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13/11/2017 | FRANCE | N°15BX02478

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2017, 15BX02478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eurovia GPI a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 30 mai 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a refusé d'autoriser le licenciement pour inaptitude de M. B...C....

Par un jugement n° 1401505 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du ministre du travail du 30 mai 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 11 juille

t 2015 et 30 janvier 2017, M.C..., représentée par la SELARL Valadou-Salin, avocats, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eurovia GPI a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 30 mai 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a refusé d'autoriser le licenciement pour inaptitude de M. B...C....

Par un jugement n° 1401505 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du ministre du travail du 30 mai 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 11 juillet 2015 et 30 janvier 2017, M.C..., représentée par la SELARL Valadou-Salin, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 13 mai 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Eurovia GPI devant le tribunal administratif de Limoges ;

3°) de mettre à la charge de la société Eurovia GPI la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est en taché d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision litigieuse du ministre du travail est insuffisamment motivée ;

- l'employeur a attendu une année après l'avis de son inaptitude avant de saisir l'inspection du travail sans justifier avoir procédé à des recherches en vue de son reclassement ; il a refusé les trois propositions de reclassement qui lui ont été présentées en mai et juillet 2013 au motif qu'elles n'étaient pas conformes aux préconisations du médecin du travail non seulement en terme de compatibilité avec son état de santé qu'en terme de distance vis-à-vis de son domicile ; en effet, les reclassements proposés se situaient à plus de 500 kilomètres de son domicile alors que le médecin du travail a préconisé que son lieu de travail soit distant, au maximum, de 200 kilomètres de son domicile ; le médecin du travail, dans son avis rendu le 23 juillet 2013, ne s'est prononcé qu'au vu du descriptif des postes réalisé par l'employeur et sur le résultats d'examens médicaux datant de plus de neuf mois ;

- l'employeur ne lui a pas proposé les postes disponibles et il a postulé sur ces derniers de lui-même ; il n'a obtenu qu'une seule réponse, négative, pour un seul poste ;

- l'employeur est tenu de prendre les mesures appropriées en fonction des besoins concrets en l'occurrence à sa situation de travailleur handicapé, ce qui n'a pas été fait ; l'employeur a même supprimé un aménagement, pour lequel il avait obtenu une subvention, dont il bénéficiait dans son travail ;

- la décision attaquée n'est pas fondée sur les causes de l'inaptitude médicalement constatée ce qui est rappelé dans la décision elle-même ;

- les refus qu'il a opposés aux trois propositions de postes sont légitimes ; le fait qu'un salarié refuse par avance certains types de postes n'exonère pas l'employeur de son obligation de reclassement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2015, la société Eurovia GPI, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête de M.C....

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 30 janvier 2017.

Un mémoire présenté par le ministre du travail a été enregistré le 12 octobre 2017, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux ;

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

- et les observations de Me A...représentant la société Eurovia GPI.

Une note en délibéré, enregistrée le 23 octobre 2017, a été présentée pour la société Eurovia GPI.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., qui a été embauché par la société Cochery Bourdin Chaussé en contrat à durée indéterminé à compter du 5 février 1990 en qualité de " conducteur finisseur ", puis a été muté le 1er février 1999 dans la société Eurovia GPI. M.C..., après avoir rencontré des problèmes de santé qui lui ont imposé des arrêts de travail, et qui lui ont valu, depuis le 1er juin 2007, la qualité de travailleur handicapé, a été, en dernier lieu, déclaré inapte médicalement à son poste de travail par une décision de la médecine du travail du 22 octobre 2012. Cette décision précisait que M. C...était toutefois apte sur un poste de formateur, d'employé administratif ou autre, à condition dans ce cas de respecter les restrictions émises par le médecin du travail notamment : " éviter les manutentions mêmes occasionnelles avec soulèvement et port de charges supérieures à 5 kg, contraintes posturales rachidiennes importantes, la station débout prolongée, au-delà de 30mn et la conduite d'engins vibrants et que lesdits postes soient situés à proximité de son domicile, dans un rayon de 200 km maximum, afin d'éviter des trajets longs domicile-travail ". M. C...après avoir recherché, au sein de la société, en vain, un poste susceptible de correspondre aux prescriptions de la médecine du travail, s'est vu proposé à plusieurs reprises des postes émanant de la société Eurovia GPI, auxquels l'intéressé n'a pas donné suite au motif que les propositions étaient très éloignées de son domicile familial et qu'elles impliquaient un déménagement de sa famille, voire une modification de ses conditions de rémunérations. M. C... ayant été désigné, le 4 avril 2013, par la CFTC représentant de la section syndicale au sein de la société Eurovia GPI de Brive, la société par un courrier du 17 octobre 2013, a demandé à l'inspection du travail de l'unité territoriale de la Corrèze l'autorisation de le licencier. L'inspecteur du travail a accordé, par décision du 13 décembre 2013, l'autorisation de licenciement sollicitée. M.C..., qui s'est vu notifier son licenciement par lettre du 16 décembre 2013, a formé, le 28 janvier 2014, un recours hiérarchique. Le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a, par une décision du 30 mai 2014, annulé la décision précitée de l'inspecteur du travail et a refusé l'autorisation de licencier M.C.... La société Eurovia GPI ayant obtenu par un jugement du tribunal administratif de Limoges du 13 mai 2015 l'annulation de la décision du ministre du travail du 30 mai 2014, M. C...en relève appel.

Sur le bien-fondé du moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Limoges :

2. Pour annuler la décision du ministre du travail du 30 mai 2014, le tribunal administratif de Limoges a estimé, en réponse à une substitution de motif présentée par l'administration dans son mémoire de première instance, que les postes de reclassement proposés à M.C..., sur lesquels les délégués du personnels ont émis un avis favorable le 30 août 2013, n'était qu'une simple réitération de postes présentés au salarié le 17 juillet 2013, la procédure en matière de consultation des délégués du personnel avait été donc régulièrement reprise. Ainsi le ministre en refusant l'autorisation avait entachée sa décision d'une erreur d'appréciation.

3. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités./ Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de

travail ".

4. L'article L. 1226-10 du code du travail précité prévoit expressément la consultation préalable des délégués du personnel avant que des propositions de reclassement ne soient faites au salarié déclaré inapte. La société Eurovia GPI a adressé, le 17 juillet 2013, un courrier à M. C... auquel elle a joint deux fiches de postes précises et détaillées, en lui demandant d'étudier celles-ci et de lui faire part de sa décision dans les plus brefs délais. Ces propositions ont été déclinées par M. C...par correspondance du 22 juillet 2013. La société a consulté, le 30 août 2013, les délégués du personnel, sur la proposition de reclassement faite à M.C..., au regard de fiches de postes strictement identiques à celles du 17 juillet 2013. En l'espèce, si au stade d'une première proposition de reclassement effectuée le 6 mai 2013, la société Eurovia GPI n'avait pas encore connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude de M.C..., la demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'inaptitude a été effectuée par le salarié le 29 mai 2013. Or, à compter de cette date, l'obligation de consultation des délégués du personnel s'imposait à l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement, de sorte que la nouvelle proposition de reclassement effectuée le 17 juillet 2013 aurait dû être précédée d'une consultation des délégués du personnel. Ainsi, les délégués du personnel ont été consultés, le 30 août 2013, sur des fiches de poste qui avaient déjà adressées le 17 juillet 2017 à M.C..., et ce en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail. M. C...est donc fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a procédé à l'annulation de la décision du ministre du travail du 19 décembre 2012.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le Tribunal administratif de Limoges et la Cour, et notamment la demande de substitution de motif invoquée en première instance par le ministre chargé du travail.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre du travail en date du 28 janvier 2008 :

6. Par une demande de substitution de motif, dans ses écritures de première instance, le ministre fait valoir qu'il était tenu de refuser le licenciement sollicité dès lors que les délégués du personnel ont été consultés postérieurement aux propositions de reclassement faites à M. C...en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail et ce alors même que le ministre ne s'était pas fondé sur cette circonstance pour prendre sa décision. Ainsi, compte tenu de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, le ministre pouvait, pour ce seul motif, refuser d'autoriser le licenciement de M. C..., étant observé que la substitution de motifs demandée par le ministre chargé du travail n'a privé la société Eurovia GPI d'aucune garantie procédurale liée aux motifs substitués, ainsi qu'en atteste son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 10 avril 2015 par lequel elle a émis ses observations sur la demande de substitution.

7. Il y a lieu pour la cour, saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'écarter comme inopérants l'ensemble des moyens invoqués par la société Eurovia GPI dès lors que le ministre était en situation de compétence liée pour refuser l'autorisation sollicitée.

8. Il résulte de ce qui précède, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé pour les motifs sus-énoncés la décision du ministre du travail du 30 mai 2014.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Eurovia GPI au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Eurovia GPI à verser à M. C...la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401505 du tribunal administratif de Limoges en date du 13 mai 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Eurovia GPI devant le tribunal administratif de Limoges et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : La société Eurovia GPI versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. B...C..., à la société Eurovia GPI et au ministre du travail. Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Limousin.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2017.

Le rapporteur,

Gil CornevauxLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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No15BX02478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02478
Date de la décision : 13/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Motifs autres que la faute ou la situation économique - Inaptitude - maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : VALADOU JOSSELIN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-13;15bx02478 ?
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