'intéressé constituerait une faute tenant au non-respect d'un engagement préalable.

6. Il résulte de ce qui précède que les requérants, qui ne démontrent pas l'existence d'une faute engageant la responsabilité de l'Etat, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs conclusions tendant à la réparation par l'Etat des préjudices qu'ils invoquent. Leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société A...B, M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société A...B, à M. B...A...et à Mme E... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 novembre 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX00412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00412
Date de la décision : 15/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique. Promesses.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : TOUBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-15;17bx00412 ?
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