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13/11/2017 | FRANCE | N°16BX00747

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2017, 16BX00747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...A...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 5 février 2014 de l'inspecteur du travail de la section 2 de La Réunion qui a, à la demande de l'organisme de gestion de l'école Sainte-Geneviève (OGEC), autorisé son licenciement pour faute grave.

Par un jugement n° 1400346 du 23 décembre 2015 le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la demande en annulation de la décision du 5 février 2014 présentée par Mme A...B....

Procédure devant

la cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2016 et des mémoires du 24 avril et 28...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...A...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 5 février 2014 de l'inspecteur du travail de la section 2 de La Réunion qui a, à la demande de l'organisme de gestion de l'école Sainte-Geneviève (OGEC), autorisé son licenciement pour faute grave.

Par un jugement n° 1400346 du 23 décembre 2015 le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la demande en annulation de la décision du 5 février 2014 présentée par Mme A...B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2016 et des mémoires du 24 avril et 28 juillet 2017, Mme G...A...B...représentée par Me L...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 décembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 5 février 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 2 de La Réunion a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'OGEC de l'école Sainte-Geneviève, la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- au titre de la légalité externe, la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement et la demande d'autorisation de licenciement ont été présentées par M. Futhazar président de l'OGEC, alors qu'en vertu des statuts de l'OGEC, il appartient au conseil d'administration de décider de la révocation des membres du personnel et que la jurisprudence de la Cour de Cassation sanctionne l'absence de respect des statuts quant à la personne habilitée à présenter la demande d'autorisation de licenciement ;

- si dans son mémoire en défense devant la cour, l'OGEC produit le procès-verbal de la délibération du conseil d'administration du 18 octobre 2013 donnant délégation du pouvoir disciplinaire au directeur de l'OGEC, il est curieux que ce document ne soit produit qu'en appel, alors que Mme A...B...n'a eu de cesse de le demander en première instance, et que par ailleurs lors de cette séance du conseil d'administration, deux religieuses qui sont membres de ce conseil se trouvaient absentes ;le document n'a été produit que pour les besoins de la cause, ce qui est démontré par le fait que le registre des délibérations signé par le président et le secrétaire de séance comme l'impose l'article 21 des statuts, n'est pas versé au dossier ;

- en tout état de cause, à supposer même la délibération du conseil d'administration du 18 octobre 2013 régulière, en vertu de l'article 17 des statuts, le président dudit conseil était tenu de rendre compte au conseil d'administration de l'OGEC, des décisions prises, ce que l'OGEC n'établit pas ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le licenciement a été annoncé avant même la tenue de l'entretien préalable, ce qui est contraire à l'article L. 1232-2 du code du travail, selon lequel au cours de l'entretien, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié ;

- l'employeur n'a pas en l'espèce respecté ce principe dès lors que son licenciement, comme l'indiquent les attestations établies par Mme J...et M. I...salariées de l'OGEC, avait été annoncé lors d'une réunion du 2 décembre 2013, soit avant l'entretien préalable du 12 décembre 2013 ;

- M. I...indique que la décision de la licencier avait été prise depuis longtemps, ce qui démontre le mépris affiché par son employeur face aux dispositions légales inhérentes à la procédure de licenciement, et ce qui est démontré par le fait qu'à l'issue de l'entretien préalable, les serrures de la porte du secrétariat ont été changées ;

- ce fait démontre que contrairement à ce qu'exige la loi, l'employeur n'a pas respecté le délai de réflexion qui lui était imparti avant de prononcer un licenciement ;

- si Mme A...B...avait réellement commis une faute grave, une mise à pied conservatoire aurait du être prononcée, ce qui n'a pas été le cas ;

- cette absence d'intervention d'une mise à pied conservatoire, qui aurait dû attirer l'attention de l'inspecteur du travail, repose sur la volonté de l'OGEC de faire échec aux délais d'information et de saisine de l'inspection du travail, particulièrement contraignants qui doivent être respectés quand un salarié est mis à pied à titre conservatoire ;

- en ce qui concerne la légalité interne, les véritables motifs sur lesquels repose la décision de licenciement tiennent à sa demande, par courrier du 22 novembre 2013, relayée par un courrier de son syndicat du 28 novembre 2013, d'organiser au sein de l'OGEC, des élections de délégués du personnel, ce qui a entrainé 4 jours plus tard par courrier du 2 décembre 2013, sa convocation à un entretien préalable en vue de son licenciement ;

- c'est à tort que l'inspecteur du travail mentionne, dans la décision attaquée, que le projet de licenciement la concernant se trouve sans lien avec sa demande d'organisation des élections, tout en ajoutant, sans plus de précisions, que les actes qui lui sont reprochés seraient antérieurs à la demande d'organisation des élections ;

- elle a toujours donné satisfaction à son employeur comme l'établit notamment le compte-rendu de l'assemblée générale de l'OGEC en 2012 au cours de laquelle le président de l'association l'avait publiquement et personnellement remerciée pour son travail, ainsi que lors d'un entretien du 16 mai 2013 avec l'OGEC au cours duquel elle était assistée par un représentant syndical, M.H... ;

- sa situation s'est dégradée lorsqu'elle a demandé un rappel d'heures supplémentaires et l'organisation d'élections professionnelles ;

- à la suite de ses revendications, de nombreuses tâches lui ont été retirées, notamment, à compter du 27 août 2013, la réception et l'enregistrement du courrier, l'organisation du championnat d'orthographe, l'aide personnalisée, les plannings de différentes interventions extérieures, la gestion des documents de l'APPEL et les différentes tâches de dactylographie, alors que par ailleurs, il lui a été demandé la restitution des clés de la boite à lettres ;

- c'est à tort que pour rejeter sa requête, le tribunal s'est fondé sur le fait que le syndicat qui l'avait mandatée n'avait pas présenté de candidats à l'élection de délégués du personnel, alors que le protocole d'accord préélectoral a été signé le 27 janvier 2014 par M. H...et que les élections ont eu effectivement lieu après la rupture de son contrat de travail ;

- en ce qui concerne la matérialité des faits qui lui sont reprochés, en premier lieu, le fait de ne pas avoir informé régulièrement la direction de l'établissement de la situation des impayés et le retard de traitement de ces impayés, ne peut lui être reproché dès lors que comme le relève l'inspecteur du travail, le fait de ne pas avoir utilisé un logiciel spécial n'avait pas donné lieu à avertissement ou même observation de la part de l'employeur, alors qu'en tout état de cause, elle utilisait le logiciel Bage depuis 2005, même si aucune formation ne lui avait été dispensée pour l'utilisation de ce logiciel ;

- en ce qui concerne le reproche qui lui est fait tenant à l'absence d'information de l'OGEC, en juin 2013, de l'existence d'un cas de maltraitance d'un enfant, dont lui avait fait part l'assistante maternelle, elle avait conseillé à l'assistante maternelle d'en référer à l'enseignante de l'enfant ; en tout état de cause les faits en question étaient prescrits en vertu de l'article L. 1332-4 du code du travail à la date du 2 décembre 2013 à laquelle elle a reçu la convocation à l'entretien préalable dès lors que la direction de l'école avait été informée en juin 2013 de l'existence de ces faits ; à cet égard, la requérante conteste l'attestation établie par MmeK..., enseignante, à l'encontre de laquelle elle a déposé une plainte pour faux témoignage ; par ailleurs, à ce sujet, le directeur de l'OGEC, en vue d'échapper à la prescription des faits a fait établir un faux témoignage par MmeC..., le 30 mars 2017, comme cette dernière l'a reconnu par le dépôt d'une main-courante auprès des services de police le 31 mars 2017 ;

- pour ce qui est du fait d'avoir transmis directement, le 30 avril 2013 à une enseignante, Mme N...un courrier aux termes duquel une voisine se plaignait de l'attitude de cette enseignante, et pour lequel elle a fait l'objet d'un avertissement, en vertu du principe " non bis in idem " elle ne pouvait pas faire l'objet pour les mêmes faits, d'une mesure de licenciement, ces faits étant en tout état de cause également prescrits ; ce courrier était par ailleurs un courrier personnel et non administratif de sorte qu'elle ne peut être considérée comme étant en faute en ayant remis directement ce courrier à l'enseignante ;

- en ce qui concerne le fait d'avoir débranché le standard le 2 septembre 2013, comme l'a indiqué l'inspecteur du travail, les faits étaient prescrits ;

- la circonstance de mauvaises relations avec ses collègues ne peut justifier en elle-même, le prononcé d'une mesure de licenciement alors que par ailleurs le fait d'avoir conseillé aux assistantes maternelles de ne pas se rendre au repas de fin d'année n'est pas établi ;

- pour ce qui est du reproche de ne pas avoir transmis au directeur, le 12 novembre 2013, une note du maire de Saint-André destinée aux agents communaux, cette note n'était pas à destination du directeur de l'établissement, mais des responsables de services communaux, au nombre desquels ne figure pas le directeur ; en tout état de cause l'absence de transmission de cette note n'a pas désorganisé le service et ne pouvait donc justifier un licenciement.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2017, et les mémoires complémentaires des 18 avril, 19 juin et 10 août 2017, l'organisme de gestion de l'école Sainte-Geneviève (OGEC), représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête de Mme A...B...et à ce que soit mise à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- en premier lieu, par délibération du 18 octobre 2013, le conseil d'administration a donné délégation du pouvoir disciplinaire au président de l'OGEC ainsi que le permet l'article 17 des statuts ; les stipulations de l'article 21 des statuts ne concernent que la retranscription des délibérations de l'assemblée générale et non celles du conseil d'administration ; la circonstance selon laquelle par ailleurs, il n'aurait pas, contrairement à ce qu'impose l'article 17 des statuts, été rendu compte des décisions au conseil d'administration de l'OGEC, renvoie à une circonstance postérieure à l'autorisation de licenciement en litige et se trouve donc sans incidence sur sa légalité ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, lors la réunion du 2 décembre 2013 n'a pas prise la décision de la licencier mais seulement d'engager une procédure de licenciement disciplinaire à son encontre, comme l'indiquent différentes attestations de salariés ayant assisté à cette réunion ;

- l'absence de mise à pied conservatoire ne saurait être utilement reprochée à l'OGEC ;

- la dégradation des relations de travail est largement antérieure à la demande d'organisation d'élections professionnelles et de demande de paiement d'heures supplémentaires et le lien avec le statut de salarié protégé n'est donc pas établi ;

- en ce qui concerne l'allégation du retrait de certaines tâches, si les tâches relatives à l'enregistrement du courrier lui ont été retirées, compte tenu des griefs de l'OGEC, les autres tâches lui ont été maintenues ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, les faits fautifs ne sont pas prescrits ;

- Mme A...B..., qui n'avait pas la qualité de chef de service, s'est rendue l'auteure de rétention d'informations à plusieurs reprises, ce qui a nui à l'établissement ;

- en ce qui concerne les soupçons de maltraitance dont Mme A...B...n'a pas fait état auprès de l'établissement, rien ne permet de mettre en cause l'attestation de MmeK... ;

Par un mémoire enregistré le 28 juin 2017, le ministre du travail conclut au rejet de la requête de Mme A...B....

Il fait valoir que :

- en vertu des statuts, le pouvoir de licenciement disciplinaire appartient au président de l'OGEC lequel pouvait donc signer la convocation à l'entretien préalable ainsi que présenter la demande d'autorisation de licenciement ;

- la requérante n'établit pas formellement que la décision de la licencier aurait été prise avant l'entretien préalable au licenciement ;

- Mme A...B...a été convoquée à l'entretien préalable avant l'annonce faite au personnel communal, le 2 décembre 2013, de son intention de la licencier ;

- en vertu des articles L. 2421-1 et L. 2421-3 du code du travail, la mise à pied conservatoire en cas de faute grave, est une faculté et non une obligation pour l'employeur ;

- la matérialité des faits reprochés est établie ;

- en ce qui concerne la prescription, l'employeur ne peut se fonder sur des faits prescrits sauf si ces faits procèdent d'un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits ;

- en l'espèce, le fait pour Mme A...B...de ne pas avoir informé le directeur de l'établissement de l'existence d'un cas de maltraitance d'un enfant, constitue un fait de même nature que d'autres faits de rétention d'information, consistant dans le fait de ne pas avoir transmis au directeur une lettre adressée à l'établissement, émanant de la voisine d'une enseignante ; ces faits ne peuvent se voir appliquer la prescription compte tenu de ce qu'ils sont postérieurs à l'avertissement du 10 septembre 2013, qui concerne des faits de même nature.

- Mme A...B...n'a pas non plus transmis au directeur, le 7 novembre 2013, la note de service de la mairie relative à la paie des agents en service détaché auprès de l'OGEC, alors que cette note était importante ;

- les faits de rétention d'information, de par leur caractère continu, sont constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante justifiant le licenciement ;

- en ce qui concerne le lien allégué entre la demande d'organisation des élections et la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, il doit être écarté dès lors que les faits reprochés à Mme A...B...sont antérieurs à la demande d'organisation des élections et à sa demande de rappel d'heures supplémentaires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- les observations de MeF..., représentant l'OGEC.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...B...a été recrutée par l'association " organisme de gestion de l'école de Sainte Geneviève " (OGEC), qui se trouve sur la commune de Saint-André, à La Réunion, le 1er août 1991, et a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de secrétaire, à compter du 1er septembre 1993. Elle avait la qualité de salariée protégée en vertu de l'article L. 2411-6 du code du travail, du fait de sa demande adressée à l'OGEC le 22 novembre 2013, d'organisation d'élections professionnelles, demande relayée par un courrier adressé le 28 novembre 2013 par le syndicat auquel elle appartenait. Par une décision du 5 février 2014, l'inspecteur du travail de la section 2 de La Réunion a à la demande de l'OGEC de l'école Sainte-Geneviève, autorisé le licenciement de Mme A...B...pour faute grave. Mme A...B...relève appel du jugement du 23 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande en annulation de la décision du 5 février 2014.

Sur le bien-fondé du jugement et de la décision en litige :

2. En premier lieu aux termes des articles L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée en lui indiquant l'objet de la convocation. (...) Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié ".

3. La requérante soutient que la décision de la licencier avait été prise avant l'entretien préalable au licenciement qui a eu lieu le 12 décembre 2013, dès lors que son licenciement aurait été annoncé lors de réunions des 2 et 3 décembre 2013, avec des salariés de l'OGEC et se prévaut à cet égard des attestations établies par Mme J...et M. I...salariées de l'OGEC, présentes à la réunion des 2 et 3 décembre 2013, et selon lesquelles, lors de ces réunions, il aurait été indiqué que Mme A...B..." serait licenciée la semaine suivante ". Toutefois, compte tenu de ce que l'OGEC produit des attestations de trois salariés (MmeM..., M. O...et MmeE...) selon lesquelles lors de ces réunions de décembre 2013, il a seulement été indiqué qu'une procédure disciplinaire avait été engagée à l'encontre de Mme A...B...et qu'elle avait été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement, il ne peut être considéré dans les circonstances de l'espèce, et alors qu'au surplus aucune publicité extérieure à l'établissement n'a été donnée à un éventuel projet de licenciement, que la décision de licenciement avait déjà été prise avant même l'intervention de l'entretien préalable au licenciement.

4. La circonstance également invoquée par Mme A...B..., selon laquelle les serrures de son bureau auraient été changées le 12 décembre 2013 à l'issue de son entretien préalable, ne traduit pas à elle seule, le fait que son licenciement aurait été décidé de façon prématurée.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2411-5 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) " et en vertu de l'article L. 2411-6 du même code : " L'autorisation de licenciement est requise, pendant une durée de six mois, pour le salarié ayant demandé à l'employeur d'organiser les élections de délégués du personnel ou d'accepter d'organiser ces élections. Cette durée court à compter de l'envoi à l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à des élections. / Cette protection ne bénéficie qu'à un seul salarié par organisation syndicale ainsi qu'au premier salarié, non mandaté par une organisation syndicale, qui a demandé l'organisation des élections. ".

6. Il appartient à l'administration, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, de vérifier que cette demande est présentée par l'employeur de ce salarié ou par une personne ayant qualité pour agir en son nom. Lorsque la demande d'autorisation de licenciement est présentée par une personne sans qualité pour le faire, l'administration est tenue de la rejeter.

7. Dans le cas où l'employeur est une personne morale, en l'espèce, une association régie par la loi du 1er juillet 1901, la demande d'autorisation de licenciement doit être présentée par la personne qui est désignée à cet effet par les statuts. En vertu de l'article 17 des statuts de l'OGEC : " Le conseil [d'administration] (...) nomme et révoque tous les personnels (...) A charge pour eux de lui rendre compte, le conseil peut déléguer une partie de ses pouvoirs (...) au président (...) ". Par une délibération du conseil d'administration du 18 octobre 2013 produite en appel par l'OGEC, il a été donné délégation par le conseil d'administration à M. Futhazar président de l'OGEC, en matière de licenciement disciplinaire, ce qui englobe notamment la présentation de la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé et la convocation à l'entretien préalable au licenciement. Si la requérante fait valoir que cette délibération aurait été établie pour les besoins de la cause, dès lors en particulier, qu'elle n'a été produite qu'en appel, alors qu'elle n'avait eu de cesse de la demander en première instance, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause l'authenticité de la pièce produite, la circonstance invoquée par la requérante, selon laquelle deux religieuses membres du conseil d'administration n'ont pas siégé à cette séance du 18 octobre 2013 se trouvant à cet égard sans incidence.

8. La circonstance également invoquée par la requérante selon laquelle le registre des délibérations devant être signé par le président et le secrétaire de séance comme l'impose l'article 21 des statuts, n'a pas été produit, est inopérante dès lors que l'article 21 ne concerne que les délibérations de l'assemblée générale, et non comme en l'espèce une délibération du conseil d'administration.

9. Il résulte de ce qui précède que la demande d'autorisation de licenciement et la convocation à l'entretien préalable signées par M. Futhazar président de l'OGEC ne se trouvaient entachées d'aucune irrégularité, la circonstance que le président de l'OGEC n'aurait pas rendu compte au conseil d'administration, contrairement à ce qu'impose l'article 17 des statuts, des décisions prises sur le fondement de la délégation, se trouvant sans incidence sur la validité formelle de la demande d'autorisation de licenciement et de convocation à l'entretien préalable au licenciement.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé (...) En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé dans l'attente de la décision définitive (...) ".

11. Si la requérante soutient - de façon paradoxale eu égard aux effets de la mise à pied et dans la mesure où elle fait par ailleurs valoir qu'elle n'a pas commis de faute grave - que c'est à tort que l'employeur, dans le but de s'affranchir de la procédure inhérente à cette mesure, n'a pas pris à son égard de mesure de mise à pied, le moyen est en tout état de cause inopérant dès lors qu'il résulte des dispositions mêmes de l'article L. 2421-3 précité, que le prononcé d'une mise à pied est une faculté pour l'employeur, et non une obligation.

12. En quatrième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 2411-3 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives, bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi.

13. Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ".

14. La décision du 5 février 2014, par laquelle l'inspecteur du travail de la section 2 de La Réunion a autorisé le licenciement de Mme A...B...pour faute grave, après avoir écarté au motif d'une part de la prescription, d'autre part de ce que certains faits avaient déjà fait l'objet d'une mesure disciplinaire et enfin du caractère non établi de ces faits, un certain nombre de griefs fondant la demande d'autorisation de licenciement, a considéré comme non prescrits, non déjà sanctionnés et comme constituant des faits de faute grave justifiant le licenciement, l'absence d'information par Mme A...B...de la direction de l'établissement sur un cas de maltraitance d'un enfant (par la mère de cet enfant) dont Mme A...B...avait eu connaissance, et la rétention d'un courrier adressé par le maire le 12 novembre 2013, relatif à la paye des salariés détachés de la mairie.

15. Dans ces conditions, seuls sont opérants les moyens de la requête de Mme A...B..., dirigés contre les motifs de la décision de l'inspecteur du travail relatifs à la rétention d'informations par la salariée, chargée des fonctions de secrétaire, à la fois sur un cas de maltraitance d'un enfant et sur un courrier adressé par le maire le 12 novembre 2013, à l'établissement relatif à la paye des salariés détachés de la mairie.

16. La requérante soutient dans sa requête que les faits qui lui sont reprochés relatifs à la rétention d'informations sur un cas de maltraitance d'un enfant, qui datent de juin 2013 étaient prescrits à la date du 2 décembre 2013 à laquelle elle a reçu la convocation à l'entretien préalable. Toutefois, ces faits révélant un comportement de même nature que d'autres faits, non atteints par la prescription, de rétention d'informations de la part de Mme A...B..., relatifs notamment à la note du 12 novembre 2013 d'information du maire, adressée à l'établissement, portant sur la paye des salariés détachés de la collectivité, travaillant au sein de l'OGEC, le moyen invoqué par Mme A...B...tiré de la prescription afférente aux faits du mois de juin 2013, doit être écarté.

17. Sur le fond, il ressort des pièces du dossier, et notamment de sa déclaration du 31 mars 2017, de main-courante auprès des services de police, que MmeC..., ATSEM de l'école primaire, a, le 18 juin 2013, signalé auprès du secrétariat de l'OGEC dans lequel travaillait Mme A...B..., la blessure à l'oreille dont souffrait un enfant, pouvant évoquer une maltraitance. Si dans sa déclaration de main-courante, Mme C...soutient que la direction de l'OGEC aurait fait pression sur elle, pour qu'elle modifie ses déclarations selon les souhaits de l'OGEC, elle n'a jamais remis en cause les termes de ses déclarations, selon lesquelles elle a averti Mme A...B...de ce cas de maltraitance. Cette dernière, qui se borne à faire état des pressions subies par MmeC..., et remet également en cause l'attestation du 23 avril 2014 établie par MmeK..., enseignante, relative à ce cas de maltraitance, contre laquelle Mme A... B...a porté plainte pour faux témoignage, ne conteste pas sérieusement alors qu'elle avait été informée de ce signalement de maltraitance, ne pas l'avoir porté immédiatement à la connaissance du directeur de l'établissement.

18. Dans ces conditions, compte tenu des procédures notamment auprès de l'inspection académique devant être activées dès la découverte d'une situation possible de maltraitance, Mme A...B..., en n'avertissant pas la direction de l'OGEC de cette situation, a failli à ses obligations et commis une faute grave.

19. Elle a également failli à ses obligations en ne transmettant pas au directeur de l'OGEC, le courrier adressé par le maire le 12 novembre 2013, relatif à la paye des salariés détachés de la mairie, travaillant au sein de l'établissement. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, que contrairement à ce Mme A...B...soutient, la demande d'autorisation de licenciement ait un lien avec le fait que par courrier du 22 novembre 2013, soit postérieurement aux faits qui lui sont reprochés, elle ait sollicité l'organisation d'élections de délégués du personnel au sein de l'OGEC.

20. Il résulte de ce qui précède que Mme A...B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, par son jugement du 23 décembre 2015, a considéré qu'elle avait commis des fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement pour motifs disciplinaires.

21. Il résulte de ce qui précède que Mme A...B...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 23 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande en annulation de la décision du 5 février 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 2 de La Réunion a, à la demande de l'OGEC, de l'école Sainte-Geneviève autorisé son licenciement pour faute grave.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'OGEC de l'école Sainte-Geneviève qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...B...demande sur le fondement de ces dispositions. Par ailleurs dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A...B...une somme sur le fondement de ces dispositions, au bénéfice de l'OGEC de l'école Sainte-Geneviève

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'OGEC de l'école Sainte-Geneviève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...A...B..., à l'organisme de gestion de l'école Sainte-Geneviève et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2017.

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N°16BX00747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00747
Date de la décision : 13/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : PERISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-13;16bx00747 ?
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