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02/11/2017 | FRANCE | N°17BX01777

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 02 novembre 2017, 17BX01777


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1604722 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
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Par une requête enregistrée le 7 juin 2017, M.B..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1604722 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juin 2017, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mai 2017 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 6 octobre 2016 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les entiers dépens de l'instance, la somme de 1 500 euros à verser à son avocat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'un défaut de motivation en se bornant à indiquer qu'il n'apportait pas la preuve qu'il résidait effectivement en France depuis plus de dix ans ; alors qu'il a produit plus de dix pièces, émanant notamment des caisses d'assurance maladie, par année pour justifier sa présence sur le territoire, les premiers juges ne précisent pas pour quelles périodes ils considèrent que la preuve de sa résidence habituelle en France n'est pas rapportée, ni même les documents dont la valeur probante serait contestable ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, alors qu'il démontre une durée de séjour en France continue depuis plus de dix ans ;

- remplissant l'ensemble des conditions énoncées par le 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968, la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur de droit ; les pièces attestant d'un suivi médical régulier entre 2005 et 2016 sont de nature à démontrer sa résidence habituelle et continue en France dans la mesure où sa présence y était nécessaire pour pouvoir bénéficier des soins conférés ;

- le refus de séjour a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; il justifie d'une présence habituelle et continue sur le territoire français depuis plus de onze années au jour de la décision attaquée et les liens qu'il a pu nouer avec ce pays sont indiscutables et résultent notamment de l'ancienneté de son séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale dans la mesure où le refus de séjour sur lequel elle s'appuie est lui-même illégal ;

- l'illégalité de la mesure d'éloignement prive de base légale la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;

- la décision d'interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la durée de son séjour en France, pays dans lequel par ailleurs il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est dépourvu de base légale dès lors qu'il se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français entachée d'illégalité ;

- ce refus est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où il a entamé de nombreuses démarches en vue de sa régularisation depuis son entrée en France en 2005 ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement sans délai.

Par ordonnance du 23 juin 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 août 2017 à 12 heures.

Un mémoire, enregistré le 30 août 2017 après clôture de l'instruction, a été présenté par le préfet de la Haute-Garonne.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 22 juin 2017, M. B...a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Cécile Cabanne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant algérien né en 1964, est entré en France le 25 février 2005 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises à Alger. Il a fait l'objet de deux refus de séjour en 2005 et 2013 assortis de mesures d'éloignement, décisions dont la légalité a été confirmée par la cour administrative d'appel de Bordeaux respectivement en 2011 et 2014. M. B...a sollicité le 3 août 2015 son admission au séjour sur le fondement du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, compte tenu de l'ancienneté alléguée de son séjour en France. Le préfet de la Haute-Garonne, par un arrêté du 6 octobre 2016, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. M. B...relève appel du jugement du 4 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions tendant au bénéfice à titre provisoire de l'aide juridictionnelle :

2. M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 juin 2017. Par suite, ses conclusions tendant à l'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. M. B...soutient que le tribunal aurait insuffisamment motivé son jugement en n'indiquant pas notamment pour quelles périodes les premiers juges ont considéré que la preuve de sa résidence habituelle en France n'est pas rapportée, ou quelles pièces n'auraient pas de valeur probante. Toutefois, en estimant que les éléments produits par M.B..., " notamment, des ordonnances et autres documents médicaux, des attestations indiquant qu'il a été hébergé ponctuellement et pour des périodes précaires par la Croix-Rouge, ainsi que des avis d'impôts et des détails de versement de la CPAM " n'étaient pas de nature à eux seuls à démontrer sa présence habituelle sur le territoire depuis plus de dix ans, le jugement attaqué n'est pas entaché d'un défaut ou d'une insuffisance de motivation.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. En premier lieu, selon les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1°) au ressortissant algérien qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. ".

5. M. B...soutient qu'il justifie, par la production de près de cent cinquante documents de différentes sources, de sa présence sur le territoire français depuis plus de dix ans. Il produit, pour l'essentiel, des pièces telles que des ordonnances médicales, des relevés de versements de la sécurité sociale et des attestations d'admission à l'aide médicale d'Etat. Il ne fait état en revanche d'aucun élément tangible inhérent à une présence de longue durée en France tels que, notamment, un compte bancaire ouvert en France, des assurances ou des abonnements auprès d'opérateurs publics ou privés contractés en France. Les documents produits ne recouvrent, en outre, que partiellement les années 2005 à 2008 et n'attestent, tout au plus, que d'une présence ponctuelle sur le territoire sur ladite période. Par suite, M. B...n'étant pas en mesure d'établir sa résidence continue sur le territoire français depuis l'année 2005, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien par le préfet de la Haute-Garonne doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M.B..., qui ne justifie pas résider depuis plus de dix ans sur le territoire français, a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans en Algérie, où résident toujours son épouse et ses trois enfants, dont le plus jeune était âgé de onze ans à la date de l'arrêté attaqué. Il n'établit ni même n'allègue disposer de liens familiaux ou personnels en France. Il a fait l'objet précédemment de deux refus de séjours assortis d'obligations de quitter le territoire français. Dans ces conditions, compte tenu notamment des conditions de son séjour en France, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Haute-Garonne n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de la demande de M.B..., dès lors que ce dernier ne remplissait pas effectivement la condition d'une durée de dix ans de résidence habituelle en France fixée par le 1°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien pour se voir délivrer un certificat de résidence de plein droit. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de séjour serait entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission précitée ne peut qu'être écarté.

9. En l'absence d'illégalité du refus de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas privée de base légale. Par conséquent, M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français, de refus de le lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi seraient également dépourvues de base légale.

10. En l'absence d'éléments nouveaux en appel venant au soutien de ses moyens soulevés devant le tribunal à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur d'appréciation par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

11. Au regard de sa situation personnelle et familiale, telle qu'appréciée au point 7 du présent arrêt, et de ce que l'intéressé s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement, alors même qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français aurait été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B...tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. B...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 novembre 2017.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

No 17BX01777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01777
Date de la décision : 02/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-02;17bx01777 ?
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