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14/11/2017 | FRANCE | N°15BX00299

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 14 novembre 2017, 15BX00299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...et M. G... D...ont, en leur qualité d'ayants droit de leur père, FrancisD..., demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et le centre hospitalier de Libourne à leur verser la somme de 399 052,75 euros en réparation des préjudices subis à la suite du décès de ce dernier.

Par un jugement avant dire droit du 24 juin 2014 et un jugement n° 1202029 du

2 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné, d'une part, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...et M. G... D...ont, en leur qualité d'ayants droit de leur père, FrancisD..., demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et le centre hospitalier de Libourne à leur verser la somme de 399 052,75 euros en réparation des préjudices subis à la suite du décès de ce dernier.

Par un jugement avant dire droit du 24 juin 2014 et un jugement n° 1202029 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné, d'une part, l'ONIAM à verser à Mme B...D...et M. G...D...la somme de 2 133 euros en leur qualité d'ayants droits de FrancisD..., à Mme B...D...la somme de 7 729,18 euros et

à M. G...D...les sommes de 10 000 euros et 7 014,94 euros, au titre de leur préjudice propre, sous déduction des sommes de 4 333 euros et de 10 000 euros qui leur avaient été, respectivement, versées à titre provisionnel, d'autre part, le centre hospitalier de Libourne à garantir à hauteur de 50 % l'ONIAM des condamnations prononcées à son encontre.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 janvier et 15 septembre 2015, M. G... D..., représenté par MeH..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 décembre 2014 en tant qu'il a limité son préjudice économique ;

2°) de condamner solidairement l'ONIAM et le centre hospitalier de Libourne à lui verser la somme de 187 440,58 euros ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'ONIAM et du centre hospitalier de Libourne la somme de 3 000 euros à verser à sa soeur Céline et à lui-même en application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'appréciation portée par les premiers juges sur son préjudice économique est erronée dès lors, d'une part, qu'il convenait de prendre en compte les revenus de son père perçus en 2008 et non ceux de l'année 2007, d'autre part, que la part de dépense personnelle de son père doit être estimée à 20 % de ses revenus, enfin, que son préjudice ne s'éteint pas au 31 décembre 2010 alors que, par ailleurs, l'allocation aux adultes handicapés ne constitue pas un revenu.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 août et 16 septembre 2015, l'ONIAM conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement de première instance.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 19 août 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde conclut à ce qu'il soit pris acte qu'elle n'entend pas intervenir à l'instance.

Par un mémoire, enregistré le 21 septembre 2015, le département de la Gironde conclut à ce qu'il soit mis hors de cause.

Par un mémoire, enregistré le 9 novembre 2015, le centre hospitalier de Libourne, représenté par MeE..., conclut à ce que la cour réforme le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a retenu un préjudice de M. G...D...au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés ;

- M. D...n'a subi aucun préjudice économique pendant la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Par ordonnance du 9 novembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant M.D..., de MeC..., représentant l'ONIAM, de MeE..., représentant centre hospitalier de Libourne et de

MeI..., représentant le département de la Gironde.

Considérant ce qui suit :

1. Victime d'une chute le 19 mars 2008 au matin dans le cadre de son service, FrancisD..., alors âgé de 59 ans, a été hospitalisé en fin d'après-midi au centre hospitalier de Libourne où une fracture comminutive spiroïde du tibia et du péroné a été diagnostiquée. Transféré dans le service de réanimation le 26 mars suivant dans un état de défaillance multi-viscérale lié à une septicémie à Escherichia coli, il est décédé le lendemain. Saisi par deux de ses enfants, le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement avant dire droit du 24 juin 2014, puis un jugement du 2 décembre 2014, condamné l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme B... D...et M. G... D...la somme de 2 133 euros en leur qualité d'ayants droits de FrancisD..., à Mme B...D...la somme de 7 729,18 euros et à M. G... D...la somme globale de 17 014,94 euros, au titre de leur préjudice propre, sous déduction des sommes de 4 333 euros et de 10 000 euros qui leur avaient été, respectivement, versées à titre provisionnel. Le tribunal administratif a, en outre, condamné le centre hospitalier de Libourne à garantir, à hauteur de 50 %, l'ONIAM des condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier.

2. M. G... D...demande à la cour de porter à la somme de 187 440,58 euros l'indemnité qui lui a été allouée du chef de son préjudice économique et de réformer le jugement du tribunal administratif en ce sens. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Libourne demande que l'indemnisation de ce même préjudice soit réduite à la somme de 2 155,90 euros.

Sur l'évaluation du préjudice économique de M.D... :

3. D'une part, le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint ou de son ascendant est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien compte tenu de ses propres revenus.

4. D'autre part, le principe de la réparation intégrale du préjudice doit conduire le juge à déterminer, au vu des éléments de justification soumis à son appréciation, le montant de la perte de revenus dont la victime ou ses ayants droit ont été effectivement privés du fait du dommage qu'elle a subi. Ce montant doit en conséquence s'entendre comme correspondant aux revenus nets perdus par elle.

5. Il résulte de l'instruction que M.D..., majeur protégé depuis 1997, vivait, lors du décès de son père, au domicile familial. S'il soutient que ses parents étaient séparés de fait, depuis une date d'ailleurs non précisée, sa mère, elle-même sous tutelle, était rattachée au foyer fiscal de son époux et ne disposait d'aucun revenu propre. Ainsi, alors que M. D...disposait déjà de l'allocation adulte handicapé, contrairement à ce qu'il prétend, il n'est pas fondé à soutenir qu'en évaluant à 20 % la fraction de revenu que son père lui consacrait, le tribunal aurait fait une appréciation erronée des faits de l'espèce.

6. Il résulte également de l'instruction que les revenus perçus par Francis D...au cours de l'année civile précédant son décès, survenu le 27 mars 2008, s'élevaient à la somme de 21 559 euros. Ainsi, la moyenne des revenus mensuels de Francis D...peut être fixée à la somme de 1 796,58 euros et non à celle de 1 862 euros demandée par l'appelant au regard des seuls trois derniers mois d'activité de son père. Dès lors, la part de revenu de M. D...provenant des salaires de son père, avant le décès de ce dernier, doit être évaluée à la somme mensuelle de 359,32 euros. Par suite, M.D..., qui ne perçoit aucune pension de réversion du chef de son père défunt, a subi un préjudice économique entre la date du décès et

le 31 décembre 2008, date à laquelle Francis D...aurait pris sa retraite, qui doit être évalué, comme l'ont fixé les premiers juges, à la somme de 2 155,90 euros, compte tenu du taux de perte de chance retenu des deux tiers, qui n'est pas contesté.

7. Il résulte, enfin, de l'instruction que Francis D...aurait dû percevoir à compter du 1er janvier 2009 une pension civile de l'État d'un montant annuel de 17 027,29 euros bruts et une pension du régime général d'un montant annuel de 1 194 euros. La part des revenus qu'il aurait alors consacrée à son fils se serait élevée à la somme annuelle de 3 644,26 euros, soit, en tenant compte du taux de perte de chance, à la somme mensuelle de 202,46 euros. Si M. D...soutient qu'il vit désormais seul, après avoir vécu, selon l'attestation de la caisse d'allocations familiales du 11 juillet 2014, de façon maritale, il n'apporte pas, à la présente instance, d'élément susceptible de contester sérieusement qu'il a quitté le domicile familial au plus tard le 31 décembre 2010, comme l'ont retenu les premiers juges, et qu'il perçoit au moins depuis cette date, outre l'allocation adulte handicapé, l'aide personnalisée au logement ainsi que la majoration pour la vie autonome d'un montant actuel respectif de 256,24 et 104,77 euros . Dès lors, il y a lieu de ne retenir, au titre du préjudice économique subi par M. D...du fait du décès de son père, que la seule période antérieure au 31 décembre 2010. Par suite, l'indemnité due de ce chef pour la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, doit par une exacte appréciation, être évaluée à la somme de 4 859,04 euros, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la mère de M. G...D...perçoive une pension de réversion d'un montant mensuel de 702,13 euros, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Libourne.

8. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant à la somme de 7 014,94 euros l'indemnité qui lui est due au titre de son préjudice économique, les premiers juges auraient porté une appréciation erronée de ce chef de préjudice. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la réformation du jugement doivent être rejetées. Il en est de même des conclusions d'appel incident présentées par le centre hospitalier de Libourne.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire de l'ONIAM et du centre hospitalier de Libourne, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme demandée par M. D...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Libourne sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., à l'association des oeuvres girondines de protection de l'enfance, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier de Libourne, au département de la Gironde, à la mutuelle de la fonction publique de la Gironde, au ministre de la transition écologique et solidaire, et à Mme B...D... .

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2017

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX00299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00299
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03-02-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice. Préjudice matériel. Perte de revenus. Perte de revenus subie du fait du décès d'une personne.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET REMY LE BONNOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-14;15bx00299 ?
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