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14/11/2017 | FRANCE | N°17BX00656

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 14 novembre 2017, 17BX00656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 juin 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son certificat de résidence algérien, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°1603354 du 3 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2017, MmeC..., représentée par

MeB..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 juin 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son certificat de résidence algérien, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°1603354 du 3 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2017, MmeC..., représentée par

MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 juin 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son certificat de résidence algérien, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui renouveler son certificat de résidence algérien dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision rejetant sa demande de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de l'intensité de ses liens personnels et familiaux avec la France ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet a estimé qu'elle pouvait introduire une procédure de regroupement familial ;

- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille mineure tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une mesure défavorable ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet aurait dû lui délivrer de plein droit le certificat de résidence algérien sollicité sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale.

S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- le préfet s'est placé, à tort, en situation de compétence liée et n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation, s'étant mépris sur l'étendue de son pouvoir d'appréciation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- ce défaut de motivation démontre l'absence d'examen réel de sa situation personnelle et des difficultés encourues en cas de retour dans le pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré 11 avril 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une décision du 4 mai 2017, le président de section du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par MmeC....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Didier Salvi.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante algérienne née le 13 juin 1982, est entrée en France, selon ses déclarations, le 21 janvier 2010, sous couvert d'un visa de court séjour. Par une décision du 15 octobre 2010, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande de reconnaissance du statut de réfugié. Mme C... a ensuite fait l'objet, le 26 avril 2011, d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, qu'elle n'a pas contesté. Puis, en raison du pacte civil de solidarité conclu le 19 mai 2014 avec un ressortissant français, elle a bénéficié d'un certificat de résidence algérien au titre de la vie privée et familiale, valable jusqu'au 24 mars 2016. Après la rupture le 13 juillet 2015 de ce pacte civil de solidarité, Mme C...vit dorénavant en concubinage avec un compatriote, titulaire d'un certificat de résidence algérien valable dix ans, obtenu en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Le 8 mars 2016, Mme C...a déposé une demande de renouvellement de son certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Mme C... relève appel du jugement n°1603354 du 3 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 juin 2016 :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. La requérante reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué. Toutefois, l'arrêté litigieux mentionne, avec une précision suffisante pour permettre à l'appelante d'en comprendre les motifs et, dépourvue de caractère stéréotypé, les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des différentes décisions qu'il comprend. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté attaqué, que le préfet se serait abstenu de se livrer à l'examen sérieux de la situation de MmeC.... Par suite, ces moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne le refus de renouvellement du certificat de résidence algérien :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

4. Si Mme C...se prévaut de sa vie maritale depuis 2015 avec un compatriote titulaire d'un certificat de résidence algérien valable dix ans, avec lequel elle a eu un enfant né le 19 juillet 2015, la communauté de vie alléguée, qui n'est d'ailleurs établie qu'au cours de l'année 2016 par les pièces produites au dossier, est récente. Rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale de Mme C...se poursuive en Algérie alors que le titre dont dispose son concubin a été délivré en qualité de conjoint d'une ressortissante française avec laquelle il est désormais divorcé. L'appelante n'établit en outre pas qu'elle serait dépourvue de toutes attaches familiales en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. Il en est de même de son compagnon dont il n'est pas contesté qu'il a conservé des liens familiaux en Algérie. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le préfet n'a pas plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de l'intéressée.

5. Si, pour l'examen de la situation de Mme C...au regard des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet a également mentionné que cette dernière n'apportait pas la preuve que son concubin ne pouvait initier une procédure de regroupement familial, cet argument présente un caractère superfétatoire dans l'appréciation portée sur l'atteinte portée sur la vie familiale de l'intéressée, compte tenu des éléments de faits rappelés au point 4 ci-dessus. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet en évoquant la possibilité d'une procédure de regroupement familial est, en tout état de cause, inopérant.

6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. La décision litigieuse, qui n'emporte pas par elle-même mesure d'éloignement, n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme C...de sa fille. Rien ne s'oppose à ce que cette dernière, en bas âge, suive sa mère dans son pays d'origine où elle pourra débuter sa scolarité. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 précité doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de renouvellement de son certificat de résidence algérien à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. Contrairement à ce qu'elle soutient, l'intéressée n'a pas été empêchée par le préfet de faire valoir ses observations et n'a produit aucun élément nouveau au cours de l'instruction de sa demande. Le droit d'être entendu n'implique pas de la mettre à même de réitérer ses observations sur la mesure d'éloignement prise concomitamment au refus de séjour. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue.

10. Il y a lieu d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux explicités au

point 4 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations

du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien est quant à lui inopérant au soutien des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de renouvellement de son certificat de résidence algérien à l'encontre de la décision susvisée.

12. Aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. ¯ Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible.(...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " .

13. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le préfet en retenant le délai de départ volontaire de droit commun de 30 jours prévu au II de l'article L. 511-1 précité, ne s'est pas cru en situation de compétence liée. Aucun élément du dossier n'est de nature à établir que des circonstances particulières auraient justifié que ce délai de 30 jours soit prolongé. Ainsi, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter, d'une part, les conclusions présentées par l'appelante aux fins d'injonction et d'astreinte, d'autre part, ses conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991

et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2017

Le rapporteur,

Didier Salvi Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00656
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : DAVID-ESPOSITO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-14;17bx00656 ?
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