Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 25 mars 2015, le préfet de la Guadeloupe a déféré devant le tribunal administratif de la Guadeloupe Mme B...comme prévenue d'une contravention de grande voirie constatée par un procès-verbal du 9 juillet 2014. Il est reproché à Mme B...d'avoir construit sans droit ni titre un bâtiment, dont une partie est déjà réalisée et une autre en cours de réalisation, sur le terre-plein central du premier giratoire de la voie principale de Jarry sur le territoire de la commune de Baie-Mahault, une partie du terre-plein étant incluse dans le domaine public maritime alors que l'autre est située sur le domaine public du département de la Guadeloupe.
Par un jugement n° 1500208 du 24 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné Mme B...à payer une amende de 1 000 euros et lui a enjoint de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, à la démolition des installations qu'elle a édifiées sur le domaine public maritime et à la remise en état des lieux. Le tribunal a également autorisé le préfet, en cas d'inexécution de ces obligations dans le délai prescrit, à procéder d'office à la remise en état des lieux aux frais de la contrevenante.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2016, MmeB..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1500208 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 24 juin 2015 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- il n'est pas démontré que l'agent qui a dressé le procès-verbal de contravention de grande voirie était compétent pour le faire ;
- le procès-verbal de contravention de grande voirie établi le 9 juillet 2014 n'a pas été notifié avant l'expiration du délai de dix jours prévu par les dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, ce qui a eu pour effet de porter atteinte à ses droits de la défense ;
- la notification du jugement du tribunal est irrégulière ;
- la SARL " Bon Marché " dont elle est la gérante bénéficie d'une autorisation tacite d'occupation du domaine public, pour laquelle elle paie une redevance depuis octobre 1993 ; cette autorisation vaut permission de voirie et l'autorité municipale l'a autorisée à se raccorder au réseau ;
- le préfet de la Guadeloupe n'apporte pas la preuve que la construction est édifiée sur le domaine public maritime ; le terre-plein central constitue une dépendance du domaine public routier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2016, la ministre de l'écologie, du développement durable et l'énergie conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- Mme B...n'apporte aucun élément au soutien de son moyen tiré de la notification irrégulière du jugement ;
- l'agent qui a dressé le procès-verbal de contravention était régulièrement assermenté, conformément à l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- le délai de dix jours prévu par l'article L. 774-2 du code de justice administrative entre la rédaction d'un procès-verbal de contravention de grande voirie et sa notification n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure ; le délai séparant l'établissement du procès-verbal de sa notification n'a pas porté atteinte aux droits de la défense ;
- contrairement à ce que soutient la requérante, le domaine public ne peut faire l'objet d'une autorisation d'occupation tacite ;
- il ressort des plans que les installations de Mme B...se situent pour partie sur le domaine public du département et pour l'autre partie dans la zone des cinquante pas géométriques ; la limite fixée en 1959 de la zone des cinquante pas géométriques traverse le commerce de la requérante ; le commerce est donc édifié en partie sur une parcelle appartenant au domaine public maritime.
Par ordonnance du 3 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 22 août 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;
- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 9 juillet 2014, sur la base de constatations effectuées le 4 juillet, à l'encontre de MmeB..., à laquelle il est reproché d'avoir édifié sans droit ni titre une construction située pour partie sur le domaine public routier et pour l'autre partie sur le domaine public maritime sur le territoire de la commune de Baie-Mahault. Le préfet de la Guadeloupe a déféré le 19 mars 2015 Mme B...devant le tribunal administratif de la Guadeloupe. Dans un jugement du 24 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal a condamné Mme B...pour contravention de grande voirie à payer une amende de 1 000 euros et lui a enjoint de détruire les ouvrages litigieux et de remettre le site en état dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le tribunal a également autorisé l'administration, en cas d'inexécution de ces obligations dans le délai prescrit, à procéder d'office à la remise en état des lieux aux frais de la contrevenante. Mme B...relève appel de ce jugement.
Sur la régularité des poursuites :
2. Aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance et les officiers de police judiciaire sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie. "
3. Il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites par l'administration, que si l'agent qui a dressé le procès-verbal de contravention de grande voirie du 9 juillet 2014 a prêté serment devant le tribunal d'instance de Pointe à Pitre le 5 octobre 2012, cette habilitation ne porte que sur les infractions au code de l'urbanisme et ne mentionne pas expressément qu'il pouvait constater les infractions au code général de la propriété des personnes publiques. Ainsi la procédure de contravention de grande voirie n'a pas été régulière. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée pour contravention de grande voirie à payer une amende de 1 000 euros et lui a enjoint de détruire les ouvrages litigieux et de remettre les lieux dans leur état initial.
Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme B...sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500208 du 24 juin 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 2 : Mme B...est relaxée des fins de la poursuite en contravention de grande voirie engagée contre elle.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouse C...et au ministre de la transition écologique et solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 novembre 2017.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX00480